a) L’origine de l’ERE dans une perspective environnementale

Dans la perspective environnementale, l’éducation relative à l’environnement semble prendre racine dans les mouvements d’exaltation, de protection et de conservation du milieu biophysique.

Cette hypothèse a déjà été explorée par Tom Berryman d’une part, Isabel Orellana et Stéphane Fauteux de l’autre (BERRYMAN T., 1997; ORELLANA I. et FAUTEUX S., 2000, dans SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, R.69-89). «Les origines les plus évidentes de l’éducation relative à l’environnement se trouvent chez les passionnés de l’étude des sciences naturelles, chez les porte-parole des premiers mouvements de conservation, chez les réformistes sociaux ainsi que chez les romantiques. Ces mouvements se manifestent avec force à partir de 1850 durant de la révolution industrielle et son urbanisation» (BERRYMAN T., 1997, dans op. cit., R. 69). Les auteurs précédemment cités font du XIXème siècle le point d’ancrage des premières sensibilités environnementales. Ces mouvements sont antérieurs à 1850 en Europe (les auteurs précédemment cités sont canadiens).

L’exaltation de la Nature21 émerge dès la Renaissance. C’est aussi à la Renaissance que les explorations ouvrent de nouvelles perspectives à la connaissance du milieu biophysique avec la mise en place d’herbiers plus complets (DELEAGE J.-P., 1999). Linné met en place un code de classification des vivants dés le XVIIIème siècle. Le milieu biophysique se constitue en tant qu’objet de science dés cette époque. Le XVIII ème siècle correspond à la naissance des sciences naturelles (Ibidem). Il est vrai que les mouvements de conservation et de protection du milieu biophysique et les premiers parcs naturels (Yellowstone dans les années 1880) apparaissent au XIX ème siècle. Ils ont accéléré la structuration d’une éducation relative à l’environnement. J.-P. Deléage (1991) identifie trois facteurs expliquant le rôle charnière du XIX ème siècle dans la prise en compte de l’environnement : la maîtrise de l’espace (c’est la fin de l’exploration du monde, le monde est fini), la révolution de la conception du temps (création de la machine à vapeur, 1ère révolution industrielle) et la réorganisation des rapports entre les sciences physiques et celles du vivant. Ces facteurs ont constitué les conditions d’émergence de l’écologie et d’une conscience environnementale. Dans la lignée du XIX ème siècle, les mouvements de protection de l’environnement s’organisent et s’institutionnalisent dans la seconde moitié du XX ème siècle, galvanisés par les mouvements de contestations sociales des années 1960 et par l’émergence d’une prise de conscience environnementale.

L’ONU et l’UNESCO ont été les portes paroles de ce phénomène. Isabel Orellana et Stéphane Fauteux (2000) ont mis en évidence le rôle prégnant de ces deux institutions internationales dans la structuration de l’éducation relative à l’environnement en tant que champ éducationnel. Dès la conférence de Stockholm, « la déclaration de l’ONU, dans sa recommandation 96, reconnaît le rôle de l’éducation relative à l’environnement comme un outil indispensable de lutte à la dégradation du milieu de vie et lance un appel pour qu’elle soit promue dans tous les pays » (ORELLANA I. et FAUTEUX S., 2000, in SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003 ., R. 76). A la suite de cela, s’est tenu le colloque international de l’ERE à Belgrade en 1975 qui a débouché sur le Programme International de l’Education en matière d’Environnement (P.I.E.E*) et la conférence intergouvernementale sur l’ERE à Tbilissi en 1977. L’UNESCO a aussi été partenaire de la Stratégie mondiale de la conservation en 1980.

Dans toutes ces conférences, l’éducation relative à l’environnement est mise en avant comme un outil au service du changement des comportements dans une perspective civique et citoyenne. Dans la Charte de Belgrade (UNESCO, 1975), « l’éducation est vue comme un outil de transformation favorisant la création de nouveaux rapports entre l’être humain et son milieu » (op. cit., R. 77). De la même manière, « l’éducation environnementale et la participation du public [sont définis] comme [des] outils de soutien indispensables à l’avènement de changements dans le comportement des individus et des sociétés au regard de la biosphère » (Ibidem, R.78) dans la Stratégie mondiale de la conservation. L’UNESCO a ainsi impulsé une dynamique internationale forte qui a contribué à la structuration du champ. Dès 1977, l’UNESCO pousse à l’institutionnalisation de l’ERE à différents niveaux d’échelle perçue comme nécessaire à la mise en place d’une stratégie planifiée d’ERE.

L’ERE semble découler de manière assez directe des préoccupations environnementales qui ont marqué la deuxième moitié du XXème siècle. Cette filiation inscrit l’ERE dans l’histoire contemporaine récente. Lorsqu’on analyse l’ERE au travers ses finalités éducatives, l’histoire lui accorde plus de profondeur temporelle et ancre ses racines dans le siècle des Lumières.

Notes
21.

Le terme est ici utilisé car il renvoie à toutes les représentations que nous avons identifiées précédemment : la mère Nature, Dame Nature, force mystique.