c) La démarche d’analyse des dossiers

Nous avons analysé les projets à partir d’une enquête qui se structure en 4 parties (questionnaire en ANNEXE 23).

Enfin, la dernière partie met en évidence les approches et courants pédagogiques d’ERE mobilisés dans les dossiers.

Pour cette analyse, nous avons mobilisé deux classifications d’approches pédagogiques distinctes. La première regroupe les approches et démarches qui font référence au sein de l’Education Nationale. Ce sont celles qui ont été prescrites dans la circulaire de généralisation de l’EEDD en juillet 2004. Il s’agit de susciter le débat en s’appuyant sur une démarche d’investigation et une approche critique pour construire l’argumentation. Les exemples étudiés doivent être pris à des échelles spatiales et temporelles différentes. Les démarches pédagogiques doivent être variées et s’articuler à l’éducation à l’environnement et aux différentes « éducation à particules ». Enfin, le projet doit mettre en œuvre une démarche systémique et mobiliser des dispositifs transversaux.

Cette typologie est minimaliste et ne permet pas de recenser l’éventail des pratiques en œuvre en EEDD. Elle constitue néanmoins la culture institutionnelle dans laquelle sont immergés les enseignants. Elle correspond donc à un vocabulaire partagé qu’on ne peut occulter sous peine de passer à côté d’une partie des projets.

La seconde typologie mobilisée est plus aboutie. Il s’agit des courants pédagogiques d’ERE définis par Lucie Sauvé sur lesquels elle travaille depuis une dizaine d’années.

‘« La notion de courant fait référence ici à une façon générale de concevoir et de pratiquer l’éducation relative à l’environnement. A un même courant, peuvent se rattacher une pluralité et une diversité de propositions, qu’elles soient théoriques, instrumentales ou réflexives, ou encore qu’elles soient structurées comme des modèles pédagogiques. Par ailleurs, une même proposition peut se rattacher à deux ou trois courants différents, selon l’angle sous lequel elle est analysée. Enfin, si chacun des courants présente un ensemble de caractéristiques spécifiques qui le distinguent des autres, les courants ne sont pas pour autant mutuellement exclusifs à tous égard. […] Chacun des courants sera présenté en fonction des paramètres suivants :
La conception dominante de l’environnement, de l’éducation et du développement (s’il y a lieu)
La visée centrale de l’éducation relative à l’environnement
Les approches et stratégies privilégiées » (SAUVE L., 2003, M.21).’

Chaque courant d’ERE se caractérise par une certaine représentation de l’environnement, une certaine représentation de l’éducation et des choix pédagogiques. Chacune de ces composantes renvoie à un corpus théorique qu’il est nécessaire de détailler ici car il constitue le support de notre analyse. C’est ce que présente le tableau ci-dessous.

Tableau 18 : Les éléments d’un courant en ERE
  Source théorique Typologie  
Représentation de l’environnement Lucie Sauvé et Catherine Garnier (1999) ont identifié sept représentations (ou conceptions) dominantes de l’environnement. C’est à partir de cette typologie de représentations que nous avons analysé les conceptions de l’environnement sous-tendues dans les projets d’EEDD déposés par les enseignants. Nous avons opéré de la même manière avec les conceptions de l’éducation.
●L’environnement-nature à apprécier, à respecter, à préserver
●L’environnement-ressource à gérer
●L’environnement-problème à résoudre
●L’environnement-système à comprendre, pour décider
●L’environnement-milieu de vie à connaître, à aménager
●L’environnement-biosphère où vivre ensemble et à long terme
●L’environnement-projet communautaire
 
Conceptions de l’éducation
Yves Bertrand et Paul Valois proposent une typologie des conceptions éducationnelles ou paradigmes éducationnelles (BERTRAND Y. et VALOIS P., 1999, p.57 cité dans SAUVE L., BERRYMAN T. et VILLEMAGNE C., 2003, M.38).

●Le paradigme rationnel où prime la transmission des connaissances et de valeurs
●Le paradigme techno-systémique qui mise sur l’efficacité de la communication éducative et les nouvelles technologiques
●Le paradigme humaniste qui vise le développement personnel. L’individu a un rôle important à jouer dans son propre apprentissage.
●Le paradigme socio-interactionnel qui s’appuie sur une analyse de la société et une dénonciation des forces d’aliénation
●Le paradigme inventif fonde l’éducation sur la communauté.
 
