1. Qu’est ce que l’ERE ?

L’ERE recouvre un ensemble de manifestations très différentes.

a) Une éducation aux formes multiples

L’éducation relative à l’environnement (ERE) est un processus continu et global par lequel une personne s’inscrit dans un rapport au monde respectueux d’autrui, de son milieu de vie et du milieu biophysique. Ce processus permet d’acquérir des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être qui permettent de développer un savoir-agir et un vouloir-agir propice à l’instauration d’un rapport homme/société/environnement favorable. Ce processus vise au développement personnel de l’individu mais aussi un changement social profond. L’éducation relative à l’environnement est donc aussi le résultat de ce processus. Cette définition personnelle met en valeur les caractéristiques de l’ERE.

Tout d’abord, l’éducation relative à l’environnement n’est circonscrite ni à l’enfance ni au milieu scolaire. Elle est continue : elle concerne l’individu à différentes étapes de sa vie. L’ERE s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants. L’éducation relative à l’environnement prend des formes multiples. Elle peut avoir lieu dans le cadre d’une animation, c’est-à-dire au cours d’un temps d’activités ludiques réalisées en groupe à but récréatif. Elle peut s’inscrire dans le cadre d’un enseignement ; c’est-à-dire dans un cadre scolaire, ou bien en formation. Enseignement et formation sont deux termes proches mais ne se confondent pas. La formation délivre un ensemble de connaissances et de compétences dans le cadre professionnel, en vue d’exercer un métier. Elle s’adresse à un adulte ou un jeune adulte. L’enseignement destiné à un public plus jeune d’enfants et d’adolescents transmet des savoirs et des savoir-faire définis par un curriculum. L’ERE peut avoir lieu lors d’une information ou d’une sensibilisation à un sujet. L’animation, l’enseignement, la sensibilisation, l’information ou la formation, sont des pratiques qui se combinent, se juxtaposent et se succèdent pour constituer l’ERE. La diversité de ces formes traduit la pluralité des lieux où se met en place l’ERE et des acteurs en jeu. L’école n’est pas le seul lieu d’une éducation relative à l’environnement. La vie publique, la télévision, la presse, les manifestations grand public, les conférences… peuvent toutes constituer des espaces d’ERE et des acteurs du champ. Louis Goffin illustre parfaitement ce propos en prenant l’exemple du cyclone Mitch qui a détruit l’Amérique centrale en 1998.

‘L’information, diffusée par les médias situe les lieux, l’ampleur, les dégâts, recense le nombre de morts et de disparus, etc. Elle devient aussi sensibilisation par le choc des images et la gravité du commentateur de TV. Aux endroits les plus concernés par ce type de cataclysme, la prise de conscience d’une nécessaire prévention peut être renforcée. Grâce à un enseignement de climatologie et de météorologie, il serait possible de mieux comprendre le phénomène physique ; grâce à la géographie, de mieux en localiser les effets spatiaux.
Une formation spécifique préalable serait nécessaire pour les secouristes et les personnels de santé, appelés sur les lieux, pour les ouvriers chargés du déblaiement, pour les architectes engagés dans la construction.
Alors, où se situent l’Education, et plus particulièrement l’ERE ?
Faire l’effort de s’informer, de manière critique et comparative : chercher à comprendre les mécanismes du phénomène ; se rendre capable d’analyser les causes et les responsabilités, notamment le pourquoi de la vulnérabilité plus grande des pays pauvres aux catastrophes naturelles ; rechercher, à son niveau, les possibilités d’aides concrètes, en conformité avec un réel esprit de solidarité ; faire partager cette attitude ; mais encore et surtout entreprendre effectivement une action d’ordre humanitaire […]
Voilà bien toute une série de comportements qui relèvent à notre estime d’« une bonne éducation à l’environnement. (GOFFIN L., 2001 in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.50)’

On voit bien ici que le cyclone Mitch peut constituer un temps d’ERE. Les espaces et les acteurs mobilisés dans cet exemple sont les médias (TV), l’enseignement (école ou université) et la formation. Ils œuvrent conjointement au sein d’un processus individuel.

