a) L’éducation à l’environnement aux marges de la culture scolaire

A l’origine, l’éducation à l’environnement, telle qu’elle a été pensée dans les instructions officielles de 1977, se situe en rupture avec la culture scolaire. Ce décalage découle d’abord des finalités et de la place qui lui ont été assignées au sein du système scolaire. La finalité principale de l’éducation à l’environnement exprimée est de « développer chez l’élève une attitude d’observation, de compréhension et de responsabilité à l’égard de l’environnement. » (Cf. figure 8) Il ne s’agit pas d’objectifs notionnels, c’est-à-dire de savoirs à acquérir mais d’objectifs de savoir-être. Les disciplines scolaires ne sont pas au centre de cette éducation à l’environnement. Elles se situeraient même plutôt à la marge. Les approches interdisciplinaires, holistiques, systémiques encouragées, invitent à avoir une vision pluridimensionnelle du sujet abordé. L’éducation à l’environnement doit alors constituer une « formation transversale », structurée sur un projet pédagogique et non sur des disciplines scolaires. L’élève est au centre de cette éducation qui s’inscrit plutôt dans la perspective d’un paradigme éducationnel humaniste. C’est déjà faire un grand écart avec la culture scolaire et l’habitus professionnel des enseignants.

La circulaire de 1977 va plus loin en invitant non seulement à sortir des disciplines mais également du cadre purement scolaire. Elle encourage le partenariat avec des personnes extérieures, les visites de terrains et les classes transplantées, ce qui reprend des directives antérieures (1880). « Une telle démarche […] gagnerait cependant à être conduite par une équipe associant des enseignants de différentes disciplines, le chef d’établissement, etc., éventuellement, des personnes extérieures compétentes. […] [La découverte d’un milieu différent] se fera si possible grâce à la transplantation de la classe dans des structures d’accueil favorables à l’initiation à l’environnement. » L’éducation à l’environnement invite enseignants et élèves à questionner et à sortir de leur rôle. L’enseignant n’est plus le seul adulte responsable et impliqué dans les apprentissages de l’élève. Il travaille en équipe pluridisciplinaire, voire pluri-catégoriel avec d’autres membres de l’équipe éducative et des personnes extérieures. Il n’est plus l’unique détenteur des savoirs, l’unique référence. Il professe en dehors du cadre physique de la classe ce qui l’oblige à adapter ses pratiques pédagogiques. On fait difficilement le même enseignement en pleine nature qu’au sein de sa en classe. De la même manière, l’élève se trouve face à des tâches nouvelles, un cadre différent… On pourrait évoquer ici la pédagogie de projet pour mettre en évidence de manière encore plus visible le décalage entre l’éducation à l’environnement et la culture scolaire. C’est une pratique pédagogique qui a été largement encouragée par la littérature pédagogique. Elle a également pu être soutenue sur le terrain par des inspecteurs, des autorités rectorales et des associations en charge de l’éducation à l’environnement. Elle ne figure pas néanmoins dans les directives ministérielles officielles, d’où le choix réalisé ici de la passer sous silence. De plus, il n’est pas sûr qu’elle ait été mise en œuvre à grande échelle sur le terrain. Enfin et surtout, même sans pédagogie de projet, l’éducation à l’environnement se définit, dès l’origine, au moins en partie, en décalage avec la culture scolaire, dans la lignée de l’éducation relative à l’environnement.

Le glissement d’une éducation à l’environnement vers une éducation orientée vers le développement durable correspond à l’intégration et à l’assimilation de ce type d’éducation à la culture scolaire.