Approches pédagogiques globales « Une approche pédagogique correspond à une première vision d’ensemble de la situation pédagogique ; elle détermine les traits dominants et l’importance relative de chacune des composantes de cette dernière » (SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M.37). L’approche globale du projet « détermine entre autres l’importance relative accordée à chacun des éléments de la situation pédagogique, comme elle détermine aussi leurs caractéristiques principales (Objet, Sujet, Agent et Milieu). Elle fonde les approches spécifiques à la relation didactique, à la relation d’enseignement et à la relation d’apprentissage » (SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M.45). ●L’approche de résolution de problème qui « consiste à confronter l’élève à des problèmes signifiants et motivants, réels ou fictifs, dans le but de développer son autonomie et son implication dans la résolution de ses problèmes personnels, sociaux, et éducationnels » (LEGENDRE R., 1993, p.93 in SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M.81)
●La pédagogie de projet qui est « une pédagogie active : pas de réalisation de projet sans action ; C’est une pédagogie différenciée : chacun a son mot à dire et sa propre démarche à proposer ; Elle implique des rapports éducateur/éduqué non hiérarchisés ; La motivation du groupe est le moteur de son fonctionnement ; Elle induit l’autonomie à la fois comme objectif et comme point d’appui ; C’est un processus de création et d’exploration du monde » (Réseau Ecole et Nature, 1997, p. 41)
●La pédagogie de terrain qui met les apprenants dans l’environnement.
●La pédagogie du jeu et de l’imaginaire
 
  Source théorique Typologie  
Approches pédagogiques centrées sur l’objet ((SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003; SAUVE L., 1997) ●« L’approche cognitive dont l’objet d’apprentissage est un ensemble de savoirs d’ordre cognitif contribuant à « l’alphabétisation environnementale »
●L’approche affective, axée sur le développement d’attitudes et de sentiments conduisant à un agir favorable à l’environnement.
●L’approche morale qui privilégie le développement de valeurs morales et d’une éthique de l’environnement.
●L’approche spiritualiste, axée sur le développement d’attitudes et de valeurs conformes à une croyance ou à une philosophie religieuse ou spirituelle.
●L’approche pragmatique qui vise le développement d’habiletés de résolution de problèmes et d’écogestion.
●L’approche béhavioriste, qui vise l’adoption d’un comportement approprié à l’égard de l’environnement.
●L’approche praxique, qui privilégie l’apprentissage de la praxis environnementale alliant l’action à la réflexion dans des projets signifiants et mobilisateurs » ((SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M.46).
 
Approches pédagogiques liées à l’apprentissage ((SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003 ; SAUVE L., 1997) ●« Une approche expérientielle, qui implique un contact direct avec les situations réelles favorisant des expériences concrètes ; l’approche expérientielle fait appel à la « pédagogie de terrain » (qui peut-être celui de l’école ou de l’usine) et à la « pédagogie de la découverte.
●Une approche systémique, selon laquelle on aborde les réseaux d’interrelations et d’interdépendances dans l’environnement.
●Une approche holistique, qui prend en compte toutes les dimensions du Sujet et qui permet de développer une vision globale des réalités socio-environnementales et éducatives.
●Une approche interdisciplinaire, qui favorise l’intégration des savoirs de divers domaines, pour une meilleure compréhension et un agir éclairé au sujet des problématiques abordées.


 
  Source théorique Typologie Typologie
    ●Une approche coopérative, qui fait appel au dialogue, au partage et à l’entraide entre les Sujets, qui construisent ainsi entre eux un savoir plus riche.
●Une approche critique, axée sur l’analyse et l’évaluation des réalités sociales, environnementales et éducatives, vers la transformation ou l’amélioration de ces dernières.
●Une approche réflexive, qui associe l’agir et la réflexion (la praxis) pour une recherche de fondements et de significations » (Op. Cit., M. 51)
 