L’éducation relative à l’environnement est d’abord et avant tout un cheminement individuel. Cela ne signifie pas que le groupe ne puisse pas être un lieu pertinent d’ERE bien au contraire. Nous montrerons plus tard que le groupe est une stratégie pertinente dans le domaine. Il s’agit de la nature du processus éducatif mis en œuvre et de son échelle. L’éducation relative à l’environnement conduit chacun à s’interroger sur son rapport à son milieu de vie. Elle se joue dans la troisième sphère d’interaction à la base du développement personnel et social identifiée et modélisée par Lucie Sauvé (SAUVE L., 1997, in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.6).

Figure 7 : Sphères d’interaction du développement personnel et social. (SAUVE L., 1997, in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.6)
Figure 7 : Sphères d’interaction du développement personnel et social. (SAUVE L., 1997, in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.6)

La première sphère est celle de construction identitaire où l’on détermine qui on est et ce qu’on veut devenir. « C’est là où l’on apprend à apprendre, à se définir, à entrer en relation ; c’est là où se développent l’estime de soi, l’autonomie, l’authenticité, l’intégrité, la réflexivité, de même que la responsabilité envers soi-même » (SAUVE L., 1997, in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.6). La seconde est celle où se construit la relation à l’autre et où on explore la vie en communauté. « C’est dans cette sphère qu’on expérimente à la fois les difficultés et les avantages de vivre avec l’autre, qu’on développe un sentiment d’appartenance au groupe, la conscience de sa culture de référence (op. cit., R.7) » La troisième sphère correspond à l’inscription d’un individu dans son environnement, terme pris au sens large qui ne peut se restreindre au milieu biophysique. « Ici, c’est une autre forme d’altérité qui est en cause, au-delà de l’altérité humaine. Il y est question de développer un sentiment d’appartenance au grand réseau des êtres vivants et le sens de la responsabilité s’élargit écocentriste» (Ibidem). L’éducation relative à l’environnement est un processus conscient et volontaire. On peut contraindre quelqu’un à adopter un comportement : trier, économiser l’eau ou l’énergie… On ne peut pas modifier de manière exogène le rapport d’un individu à son environnement, sauf à avoir recours à de la manipulation mentale, ce qui ne relève pas de l’éducation. L’éducation relative à l’environnement touche à l’intimité d’un individu. En questionnant le lien d’un individu à son environnement, c’est son rapport aux autres et son identité qui sont interrogés car ils interviennent dans les relations qu’un individu entretient avec son environnement. Quelqu’un qui a peu conscience de l’incidence de ses actes sur autrui, ne sera par exemple, pas embarrassé de laisser un lieu public plus sale après son passage et de jeter des déchets par terre. L’éducation relative à l’environnement est un processus global qui touche toutes les dimensions de l’être. Il nous met devant nos responsabilités. Il participe d’un processus de responsabilisation. « L’éducation à l’environnement s’appuie sur l’étude du milieu, mais elle le dépasse, en mettant l’accent sur la nécessaire prise de conscience par les jeunes de leur responsabilité individuelle et collective en tant que futures « citoyens de la Biosphère » (GIOLITTO P. et CLARY M., 1994, pp.79-80).

On retrouve dans la définition donnée précédemment de l’ERE et dans les caractéristiques qui s’en dégagent, les quatre critères identifiés par Louis Goffin (2001) pour parler d’éducation :

_ « la durée ou la permanence : elle se réalise du début à la fin de la vie et n’est jamais achevée et progressive. 

_ la globalisation : elle concerne l’être et l’agir sous toutes ses dimensions : intellectuelle, affective, esthétique, physique et motrice, psychologique, sociale…

_ La généralisation : elle intègre de nombreuses modalités de lieu, d’action et de temps, par exemple la famille, l’école, l’entreprise, la vie locale, le spectacle de la rue, les émissions de TV, les rencontres interpersonnelles, les voyages et bien d’autres ;

_ la responsabilisation : bien que, selon des circonstances, le processus éducatif puisse être accompagné, conduit, voire imposé de l’extérieur par des « éducateurs », l’agent principal de l’éducation demeure le sujet lui-même, premier responsable du mode d’adhésion à l’art de vivre proposé ainsi que de sa pratique quotidienne » (GOFFIN L., 2001 dans SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.50). Il reste encore un point à éclaircir : l’objet de l’ERE.