c) Les 4 niveaux de l’engagement des collectivités territoriales

Les entretiens réalisés permettent de dégager plusieurs niveaux d’engagement. Ces différents niveaux ont émergé du constat que toutes les collectivités ne s’impliquaient pas avec la même intensité dans des politiques d’ERE et qu’il y avait des effets de seuils entre elles. L’effet de seuil renvoie à un traitement statistique des données recueillies, ce qui n’est pas le cas ici mais le terme illustre parfaitement ce que je souhaite exprimer. Si on devait positionner les collectivités territoriales le long d’une lignée graduée pour évaluer l’intensité de leur engagement, on se rendrait compter que la distribution des collectivités n’est pas continue. C’est ainsi que j’ai pu distinguer quatre niveaux d’engagement qui se définissent autour de trois séries de critères :

1) La place et l’importance accordées à l’ERE au sein de la collectivité

La mission d’ERE est-elle clairement identifiée, portée et assumée comme telle au sein de la collectivité ? Ou l’ERE est-elle une mission dévolue au service communication ?

L’engagement de la collectivité a-t-il été formalisé (Plan d’ERE, Charte de l’environnement….) ?

L’ERE est-elle définie comme une mission transversale de la collectivité ?

Quels sont les moyens humains mobilisés ? (Emploi)

Est-ce que des actions de formation à l’environnement et au développement durable ont été mises en place à l’interne ?

2) L’ampleur de la politique menée

La diversité des publics ciblés

La diversité des thématiques prises en charge

La diversité des actions menées

La récurrence des actions

Les moyens financiers engagés (par rapport au budget de la structure)

3) La place dans le champ des acteurs de l’ERE

Le pouvoir et l’influence dont peut jouer un décideur politique sur les autres acteurs du champ

Ces critères ont abouti à l’échelle d’évaluation d’engagement en ERE (E3RE53) se structure en quatre niveaux.

Tableau 5 : L’échelle E3RE
Niveau d’échelle Importance de l’ERE dans la collectivité L’ampleur de la politique menée Positionnement dans le champ des acteurs
Niveau 3
Engagement global




Une ou plusieurs personnes sont en charge de l’ERE à plein temps ou à temps partiel.

Réorganisation de la politique en matière d’environnement et de développement durable en prenant en compte l’ERE
Formalisation de l’engagement en matière d’ERE

Politique structurée

Engagement de moyens financiers importants
Forte influence
Niveau 2
Engagement politique structuré



Une ou plusieurs personnes sont en charge de l’ERE à plein temps ou à temps partiel.



Formalisation de l’engagement en matière d’ERE

Politique structurée 

Engagement de moyens financiers plus ou moins importants
Acteur identifié et ayant une influence et une importance proportionnelles aux moyens engagés.
Niveau 1
Engagement sectoriel limité
Attribution de l’ERE à une personne identifiable mais dont ce n’est qu’une mission parmi de nombreuses autres (technicien, chargé de mission environnement, chargé de mission communication ou chargé de mission « éducation »)
Pas de formalisation de l’engagement de la collectivité

Politique peu structurée

Moyens financiers engagés faibles 54

Les publics ou les thèmes peuvent être très ciblés.
Acteur identifié mais à l’influence limitée.
Niveau 0
Pas d’engagement
Pas de personne en charge d’ERE

ERE n’est pas une mission identifiée de la collectivité
Actions ponctuelles et marginales voir inexistantes Absence totale

Pour élaborer cette échelle, A partir de cette échelle, on peut positionner les différentes collectivités rencontrées. C’est ce qu’illustre la figure ci-dessous.

Figure 21 : Positionnement en 2005 des collectivités territoriales rencontrées dans l’échelle E3RE
Figure 21 : Positionnement en 2005 des collectivités territoriales rencontrées dans l’échelle E3RE Ce positionnement a été réalisé a une année donnée. Depuis 2005, certaines collectivités ont évolué dans leur démarche. Par exemple, la ville de Bourg en Bresse est entrée dans une démarche d’Agenda 21.

Le positionnement des collectivités territoriales sur cette échelle ne constitue en rien un jugement mais un indicateur pour estimer leur niveau d’engagement. Il est intéressant de croiser ce niveau d’engagement avec la période à laquelle se sont engagées les collectivités et leur positionnement en ERE. Les collectivités qui se sont engagées récemment se situent plutôt au niveau 1 de l’échelle mais celles engagées il y a déjà plus de 20 ans ne se situent pas forcément au niveau 3. Ce constat laisse supposer que le cheminement qui conduit une collectivité à s’engager n’est pas linéaire. Ce n’est pas parce qu’une collectivité mène une politique depuis longtemps dans le champ de l’ERE, que son niveau d’engagement est important.

On peut également constater que les collectivités qui se situent au niveau 3 sont celles qui sont entrées dans une démarche de développement durable en se dotant d’Agenda 21 ou d’un document formalisant leur engagement.

Figure 22 : Plan d’éducation au développement durable du Grand Lyon
Figure 22 : Plan d’éducation au développement durable du Grand Lyon

Le Grand Lyon est la collectivité territoriale qui le plus formalisé sa politique en matière d’EDD. Elle a mis en place en 2005 un plan d’éducation au développement durable.

Au travers de cette démarche, elles ont formalisé leur démarche et ont souvent ainsi redéfini la place de l’EEDD ou EDD dans leur politique globale. Cette dernière étant alors utilisée comme un moyen de parvenir à un développement durable. Il me semble que la notion de développement durable est moins la cause de cet engagement que la démarche que nécessite la mise en place d’un document tel qu’un Agenda 21 qui conduit à questionner les méthodes, les processus et les politiques de la collectivité. Il impulse une réflexion dont les collectivités semblent souvent se dispenser.

Les collectivités territoriales prennent en charge de manière évidente la question de l’éducation relative à l’environnement. Elles sont présentes et engagées dans ce champ même si toutes ne sont pas engagées à la même période ni avec la même intensité. Les collectivités territoriales et les décideurs politiques d’une manière générale, sont des acteurs essentiels à la mise en œuvre d’une éducation relative à l’environnement. Faut-il pour autant les placer au centre du champ de l’ERE ? Aucun des éléments avancés jusqu’ici ne permet réellement de l’affirmer. Ce serait même surprenant car le champ de l’ERE mobilise une pluralité d’acteurs illustrée dans la typologie des acteurs exposée dans la partie précédente. Nous allons montrer que leurs interrelations se structurent de manière plus complexe que celle qui consisterait à faire des décideurs politiques des donneurs d’ordre et des autres acteurs des exécutants.

Notes
53.

E3RE : Dans l’acronyme, le 3 renvoie également au niveau d’engagement en matière d’ERE, le niveau 0 étant un niveau de non engagement.

54.

Les moyens financiers engagés sont évalués en fonction des ressources de la collectivité et du volume d’activités réalisés en ERE.

55.

Ce positionnement a été réalisé a une année donnée. Depuis 2005, certaines collectivités ont évolué dans leur démarche. Par exemple, la ville de Bourg en Bresse est entrée dans une démarche d’Agenda 21.