Stratégies pédagogiques
Ce sont les stratégies pédagogiques qui définissent les caractéristiques opératoires de la situation pédagogique (SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003)
●L’étude de cas qui est « une forme d’apprentissage qui permet à l’étudiant d’être confronté à des problèmes […], de développer sa capacité analytique et de s’initier à la prise de décision dans un univers caractérisé le plus souvent par le risque, l’incertitude et la turbulence» (BEDARD M., DELL’ANIELLO D. et DESBIENS D, 1991 in Op. cit., M. 108).
●Le jeu de rôle « où l’on présente aux participants une situation ou un problème qu’ils doivent résoudre en jouant les rôles des participants à cette situation ou à ce problème » (HAMADACHE A., 2002, cité dans (SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M. 112).
●Le débat
●Le scénario du futur qui consiste à se projeter dans une situation future et d’en imaginer les caractéristiques
●L’interprétation environnementale qui vise à amener les apprenants à ce que l’environnement fasse sens pour eux.
●L’audit environnementale est « une méthode de vérification des équipements, des activités (comportement individuels et collectifs compris) et des systèmes de gestion environnementale d’un entreprise, dans le but d’évaluer l’atteinte des exigences environnementales applicables à l’entreprise en question et de recommander des mesures à prendre pour respecter ces exigences, le cas échéant » (LABRIET M., 1993 in SAUVE L., 1997, p.188)





 
  Source théorique Typologie  
    ●Le Forum. « Il s’agit d’animer un groupe de discussion ou un cercle d’étude sur une problématique environnementale, comme la gestion des déchets, par exemple, ou encore l’aménagement des milieux humides » ((SAUVE L., VILLEMAGNE C. et ORELLANA I., 2003, M.121)

●La communauté d’apprentissage où on n’apprend pas de manière isolée mais collectivement dans une démarche coopérative et collaborative
 

Les différentes approches pédagogiques présentées ci-dessus ne sont pas exclusives et peuvent se combiner au sein des projets. Elles dessinent l’esquisse du projet. Les démarches et stratégies pédagogiques déterminent ensuite comment la situation pédagogique est mise en œuvre. Au final, Lucie Sauvé (1997) identifie 15 courants d’éducation relative à l’environnement qui articulent ces différentes conceptions, approches et stratégies. Elle recense le courant humaniste, moral/éthique, holistique, biorégionaliste, praxique, celui de la critique sociale, le courant féministe, ethnographique, de l’éco-éducation, de la durabilité, naturaliste, conservationniste/ressourciste, résolutique, systémique et scientifique. Les caractéristiques de ces différents courants sont détaillées ci-dessous.

Tableau 19 : Les courants en ERE (SAUVE L., 2003 in SAUVE L., 2003, M.170)
Courants Conception de l’environnement Visées de l’ERE Approches dominantes Exemples de stratégies Quelques auteurs
Courant humaniste Milieu de vie Connaître son milieu de vie et mieux se connaître en relation avec son milieu de vie.

Développer un sentiment d’appartenance
Sensorielle
Cognitive
Affective
Expérientielle
Créative/
Esthétique
Etude du milieu
Itinéraire

Lecture de paysage
Bernard Dehan
David Orr : l’éducation libérale
Louis Goffin
Courant moral/
esthétique
Creuset de valeur Faire preuve d’écocivisme

Développer un système éthique.
Cognitive
Affective
Morale
Analyse de valeurs
Clarification des valeurs
Critique des valeurs sociales
Michael Caduto
Louis
Courant holistique Holos
Tout
L’Etre
Développer les multiples dimensions de son être en interaction avec l’ensemble des dimensions de l’environnement.

Développer une connaissance « organique » du monde et un agir participatif dans et avec l’environnement.
Holistique
Organique
Intuitive
Créative
Exploration libre
Visualisation
Ateliers de création
Intégration de stratégies complémentaires
Institut d’écopéda-
gogie
Niegel Hoffman
Courant biorégionaliste Lieu d’appartenance
Projet communautaire
Développer des compétences en écodéveloppement communautaire, local ou régional Cognitive
Affective
Expérientielle
Pragmatique
Créative
Exploration du milieu
Projet communautaire
Mise sur pied d’écoentreprise
Frank Traïna et Susan Darley-Hill
Elsa Talero et Gloria Humana de Gauthier
Courant praxique Creuset d’action/
réflexion
Apprendre dans, par, pour l’action
Développer des compétences réflexives
Praxique Recherche action William Stapp
Arjen Waïs
Courant de la critique sociale Objet de transformation
Lieu d’émancipation
Déconstruire les réalités socio-environnementales en vue de transformer ce qui pose problème

