a) La discipline scolaire, pilier de la culture scolaire

Le terme de discipline scolaire désigne depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, un contenu d’enseignement. C’est une réalité complexe et multiforme. « Une discipline est une institution qui, si modeste soit-elle, fait vivre des milliers d’enseignants de tous les niveaux, quelques chercheurs, des techniciens, des personnels d’édition …» Elle représente également ce que Christian Grataloup nomme un fait mental, c’est-à-dire une manière de percevoir la réalité. « Tous ceux qui l’ont connue à l’école […] croient en son existence. »

Les disciplines scolaires, piliers de la culture scolaire, ne sont pas l’émanation directe de l’enseignement et de la recherche universitaire. André Chervel montre bien que certaines d’entre elles n’ont d’ailleurs pas d’équivalent dans l’enseignement supérieur comme l’éducation civique. Ce sont des produits historiques délimitant un contenu d’enseignement structuré selon des logiques héritées du passé et visant à remplir les objectifs définis par l’Ecole. Les disciplines scolaires « sont conçues comme des entités sui generis, propres à la classe, indépendantes dans une certaine mesure de toute réalité culturelle extérieure à l’école, et jouissant d’une organisation, d’une économie interne et d’une efficacité qu’elles ne semblent devoir à rien d’autres qu’à elles-mêmes, c’est-à-dire à leur propre histoire. » (CHERVEL A., 1998, p.12) Yves Chevallard a montré cette indépendance des savoirs enseignés des savoirs savants dans son modèle de transposition didactique. « Le savoir que produit la transposition didactique, c’est-à-dire le passage du savoir savant au savoir à enseigner, sera donc un savoir exilé de ses origines, et coupé de sa production historique dans la sphère du savoir savant  » (CHERVEL A., 1998, p. 17). Pour être enseigné, le savoir savant est dépersonnalisé et décontextualisé. Il y a donc entre ces deux types de savoirs des constances et des variantes. Pour résumer, les disciplines scolaires bénéficient d’une certaine indépendance vis-à-vis de leur ancrage universitaire initial et vis-à-vis de la culture sociétale dans laquelle elle s’enracine.

Elles ne sont néanmoins pas coupées du monde. D’une part, elles « interviennent également dans l’histoire culturelle de la société. […] Elles deviennent des entités culturelles comme les autres, qui franchissent les murs de l’école, pénètrent dans la société, et s’inscrivent alors dans des dynamiques d’une autre nature. » (CHERVEL A., 1998, p. 54) D’autre part, les finalités attribuées à l’école résulte de la demande sociale. Les disciplines scolaires doivent s’adapter aux exigences qui lui sont fixées. Yves Chevallard a bien montré que « le système didactique est un système ouvert. » (CHEVALLARD Y., 1991, p.16). Les savoirs à enseigner trop longtemps coupés de leur ancrage disciplinaire d’origine, deviennent obsolètes vis-à-vis du savoir savant et tendent à voisiner le savoir commun, ce qui discrédite le système scolaire. Il est alors nécessaire de les redéfinir en les réactualisant et en les réajustant à la demande sociale. Les disciplines scolaires sont également soumises à des enjeux qui sont de nature politique. Les programmes traduisent en effet l’expression de la demande sociale. Les disciplines scolaires, bien que différentes dans leur contenu, ont une logique et un fonctionnement commun.