2. Le statut de la recherche

Cette recherche a un double statut. C’est d’abord une recherche évaluative pour fin d’amélioration selon la typologie de J.-M. Van der Maren (1999). Elle « repose sur la mise en œuvre d’un processus permettant de réduire l’écart entre une situation réelle jugée insatisfaisante et une situation attendue. Le praticien-chercheur prend une part active dans le changement de la situation jugée insatisfaisante. Cette forme de recherche évaluative-adaptative fait essentiellement appel à une instrumentation qualitative (SAUVE L. et VILLEMAGNE C., 2003, M. 88) 12 . » Il s’agit ici d’évaluer les pratiques actuelles en éducation relative à l’environnement sur le territoire de l’Académie de Lyon. Il ne s’agit pas de juger ces pratiques mais de les identifier, de les analyser et d’en étudier la cohérence globale.

Cette recherche s’inspire de l’évaluation « négociée » (GUBA E. G. et LINCOLN Y., 1989) sans néanmoins l’être vraiment. « Associée au paradigme constructiviste (tel aussi parfois critique), l’évaluation négociée peut jouer un rôle d’émancipation et d’empowerment pour les participants à la recherche. Le savoir émergeant de ce processus est une construction, signifiante et contextualisée de situations vécues par les acteurs en jeu» (SAUVE L. et VILLEMAGNE C., 2003, M. 89). Dans l’ensemble cette recherche a été menée en partenariat avec les acteurs de terrain. Le Rectorat et le GRAINE Rhône-Alpes ont beaucoup facilité cette recherche en me permettant d’être au cœur du champ de l’ERE. Ils ont été partenaires d’une des actions de recherche, l’enquête enseignante, qui a essayé d’être collaborative. Le recueil de données et l’observation d’animations ont sollicité l’aide des acteurs de terrains. La fin de ce travail se traduira par une retranscription aux acteurs concernés des résultats obtenus. Mais ces partenariats sont plus ou moins développés. Il ne s’agit jamais de partenariat de développement mutuel (SAUVE L., 2001-2002). Le sujet de recherche n’a pas été défini de manière concertée même s’il a émergé des entretiens d’acteurs réalisés en Master. La méthodologie et le sujet de la recherche n’ont pas été définis de manière concertée et collégiale. Cela découle de ma posture initiale de recherche, à savoir le positivisme. J’ai essayé lorsque cette recherche s’est orientée vers le socioconstructivisme de tendre vers une « évaluation négociée ».

Le second statut de cette recherche est aussi d’être une recherche théorique (Van der Maren J.-M., 1999). Il s’agit d’analyser la notion de développement durable pour ce qu’elle est et au travers de sa mise en œuvre dans des propositions pédagogiques. C’est une posture critique qui sous-tend cette analyse.

Par son statut, ses finalités et sa méthodologie, ce travail de recherche est lié à trois courants d’éducation relative à l’environnement (SAUVE L., 1994). Le premier est celui de la critique sociale. « Essentiellement, ce courant insiste sur l’analyse des dynamiques sociales à la base des réalités et problématiques environnementales : analyse des intentions, des positions, des arguments, des valeurs explicites et implicites, des décisions et des actions, des différents protagonistes d’une situation (SAUVE L., 2003, M.117) . » On retrouve ici le volet d’analyse des pratiques et des stratégies d’acteurs.

Elle s’inscrit également dans le cadre du courant praxique. « Ce courant met l’accent sur l’apprentissage dans l’action, par l’action et pour améliorer sans cesse cette dernière. Il ne s’agit pas de développer a priori des connaissances et des habiletés en vue d’une éventuelle action, mais de se mettre d’emblée en situation d’action et d’apprendre à travers le projet, par et pour ce projet. L’apprentissage fait appel à la réflexivité sur l’action, en cours de projet » (SAUVE L., 2003, M. 111) Ce courant reflète ma posture d’ensemble et renvoie à mon statut de praticienne. Une des enquêtes menées, celle réalisée auprès des enseignants, a essayé de s’inscrire dans ce courant.

Le dernier courant auquel est relié ce travail de recherche est celui de la durabilité. C’est celui qui entre dans l’éducation relative à l’environnement par le développement durable. Ce travail ne relève pas vraiment du courant de la durabilité mais la majorité des acteurs de terrain se réclament du développement durable, ce qui m’oblige à parler d’éducation au développement durable ou vers un développement durable. L’optique adoptée est plutôt critique par rapport à ce choix. Il s’agit plus de parler du courant de la durabilité que véritablement y appartenir. Ce travail s’inscrit dans la perspective plus large de l’éducation relative à l’environnement.

Pour résumer et conclure, cette recherche, par son design et son statut, est pleinement une recherche d’éducation relative à l’environnement qui s’organise autour de deux axes illustrés ci-dessous.

Figure 3 : Schéma méthodologique de thèse
Figure 3 : Schéma méthodologique de thèse

Le premier axe porte sur l’identification des acteurs, leur positionnement, leur pratique dans le champ de l’ERE et leur implantation territoriale. Cet axe a été exploré par le biais d’entretiens semi directifs et des données quantitatives recueillies à l’issue de ces entretiens. Le second est une analyse pédagogique et méthodologique des pratiques des acteurs. Cette analyse s’appuie sur trois actions de recherche : une enquête menée auprès des enseignants de l’Académie sur leur pratique en ERE, l’analyse des dossiers pédagogiques (sur le thème de l’eau) soumis à l’Inspection Académique et enfin l’analyse d’actions d’éducations à l’environnement menées sur le thème de l’eau. La méthodologie détaillée ne sera pas présentée ici. Pour que la présentation des résultats de recherche soit la plus lisible possible, la méthodologie de chaque action de recherche est présentée dans la partie dans laquelle les résultats sont développés. Cela permet de mieux identifier l’origine et la source des arguments factuels avancés dans le discours. Il arrive néanmoins que pour renforcer les arguments présentés, et pour favoriser les liens entre les différentes actions de recherche, certains résultats soient présentés avant la méthodologie d’investigation auxquels ils se rapportent. Ce choix découle de l’organisation générale de cette recherche construite comme un système.

Notes
12.

Les articles et ouvrages publiés à l’international sur éducation relative à l’environnement sont peu disponibles en France en bibliothèque. Même celle de l’INRP n’a que quelques années d’archives. J’ai suivi un cursus d’une année par correspondance à l’UQAM qui a une chaire d’éducation relative à l’environnement. J’ai utilisé le cours et les textes fournis dans le cadre de cette formation pour nourrir ma réflexion. A chaque fois que ces derniers sont cités, ils sont indiqués avec le nom des auteurs et l’année. Les références complètes sont citées en bibliographie. Le cours se compose de 21 modules comprenant chacun un cours, un recueil de textes et des documents d’accompagnement. Les pages numérotées en M. sont issues du cours, celle en R. sont issues au recueil de texte et celle en D., des documents d’accompagnement.