Praxique
Réflexive
Dialogique
Analyse de discours
Etude de cas
Débat
Recherche-Action
Alberto Patifioa
Ian Robottom
John Fien
Courants Conception de l’environnement Visées de l’ERE Approches dominantes Exemples de stratégies Quelques auteurs
Courant féministe Objet de sollitude Intégrer les valeurs féministes à la relation à l’environnement Intuitive
Affective
Symbolique
Spirituelle
Créative/
esthétique
Etude de cas
Immersion
Atelier de création
Activité d’échange, de communication
Giovanna Di Chiro
Darlene Clover
Annette G Gough
Chaia Heller
Courant ethnographique Territoire
Lieu d’identité
Nature/culture
Reconnaître le lien étroit entre nature et culture

Clarifier sa propre cosmologie

Valoriser la dimension culturelle de son rapport à l’environnement
Expérientielle
Intuitive
Affective
Symbolique
Spirituelle
Créative/
esthétique
Contes, récits et légendes
Etude de cas
Immersion
Compagnonnage
Michael Caduto et Joseph Bruchach
Thierry Pardo
Pascal Galvani
Courant de l’éco-éducation
Pôle d’interaction pour la formation personnelle
Creuset identitaire
Expérimenter l’environnement pour s’expérimenter et se former dans et par l’environnement.

Construire son rapport au monde-plus-qu’humain
Expérientielle
Sensorielle
Intuitive
Affective
Symbolique
Créative
Récit de vie
Immersion
Exploration
Jeux
Introspection
Ecoute sensible
Alternance subjectif/objectif
En éco écoformation
Gaston Pineau
Dominique Cottereau
Dominique Bachelard
René Barbier

En éco-ontogenèse
Tom Berryman
Louise Chawla
David Sobel
Courant de la durabilité/
soutenabilité
Ressource pour le développement économique

Ressource partagée
Promouvoir un développement économique respectueux des questions sociales et environnementales
Y contribuer
Pragmatique
Cognitive
Etude de cas
Démarche de résolution de problème
Projet de développement durable

John Fien
Charles Hopkins
Malcolm Plant
Daniela Tilbury
Courant naturaliste Nature Reconstruire un lien avec la nature Sensorielle
Expérientielle
Affective
Cognitive
Créative/esthétique
Immersion
Interprétation
Jeux sensoriels
Activité de découverte

Steve Van Matre
Michael Cohen
Phillipe Vaquette
Courants Conception de l’environnement Visées de l’ERE Approches dominantes Exemples de stratégies Quelques auteurs
Courant conservationniste/
ressourciste
Ressource Adopter de comportements de conservation

Développer des habiletés relatives à la gestion environnementale
Cognitive
Pragmatique
Guide ou code de comportements

Audit environnemental

Projet de gestion/
Conservation
Union internatio-nale pour la conservation de la nature (U.I.C.N.*)
Fonds mondial pour la nature (WWF)
Courant résolutique Problème Développer des habiletés de résolution de problèmes (RP) : diagnostic à l’action Cognitive
Pragmatique

Etude de cas : analyse de situations problèmes
Démarche de RP associée à un projet
Harold Hungerford et coll.
NAAEE : env, issues, forums
Courant systémique Systèmes
Développer la pensée systémique : analyse et synthèse, vers une vision globale

Comprendre les réalités environnementales en vue de décisions éclairées
Cognitive Etude de cas : analyse de systèmes environnementaux Shashana Keiny et Moshe Shashack
André Giordan et Christian Souchon
Courant scientifique Objet d’étude Acquérir des connaissances en sciences de l’environnement.

Développer des habiletés relatives à la démarche scientifique
Cognitive
Expérimentale

Etude de phénomènes
Observation
Démonstration
Expérimentation
Activité de recherche hypothético-déductive
André Giordan et Christian Souchon
Louis Goffin

La typologie de courants d’ERE permet d’avoir une visibilité sur les pratiques pédagogiques en cours dans le domaine. Elle permet de les identifier et de les nommer donc de les penser. Actuellement, c’est la seule classification qui permet de couvrir le champ de l’ERE. Elle n’est certes pas exhaustive mais elle a été pensée à partir d’un corpus varié et hétérogène, ce qui permet de couvrir un large éventail des pratiques mises en œuvre dans des régions différentes du monde, pas seulement en Amérique du Nord ou en Europe. De plus, c’est un outil qui a été largement diffusé dans la communauté des chercheurs, qui a subi plusieurs évolutions pour être au plus près des pratiques de terrain.

