b) Les apports théoriques de la SHT

La théorie des parties prenantes est intéressante dans le cadre de cette recherche car elle permet de penser la double ascendance du politique sur l’économique et de l’économique sur le politique. « [Elle] est une théorie constructive de la porosité entre économie et politique, sphère publique et sphère privée [BERNS E., 2006 ; BONNAFOUS-BOUCHER M., 2006] ». Or le développement durable d’une manière générale et l’éducation relative à l’environnement, mobilisent justement des acteurs d’origine diverse. Ce sont des acteurs économiques mais également issus de la sphère politique. Dans cette perspective, la théorie des parties prenantes permet de réaliser une analyse de milieu, c'est-à-dire d’identifier les acteurs en jeu, leurs projets, leurs relations, leurs ressources, leurs intérêts, leurs stratégies, les actions qu’ils ont engagés et le sens de leurs actions. Le milieu se définit comme « un ensemble localisé d’acteurs qui par la fréquentation socio-économique et par le fait de vivre ensemble sur un même territoire développent ensemble et de façon interdépendante des modes d’organisation et des règles professionnelles spécifiques 58 . »

L’analyse de milieu est au cœur de la problématique de notre recherche. Elle permet de penser les interactions entre les différentes parties prenantes et de prendre en compte pleinement ceux issus de la société civile, essentiellement des associations. « La théorie des parties prenantes démontre que les parties prenantes subissant ou influençant l’activité de l’organisation sont issues en majorité de la société civile.» (BONNAFOUS-BOUCHER M. et PESQUEUX Y., 2006, p. 240) Elle donne à la société civile un statut à part entière ce que la théorie de la société civile (Hegel) ne permet pas (BONNAFOUS-BOUCHER M. et PESQUEUX Y., 2006). Dans la théorie des parties prenantes, ce Tiers régulateur, l’Etat, n’existe pas. La régulation se réalise entre les parties prenantes concernées. Cette situation correspond tout à fait à celle décrite précédemment au sein du champ de l’éducation relative à l’environnement. D’une part, l’Etat est en retrait et ce sont les acteurs locaux (associations, collectivités territoriales, etc.) qui s’engagent. D’autre part, les législations en matière d’environnement et d’éducation relative à l’environnement sont souvent incitatives. Les lois issues du Grenelle de l’Environnement en sont un exemple.

La théorie des parties prenantes constitue un outil pour notre analyse plus qu’un corpus théorique abouti. Il permet de penser à priori chaque acteur identifié sans cadre hiérarchique préétabli. Il est néanmoins nécessaire de donner au terme de parties prenantes une définition permettant son transfert et son utilisation dans notre champ disciplinaire, à savoir la géographie. Ici, les parties prenantes ne se structurent pas autour d’une organisation ou d’une entreprise, ce qui donnerait d’office la place centrale aux décideurs politiques mais autour d’un objet focal, l’éducation relative à l’environnement. Le terme désigne donc l’ensemble des acteurs qui prennent part de manière directe ou non à l’éducation relative à l’environnement. Les règles appliquées aux parties prenantes dans le cadre des sciences de gestion ne sont plus tout à fait les mêmes en dehors de celui-ci. On ne peut par exemple pas appréhender les associations comme des entreprises puisqu’elles ne poursuivent pas la recherche de profits financiers mais qu’elles sont au service d’un projet collectif qui les rend légitime. Il est donc nécessaire d’appréhender les relations entre les parties prenantes de l’ERE sous angle plus large que celui de l’économie. Cela nécessite de savoir comment les appréhender et les positionner.

Notes
58.

FREZAL J.-C. et CRESPIN F., 2007, L’approche des parties prenantes, outil pour l’économique, le sociétal et l’éthique, partie 2, Les mécanismes à l’intérieur d’un enjeu. L’exemple du marché, Lyon, Université de Lyon - INSA