b) Le travail d’assimilation de la culture scolaire

L’une des premières différences entre l’éducation à l’environnement et l’EEDD est la mise en place d’objectifs notionnels et de méthodes dans la directive de 2004, ce qui de fait ancre l’EEDD du côté des disciplines. Il s’agit en effet d’«acquérir des connaissances et des méthodes nécessaires pour se situer dans leur environnement et y agir de manière responsable […]. Cela ne signifie pas que l’EEDD devienne un objet disciplinaire. Les approches systémique, inter et pluridisciplinaire, multi-scalaire et le recours à des démarches pédagogiques diversifiées (sensorielle, créatrice, praxique) vont encore dans le sens d’un dépassement des disciplines. Néanmoins certaines disciplines sont mises en avant, notamment l’histoire-géographie et les sciences et vie de la terre, pour porter l’éducation à l’environnement vers un développement durable. Ce n’est pas un hasard si les deux inspecteurs généraux en charge de la question à cette époque sont issus de ces deux disciplines. L’EEDD devient un objet pluridisciplinaire. Les programmes de SVT et d’histoire géographie réactualisés entre 2004 et 2007 introduisent des notions en lien avec le développement durable. Le développement durable devient la finalité vers laquelle doit tendre l’éducation à l’environnement. Il est précisé en introduction de la circulaire qu’«elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale en faveur du développement durable ». L’EEDD semble moins en décalage avec la culture scolaire que l’éducation à l’environnement telle qu’elle avait été définie en 1977. Cette seconde circulaire orientée vers le développement durable inscrit l’éducation à l’environnement dans un nouveau paradigme éducationnel : le paradigme rationnel (BERTRAND Y. et VALOIS P., 1999).

Paradoxalement, elle est très favorable au partenariat et aux sorties scolaires. La complémentarité des partenaires est même soulignée ce qui va dans le sens d’une redéfinition du rôle de l’enseignant et des élèves au sein des projets d’EEDD. « Les sorties scolaires sous toutes leurs formes (y compris les classes de mer, de neige, les classes vertes…) constituent dans cette optique un cadre particulièrement favorable. En fonction des ressources locales, les enseignants mettront en place des partenariats propres à enrichir les démarches pédagogiques. » L’EEDD est un hybride. D’un côté, il est raccroché à la culture scolaire par son ancrage pluridisciplinaire mais de l’autre certaines de ses caractéristiques sont exogènes et étrangères à la culture organisationnelle. Cela peut paraître contradictoire que des directives ministérielles puissent bousculer la culture scolaire. Mais « une stipulation officielle, dans un arrêté ou une circulaire, vise plus souvent, même si elle est exprimée en termes positifs, à corriger un état des choses, à modifier ou à supprimer certaines, qu’à sanctionner officiellement une réalité. » (CHERVEL A., 1998, p. 23). Ce texte a eu deux actions bénéfiques sur le développement de l’éducation à l’environnement à l’école. Tout d’abord, il a remis à l’ordre du jour un type d’éducation mise à l’écart depuis 197782. Il a impulsé une dynamique au sein de l’Ecole en termes de formations et de colloques. Cette circulaire a également revu à la hausse les ambitions de l’éducation à l’environnement. Il ne s’agit plus de toucher les élèves une fois dans leur scolarité (1977) mais tout au long de celle-ci (2004). Enfin, elle a légitimé et appuyé l’intervention de partenaires extérieurs dont les compétences ont été reconnues.

L’EEDD était la première étape de la généralisation de l’éducation à l’environnement. Elle a été rapidement suivie par la mise en place éducation au développement durable en 2007. Le passage de l’EEDD à l’EDD marque un tournant dans les ambitions affichées mais également dans les orientations pédagogiques prises. L’EDD est un pur produit de la culture scolaire.

Notes
82.

En 30 ans, de nombreuses circulaires portant sur différentes éducations à particules ont été mises en place entre 1977 et 2004, éloignant l’éducation à l’environnement des priorités éducatives.