L’emploi de tout corpus requiert néanmoins un recul critique. Plusieurs remarques peuvent abonder dans ce sens. Tout d’abord, la typologie des courants n’est pas un outil en usage en France dans le milieu scolaire ni dans celui des éducateurs à l’environnement. Les conceptions, approches et stratégies pédagogiques en ERE ne sont donc pas clairement identifiées au sein des projets analysés, ce qui ne signifie pas qu’ils ne sont pas identifiables. Nous nous sommes basés sur les mots clés pour les identifier. Il y a une part d’interprétation laissée à l’analyste.

De plus, la pluralité des approches, stratégies et conceptions qui s’articulent au sein des différents courants est un atout pour l’analyse mais c’est aussi une difficulté. Ces approches étant nombreuses, il n’est donc pas toujours aisé de s’y repérer, d’autant plus que certaines sont redondantes. La résolution de problèmes renvoie par exemple à l’approche résolutique parmi les approches centrées sur l’objet d’apprentissage.

La complexité des courants ne réside pas seulement dans la pluralité et la diversité de leurs composantes. Les courants d’ERE tels qu’ils sont proposés par Lucie Sauvé, sont des objets théoriques. Il est souvent nécessaire dans l’analyse de revenir à la définition des approches et des courants pour cerner avec précision si le projet étudié relève ou non d’une approche ou d’un courant. Plusieurs fois au cours de l’analyse, l’intégralité des dossiers a été relue pour harmoniser et mieux identifier telle approche ou courant qui semblait problématique. La notion de communauté d’apprentissage en est un exemple. C’est un concept ancré dans la culture canadienne mais qui n’a pas le même usage et sens en France. Certains projets mettaient en évidence une approche coopérative entre les élèves et parfois même avec une autre classe dans la même école ou à l’étranger. A la première lecture, la présence d’une approche coopérative impliquait la mise en place d’une communauté d’apprentissage. Après réflexion, nous avons réorienté l’analyse. En considérant que la communauté d’apprentissage n’impliquait pas seulement un échange de connaissances entre élèves mais nécessitait l’implication de l’ensemble de la communauté éducative (familles inclues). C’est ainsi que la stratégie de la communauté d’apprentissage ne concernait plus une quinzaine de dossiers mais seulement quelques-uns.

Enfin la formulation des représentations de l’environnement identifiées par Lucie Sauvé dans son travail de recherche peut se révéler problématique à l’usage. Elle juxtapose un ou plusieurs verbes d’actions à un nom commun qui en oriente la signification. Or, les verbes associés n’orientent pas forcément le nom commun dans le même sens. La « nature à apprécier » ne me semble pas la même que la « nature à protéger ». La première renvoie à la déification de la Nature sous une image féminine et maternelle que la seconde ne véhicule pas. De plus, le nom commun peut ne pas correspondre aux verbes associés. C’est le cas de l’environnement « système à comprendre ». La grande majorité des projets pédagogiques ont une conception cognitive dominante de l’environnement : c’est un savoir à connaître. Ils n’ont pas pour autant une conception systémique de l’environnement. Aucune des conceptions définies dans cette classification ne permet d’exprimer cette conception de l’environnement.

Pour conclure, les courants d’ERE sont un outil heuristique intéressant et même central dans le champ de recherche actuel de l’ERE, mais difficile à l’emploi. Il est nécessaire d’y être initié, ce qui explique en partie sa diffusion limitée en France. Il n’existe pas de centre de formation en France comme l’UQAM au Québec, qui puisse former les acteurs de l’ERE aux courants pédagogiques. Paradoxalement il existe une demande et un manque en la matière puisqu’il n’y a pas de vocabulaire commun et partagé pour désigner les pratiques en cours en ERE.

J’ai pris le parti de mobiliser les courants pédagogiques pour cerner les pratiques enseignantes qui ont été analysées à partir de deux actions de recherche, une enquête Internet et une analyse des dossiers pédagogiques. Ma fonction de professeure relais m’a permis de cerner comment les enseignants prennent en charge la mission d’ERE qui leur est dévolue. J’ai pu également construire et argumenter mon discours sur « l’Ecole ». Ces deux actions recherche ont mis en évidence l’adéquation mais aussi les décalages existants entre les directives institutionnelles d’une part et les pratiques enseignantes de l’autre. Elles ont également mis en évidence la prégnance de la culture scolaire sur l’ERE.