a) La méthodologie d’entretiens

C’est dans le cadre de cette première investigation que j’ai identifié et rencontré les structures intervenant de manière directe ou non en ERE. Parmi ces acteurs figurent des collectivités territoriales pour lesquelles, cette investigation s’est limitée aux plus importantes. A l’échelle communale, cela n’inclut que les grandes villes et agglomérations du territoire, à savoir Lyon, le Grand Lyon, Saint Etienne, Saint Etienne Métropole, Bourg en Bresse et l’Agglo. Les collectivités locales d’échelle supérieure ont également été prises en compte : les départements et la région Rhône-Alpes, ainsi que l’intégralité des collectivités portant un contrat de rivière. J’ai rencontré 25 collectivités territoriales au total (ANNEXE 13).

Cette investigation a également ciblé les associations ou structures intervenant directement auprès des différents publics (scolaires, extrascolaires, grand public ou professionnelles) en ERE  ainsi que les structures qui financent l’ERE sans être une collectivité locale ni intervenir en face à face avec le public tels que le Grand Moulin de l’Yzeron (69), la Maison Rhodanienne de l’Environnement (MRE), l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ou la DIREN*.

Enfin, j’ai rencontré des chercheurs au Cemagref* et à l’INRP. Les acteurs privés ne sont pas pris en compte dans cette méthodologie. C’est une des limites de cette recherche. J’ai essayé de les rencontrer à plusieurs reprises mais ai renoncé devant l’absence de réponses à mes nombreuses sollicitations.

Au total, 112 organisations ont été recensées parmi lesquels 63 ont été retenues. La liste des structures identifiées et retenues se situe en ANNEXE 13, celle des structures non retenues en ANNEXE 12. Cette sélection s’est opérée sur trois critères :

  1. La structure doit investir de manière visible, consciente et entière le champ de l’ERE. Nous avons évincé les structures pour lesquels l’ERE constituait une activité marginale : des associations à visées scientifiques, ludiques ou de vulgarisation scientifique.
  2. Nous avons également éliminé les structures d’ERE n’ayant pas investi la thématique de l’eau ou seulement de manière marginale. Les associations ayant une autre thématique et abordant l’eau dans le cadre de cette thématique n’ont pas été prises en compte. C’est par exemple le cas des Robins des villes qui travaillent sur la ville ou d’Oïkos orienté sur l’habitat.
  3. La structure doit être localisée dans l’Académie.

L’objectif de ces entretiens est multiple. Il s’agit :

  • de mieux cerner les acteurs de l’éducation relative à l’environnement,
  • de prendre connaissance des pratiques sur le terrain,
  • d’identifier les choix pédagogiques et la posture qu’ils sous-tendent
  • De nouer une relation de confiance interpersonnelle et avec la structure permettant ensuite d’avoir accès à ses données et de pouvoir observer des animations ou des projets d’ERE sur le thème de l’eau.

Dans chaque structure, j’ai rencontré la ou les personnes identifiées comme responsables de l’Education à l’environnement. Dans les collectivités territoriales, j’ai privilégié les chargés de mission aux élus. D’une part, les élus sont souvent en charge de l’environnement et sont en difficulté pour décrire avec précisions ce qui se fait dans le domaine de l’ERE. D’autre part, ils ne détiennent pas la mémoire de ce qui se faisait en ERE avant leur élection. Il est vrai que les chargés de mission dans les collectivités portant les contrats de rivières, connaissent aussi une forte rotation. Enfin, j’ai cherché à déterminer les pratiques des structures et non leur positionnement politique. La rencontre des élus n’est donc pas nécessaire.

Les entretiens se sont déroulés en face à face ou par téléphone29 sur trois années scolaires 2004-2005, 2005-2006 et 2006-2007. Ce sont des entretiens à questions ouvertes selon la typologie de Gérald Boutin (BOUTIN G., 1997 cité dans SAUVE L. et coll, 2003, Boîte à outils, B.81). Ce type d’entretien est centré sur le sujet de l’enquête, ici l’éducation relative à l’environnement, et sur les positionnements des interviewés dans ce champ tant par rapport à l’objet que par rapport aux autres acteurs du champ. L’entretien n’est pas circonscrit à un questionnaire strict. Nous avons choisi de le mener à l’aide d’un guide semi directif présenté ci-dessous.

Guide d’entretien

I) Le factuel
L’organisation de la structure
●Le statut de la structure 
●Les financements accordés à l’EEDD
●La place de l’EEDD dans la politique générale
●Ses compétences
●Son organisation (nb employés, division en service…)

L’éducation relative à l’environnement
●Les grandes réalisations en matière EEDD
●Création ou financement d’outils publiés ? De journaux ? De fascicules ?
●Les documents qui définissent l’action en matière d’éducation à l’environnement (charte, plan de communication…)
●Les objectifs
●Les publics visés (destinataires)
●Les partenaires : associations mobilisées, les autres collectivités partenaires …
●Les coûts de l’investissement
●Les relations avec l’Education Nationale
●Projets futurs

II) Positionnement
L’environnement
●La philosophie de l’EEDD : les grands principes et approches qui encadrent l’action
●Orientation vers le développement durable ?
●Définition de l’environnement : perspective environnementaliste, naturaliste…
●Militantisme
●Participation à des réseaux d’acteurs : GRAINE RHÔNE-ALPES, CFEE, FRAPNA* …

