B. Une recherche dans le champ de l’ERE

1. Finalités, hypothèses et objectifs de la recherche

Au-delà de sa perspective diplômante, cette recherche vise à participer à la structuration du champ de l’éducation relative à l’environnement. L’éducation relative à l’environnement par le courant de la durabilité a été propulsée au devant de la scène par les circulaires successives de l’Education Nationale d’une part, et par la diffusion du développement durable au sein des politiques publiques d’autre part. C’est un champ ancien mais qui a pris une ampleur nouvelle11 ces dernières années d’où émergent de nouvelles opportunités et de nouvelles configurations. Cette recherche souhaite contribuer à ce processus en proposant un état des lieux du champ de l’ERE et une lecture des dynamiques et des lignes de forces qui se dessinent actuellement entre les acteurs. De là découlent trois hypothèses de recherche.

Hypothèse n°1 : La première hypothèse est que l’ancrage de l’éducation à l’environnement du côté de la durabilité constitue un processus d’uniformisation et d’homogénéisation des pratiques politiques et pédagogiques des acteurs.

L’éducation relative à l’environnement n’appartient pas à l’histoire immédiate. Cela fait déjà une cinquantaine d’années que l’environnement est perçu par certains comme un support éducatif ou un objet d’éducation. L’éducation relative à l’environnement n’a pourtant jamais connu un succès aussi grand qu’actuellement en France, en Occident mais également dans les pays du Sud. Mais c’est une éducation orientée vers le développement durable dont il s’agit. Le succès de la notion de développement durable n’est pas étranger à l’expansion spectaculaire de ces deux dernières décennies. C’est ainsi que des acteurs très différents (éducateurs, enseignants, politiques, managers…), étrangers à l’origine à l’éducation relative l’environnement se sont mobilisés. Le regroupement d’une pluralité d’acteurs, sous la bannière du développement durable devrait conduire à un enrichissement et à une ouverture des pratiques d’acteurs. L’hypothèse faite ici est l’inverse. L’éducation au développement durable semble proposer des standards pédagogiques et éducatifs qui permettent facilement leur appropriation mais qui de fait uniformisent les pratiques d’acteurs. L’implication d’une grande diversité d’acteurs semble aussi avoir troublé le fonctionnement usuel du milieu de l’éducation relative à l’environnement. C’est ce qui constitue la seconde hypothèse.

Hypothèse 2 : L’implication de nouveaux acteurs, notamment politiques, dans le champ de l’ERE, engendre un transfert de la légitimité d’action des associations, acteurs historique de l’ERE, aux pouvoirs politiques.

L’éducation relative à l’environnement a émergé du champ associatif. Ce sont principalement des associations d’éducation non formelle ou de protection de la nature et de l’environnement qui ont développé des projets en matière d’ERE depuis les trente dernières années. Ce sont elles qui ont le plus souvent, porté les projets et qui les ont mis en œuvre. Les pouvoirs publics reconnaissaient alors l’utilité de ces projets et les soutenaient notamment sur le plan financier. Avec le développement durable, de nombreuses collectivités territoriales et institutions (services déconcentrés de l’Etat) se sont approprié l’éducation à l’environnement et/ou au développement durable. Elles ont défini une politique spécifique en la matière souvent formalisée dans un Agenda 21, une charte ou un plan d’ERE. Ce processus tend à réduire la légitimité usuelle des associations et leur pouvoir d’action. L’hypothèse formulée ici repose sur l’idée que nous sommes à un moment de rupture où chaque type d’acteur de l’ERE est en train de se repositionner dans le champ. De ce fait les associations sont fragilisées et le politique se retrouve en position de force.

Hypothèse 3 : La troisième hypothèse est qu’il existe une grande inégalité d’accès à une éducation relative à l’environnement . Tous les territoires et tous les citoyens ne bénéficient pas d’actions ou de projets d’ERE.

Les territoires les plus dynamiques en matière d’ERE sont ceux dont les collectivités locales se sont mobilisées et ont mis en place une politique éducative dans le domaine. Dans cette perspective, il s’agit de démontrer le caractère structurant des politiques publiques sur les dynamiques territoriales en matière d’ERE. Elles semblent constituer le facteur dominant dans l’émergence d’une dynamique territoriale en matière d’ERE. Ces politiques étant coûteuses, de là découle l’idée que les territoires les plus dynamiques sont des territoires urbains. Les territoires ruraux sont moins ciblés quantitativement par l’éducation relative à l’environnement que les autres territoires. A une inégalité territoriale, cette hypothèse sous-tend l’existence d’inégalités sociales. Il semble que les actions et projets d’ERE ciblent un public très restreint, les scolaires ou des enfants scolarisés, en délaissant les autres publics potentiels.

Pour explorer ces trois hypothèses, plusieurs objectifs ont été définis :

Objectif n ° 1 : Il s’agit tout d’abord d’identifier les pratiques pédagogiques des acteurs en cours en matière d’éducation relative à l’environnement dans l’Académie de Lyon. Le terme de pratique est vaste parce qu’il recouvre des réalités qui relèvent tant du politique, du juridique, de l’économique que du pédagogique. Il s’agit de cerner qui travaille avec qui et comment. Ce qu’on recherche c’est la posture, les valeurs, le positionnement, l’implication des acteurs mais aussi les approches et les courants pédagogiques d’ERE dans lesquels ils s’inscrivent.

Objectif n ° 2 : Il s’agit ensuite de comparer ces pratiques à différents niveaux. Cette comparaison permettra de valider les hypothèses 1 et 2.

Objectif n °3  : Cet objectif est corrélé à la troisième hypothèse. Il s’agit d’établir une cartographie des territoires les plus dynamiques en matière d’ERE.

Le nombre des acteurs et des actions impliqués en ERE dans l’Académie de Lyon nécessitait de réduire le champ d’investigation. Deux solutions étaient possibles : la première, tronquer le territoire d’investigation, la seconde, choisir une entrée thématique. J’ai choisi une entrée thématique : l’eau. C’est l’une des deux thématiques (avec celle des déchets) les plus explorées en Rhône-Alpes. Elle mobilise un grand nombre d’acteurs. Elle est ainsi révélatrice de ce qui se réalise dans le milieu dans son ensemble. Si j’avais choisi de réduire le territoire d’investigation de trois à un département, j’aurais pu avoir des analyses plus fines à l’échelle locale mais je risquais de ne pas pouvoir appréhender des phénomènes académiques ou régionaux. L’eau constitue donc une porte d’entrée pour aborder l’ERE. Ce n’est pas en soi un objet de recherche. Aucune des analyses menées ne porte intrinsèquement sur la thématique de l’eau.

Les finalités, les objectifs et les hypothèses que nous venons de poser dessinent les contours d’une recherche qui s’inscrit pleinement dans l’ERE, champ dans lequel il est nécessaire de la positionner maintenant.

Notes
11.

Puisque l’un découle de l’autre, nous n’emploierons plus le terme d’éducation à l’environnement vers un développement durable (EEDD) mais celui plutôt d’éducation relative à l’environnement, plus large et plus approprié au contexte. Nous reviendrons sur les différences entre les deux plus tard dans ce travail.