b) Les primaires au premier plan

Parmi les scolaires, tous les niveaux ne sont pas concernés de manière homogène par l’ERE. Les tableaux précédents montrent bien que ce sont en effet les élèves du primaire qui concentrent la grande majorité des actions74. Ils bénéficient de 84% des actions dans l’Ain, 80% dans la Loire et de 58% dans le Rhône. Les chiffres avancés en termes d’effectifs sont du même ordre (figure 19, données structures). A l’inverse, les élèves des autres niveaux sont beaucoup moins exposés, les élèves de maternelles plus particulièrement. Ils ne sont concernés que par 2 à 9 % des actions d’ERE sur l’eau en fonction des départements. Les élèves du collège bénéficient proportionnellement d’un plus grand nombre d’actions, autour de 10% mais ceux du lycée sont peu ciblés avec de moins de 1% des actions les concernant.

Le détail de la répartition des publics scolaires ayant bénéficié d’actions d’ERE sur le thème de l’eau (figure ci-dessous) confirme et affine cette analyse. Les élèves les plus fréquemment ciblés par les actions d’ERE sont ceux de cycle 2 et 3 (du CE1 au CM2). Il est intéressant de constater qu’il existe une forte césure au sein du secondaire. Ce sont essentiellement les classes de 6ème et 5ème qui sont ciblés. De la 4ème à la terminale, il y a une très forte baisse du volume d’actions menées et des effectifs touchés.

Figure 33 : Répartition du public scolaire ayant bénéficié d’actions d’ERE sur le thème de l’eau exprimé en pourcentage (Sources : C. Leininger-Frézal, 2009, données structures)
Figure 33 : Répartition du public scolaire ayant bénéficié d’actions d’ERE sur le thème de l’eau exprimé en pourcentage (Sources : C. Leininger-Frézal, 2009, données structures) Les données brutes relatives à cette figure sont en ANNEXE 15.

Plusieurs raisons ont été évoquées au cours des entretiens pour expliquer cette rupture. L’argument le plus souvent avancé, est celui de la réceptivité des enfants qui seraient plus sensibles au message délivré contrairement aux adolescents moins intéressés et plus réfractaires. Si l’argument ne manque pas de pertinence, il reste néanmoins problématique. L’éducation relative à l’environnement ne vise-t-elle pas à la construction d’un regard et d’un rapport personnel sur le monde ? N’est-ce pas d’ailleurs l’un de ces objets ? Dans cette perspective, elle devrait pouvoir relever le défi d’un public qui n’est pas conquis d’avance. Néanmoins la réticence des acteurs interrogés à intervenir devant un public adolescent peut, en partie, expliquer la diminution des actions d’ERE dans les grandes classes.

Un autre argument récurrent réside dans les contenus des programmes scolaires. Certes les programmes de cycle 376 étaient les seuls à contenir dans le texte la nécessité d’une éducation à l’environnement. Mais ce n’est pas le cas des classes de cycle 2. De plus, les classes au-delà de la 4ème ont aussi des programmes qui pourraient être propices à des projets d’éducation relative à l’environnement (ANNEXE 16). Les élèves de 4ème étudient par exemple le réchauffement climatique en physique-chimie. Les programmes scolaires ne peuvent constituer un élément d’explication satisfaisant.

Les entretiens mettent également en avant comme explication possible, l’organisation disciplinaire de l’enseignement secondaire. Pourquoi les classes de 6ème et 5ème bénéficient plus fréquemment d’interventions d’ERE que les autres classes du secondaire ? Il est certain que les classes à examen (3ème et terminale) sont moins propices à la réalisation de projets interdisciplinaires car leurs programmes disciplinaires doivent être impérativement achevés pour satisfaire aux exigences de l’examen. L’organisation disciplinaire du secondaire pourrait expliquer un nombre inférieur des interventions d’ERE à celles réalisés dans le primaire. Elle ne permet pas d’expliquer la césure observée après le 5ème.

Une quatrième explication plausible réside dans l’origine des financements. Une grande partie des actions sont financées par des collectivités territoriales d’échelle communale ou intercommunale. C’est ce que montre la figure ci-dessous.

Tableau 8 : Origine du financement des actions d’ERE recensés
Source Origine du financement des actions Nombre d'actions concernés En %
Données structures
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Autofinancement 37 3%
Communes 148 11%
Regroupement intercommunal 386 29%
Contrat de rivière - syndicat intercommunal 205 15%
Département 31 2%
Agence de l'eau (financement direct) 41 3%
Structures intermédiaires ou mixtes 232 17%
Association 26 2%
Entreprises 21 2%
Région Rhône-Alpes 68 5%
Non donné 142 11%
Nombre total d'actions   1337 100%
Données financeurs
 
 
 
Regroupement intercommunal 772 64%
Contrat de rivière 191 16%
Départements 107 9%
Structures intermédiaires 122 10%
Nombre total d'actions   1203 100%

Il est tout d’abord nécessaire de relativiser le faible poids de la région, de l’Agence de l’eau et de la DIREN* dans les résultats présentés ci-dessous. En effet, ces structures peuvent accorder des financements indirects, elles peuvent subventionner des collectivités territoriales pour un projet particulier ou des établissements scolaires qui financent alors directement les structures intervenant dans les classes. Une partie des financements accordés par ces décideurs politiques ne sont donc pas visibles dans le tableau. Les données retranscrites ici doivent donc être utilisées avec précaution. Elles ne peuvent en aucun être utilisées pour dénoncer un manque d’engament de ces acteurs.

On peut néanmoins constater que les communes et les EPCI (établissement public de coopération intercommunale77) d’une manière générale financent 55% des actions d’ERE recensées (données structures) Cela impacte sur le public auquel les actions sont destinés. En effet, les communes ont la charge des écoles maternelles et primaires présentes sur leur territoire. C’est à destination de ce public que les politiques sont élaborées. De la même manière, dans le cadre de financement direct, les conseils généraux financent prioritairement des projets en collège et la région Rhône-Alpes en lycée. Au final, il semble y avoir une dissymétrie entre les différents niveaux d’enseignement. En effet, les écoles élémentaires bénéficient de financements communaux ou intercommunaux directs auxquels peuvent s’ajouter des financements indirects provenant d’autres décideurs politiques régionaux. La réciproque n’est pas vraie puisque les collèges et lycées bénéficient moins largement de financements communaux et intercommunaux. L’origine du financement des différentes actions recensées contribue donc en partie à expliquer le centrage des actions sur le public du primaire.

Pour conclure, quelques soient les décideurs politiques, tous ont adopté des pratiques semblables en privilégiant les actions destinées aux enfants dans un cadre scolaire. Leur mode d’intervention est globalement très proche. L’ERE ne concerne finalement qu’un segment de la population, les enfants, et qu’une partie des territoires de l’Académie. On est encore loin d’une éducation dont tout le monde bénéficierait tout au long de la vie. On voit ainsi émerger une prise en charge de l’ERE qui est segmenté car elle ne concerne qu’une partie de la population. Pourtant, il existe un autre mode de prise en charge de l’ERE, antagonique au premier et souvent juxtaposé.

Notes
74.

Les chiffres cités ci-après sont tous tirés des données structures de la figure 18 car les données structures sont plus complètes que celles des financeurs donc plus fiables, comme cela a été précédemment indiqué dans la méthodologie.

75.

Les données brutes relatives à cette figure sont en ANNEXE 15.

76.

Les nouveaux programmes 2008 changent la donne.

77.

Cette appellation regroupe l’ensemble des structures de coopération intercommunale : communauté de communes, communauté d’agglomération, agglomération, syndicat intercommunal.