III) La signalétique
Métier
●Fonction occupée
●Depuis quand ?
●Parcours professionnel
●Formations antérieures

Ce guide se structure autour de quatre axes. Les deux premiers relèvent du factuel et renvoient au premier objectif de l’enquête : la connaissance du terrain. Le troisième doit permettre de mieux cerner la posture et le positionnement de la structure dans le champ. Enfin, les derniers points abordés visent à mieux connaître l’interlocuteur. Ces axes ont été abordés sans ordre précis, en fonction de l’interviewé. L’intérêt d’un guide d’entretien semi directif est de permettre à l’interlocuteur de s’exprimer librement tout en s’assurant qu’à la fin de l’interview l’ensemble des points nécessaires à la recherche a été abordé. La personne rencontrée est celle identifiée par la structure comme compétente pour s’exprimer. Il s’agit du fonctionnaire en charge de l’ERE dans les collectivités locales, services décentrés de l’Etat et dans les agences publiques. Dans les associations, ce sont, soit des éducateurs à l’environnement, soit le directeur de la structure. Nous leur avons demandé de s’exprimer au nom de la structure (d’où ma position constructiviste structuraliste). Quand la structure n’avait pas de position claire, nous leur avons demandé de s’exprimer en fonction de ce qui était réalisé aujourd’hui dans la structure. Ce sont alors des pratiques individuelles qui ont été recueillies. Nous avons fait attention de bien identifier ce qui relevait de la structure et ce qui relevait de la posture personnelle de l’interviewé.

Nous avons profité de ces entretiens pour recueillir les documents produits par la structure qui éclairent sa posture et son positionnement : charte associative, agenda 21, charte pour l’environnement… ainsi que ses plaquettes d’animations et autres documents pédagogiques sur l’eau. Ces documents sont variés comme l’illustre les extraits ci-dessous.

Figure 11 : Exemples de documents récoltés
Figure 11 : Exemples de documents récoltés

La difficulté réside dans la faible formalisation de la posture et du positionnement des structures dans le champ de l’ERE. On peut même dire que peu de structures explicitent leur posture. L’analyse des entretiens tient compte de ces difficultés.

Les entretiens ont permis de nouer un partenariat (non formalisé) avec les structures rencontrées. Elles donnaient l’autorisation d’assister à des animations d’éducation relative à l’environnement sur le thème de l’eau et acceptaient de communiquer les données statistiques nécessaires à cette recherche. En retour, je me suis engagée à leur communiquer par une présentation orale et par écrit sous la forme d’un rapport succinct les principaux résultats de recherche. Les entretiens réalisés s’inspirent donc de la méthodologie de l’entretien compréhensif (KAUFMANN J.-C., 2007). En tant qu’enquêtrice, je ne me suis pas positionnée comme neutre et extérieure à l’éducation relative à l’environnement. Au contraire, je me suis présentée comme faisant partie du réseau des acteurs de l’éducation relative à l’environnement. J’ai pris part à différentes rencontres organisées par le GRAINE RHÔNE-ALPES où j’ai rencontré des personnes que j’avais ou que je devais interviewer. Les entretiens se sont déroulés sur le mode de la confiance, de l’écoute et de l’empathie et de l’engagement. On ne peut néanmoins pas dire que ces entretiens soient de type compréhensif car ils ne portent pas sur les conceptions ou les représentations individuelles des acteurs mais plus sur le positionnement et la posture de la structure à laquelle ils appartiennent ainsi que sur les pratiques éducatives portées par la structure.

Quoi qu’il en soit, les entretiens ont permis des partenariats. La notion de partenariat renvoie à un ensemble de réalités floues et vastes. Il « apparaît comme un « mot éponge », qui ramasse beaucoup d’éléments de signification connexes et qui fait souvent l’objet d’une inflation sémantique » (SAUVE L., 2001-2002, p.25). Pour clarifier ce qui est sous-tendu par le terme de partenariat, Lucie Sauvé propose un gradient de partenariat sur lequel nous allons positionner cette recherche.

Figure 12 : Un « gradient » de partenariat (SAUVE L., 2001-2002, p.25).
Figure 12 : Un « gradient » de partenariat (SAUVE L., 2001-2002, p.25).

Le partenariat dont il s’agit ici se situe au second niveau de ce gradient. Les structures rencontrées ont participé activement au recueil de données qui constitue une seconde action de recherche. Pour certaines structures, cela a généré un travail important. Elles se sont également impliquées pour que je puisse observer des animations, en recensant les animations sur l’eau, en sollicitant l’autorisation des enseignants des classes concernées et en me transportant parfois sur le lieu de l’animation. Les structures n’ont pas été impliquées dans la mise en place de la démarche, ni associées à l’analyse. On ne peut donc pas parler d’engagement ni de co-construction. La mise en place de ces partenariats a conditionné la suite de la recherche.

La série d’entretiens réalisés permet de dessiner la structuration des acteurs de l’ERE.

Notes
29.

Les entretiens qui se sont déroulés par téléphone correspondent à une période où je ne pouvais me déplacer pour raison médicale. Ce n’est pas le choix méthodologique initial.