a) La durabilité faible

Le monde des affaires adhère à une vision « allégée » du développement durable. La durabilité signifie la poursuite de la croissance économique et du développement dans une acception classique et néoclassique de l’économie. « Si la notion de « durabilité » a trouvé un écho dans le monde des affaires, c’est dans le sens d’une durabilité de la firme, de ses activités et de sa croissance » (LEFEVRE M., 2006, p.128). Le développement n’est possible désormais qu’en prenant en compte le milieu biophysique qui le menace. Les propos de Thierry Desmarest, PDG de Total Fina Elf illustrent ce positionnement : « Nous avons quatorze ans de réserves pétrolières prouvés d’hydrocarbures (pétrole et gaz). Il nous faut en permanence reculer cette échéance d’extinction des réserves : la démarche de durabilité est bien au cœur de nos métiers » (LEFEVRE M., 2006, p.128).Les problèmes environnementaux posés par une production importante, ne préoccupent les firmes que dans la mesure où ils représentent une menace pour leurs activités à moyen ou long terme. Cette menace est environnementale dans le cas des firmes pétrolières mais également politique. Les entreprises risquent de devoir se soumettre à des réglementations contraignantes. Le risque se pose aussi en termes d’image.

Pour parvenir à surmonter les contradictions entre le maintien d’une croissance élevée et le respect de l’environnement, les partisans de la durabilité forte misent sur les progrès techniques et scientifiques. Ils permettront dans un futur proche, d’exploiter les ressources de manière plus économique en énergie et en ressources naturelles non renouvelables. Ils rendront possible l’exploitation de ressources naturelles jusque-là inaccessibles. Enfin, la technique et la science permettront de substituer ce que la nature ne pourra plus nous offrir en termes de ressources et d’usages. C’est ce que les économistes appellent la substitution du capital naturel par du capital technique ou humain. Un couché de soleil pourra par exemple être remplacé par une projection cinéma du phénomène. Pour que cette substitution soit possible, il est nécessaire que la société continue à s’enrichir et par conséquent que la croissance économique reste soutenue.

Cette approche n’est pas dénuée de pertinence. Il est vrai que certaines ressources jugées inaccessibles il y a encore une trentaine d’années, sont aujourd’hui exploitées comme le pétrole des fonds marins. Cet argument est néanmoins fallacieux. Une grande partie des stocks de ressources non renouvelables ont été découverts au XXème siècle grâce à des moyens d’investigations plus performants. Cependant l’époque des grandes découvertes de ressources naturelles est révolue. On découvre encore des ressources non renouvelables dans les sous-sols terrestres mais les stocks découverts sont marginaux par rapport à l’ensemble des ressources non renouvelables disponibles et à nos besoins croissants. Il reste les fonds marins, réserve riche en pétrole notamment mais difficilement sondable et exploitable. Quoiqu’il en soit ces réserves demeurent limitées. C’est la définition même des ressources non renouvelables. Même si on découvre de nouvelles ressources ou qu’on les exploite de manière plus économique, on ne pourra pas compter indéfiniment sur les progrès techniques pour pallier à l’épuisement des ressources non renouvelables. Penser qu’il est possible de substituer de nouvelles techniques à ce que l’environnement nous offre, c’est penser que le virtuel peut se substituer au réel. Il s’agit d’une illusion de la modernité.

Le milieu des affaires opte plutôt pour une durabilité faible qui correspond à un aménagement de la croissance économique en vue de mieux instrumentaliser l’environnement.

Figure 6 : Le développement durable, un nouveau mode de consommation
Figure 6 : Le développement durable, un nouveau mode de consommation Toutes les caricatures sont de Christophe Danel. Elles ont été réalisées à la demande de l’auteur en 2009.

Ce n’est évidemment pas l’optique des O.N.G* et des associations mobilisées pour la protection de l’environnement.

Notes
17.

Toutes les caricatures sont de Christophe Danel. Elles ont été réalisées à la demande de l’auteur en 2009.