A. La culture associative

1. Qu’est ce qu’une association ?

Il peut paraître paradoxal de parler ici de culture associative. En effet, ce travail mobilise un très grand nombre d’associations, très différentes. Il ne s’agit pas ici de postuler l’existence d’une culture commune à toutes les associations rencontrées et engagées dans l’éducation relative à l’environnement. Il s’agit de dégager les caractéristiques propres à la forme associative qui se distingue à la fois de l’entreprise mais également de l’institution. L’association constitue un «tiers secteur » (LAVILLE J.-L., SAINSAULIEU R., 1997) jusque-là peu explorée par les sociologues car trop vite assimilée à une entreprise. L’analyse économique standard (néo-classique) définit l’association comme une organisation destinée à pallier les lacunes du marché. Le marché n’étant ni transparent, ni homogène et la liberté et la mobilité des acheteurs étant soumises à des contraintes, le marché n’est pas toujours efficient. « La cause principale de défaillance du marché est l’existence d’asymétries d’information, c’est-à-dire que le prestataire dispose d’informations sur le service auxquelles n’accède pas l’usager. » (LAVILLE J.-L., 2002, p.44). L’association pallie les défaillances du marché en proposant le service non assuré par ce dernier. Le caractère non lucratif de ce type d’organisation rassure le consommateur qui accorde alors plus facilement sa confiance. L’approche économique est restrictive car elle réduit l’association à un agent économique occultant le cœur de la dynamique associative : le projet. «  « Au commencement était le projet », telle pourrait être la maxime fondatrice de l’organisation associative. » (LAVILLE J.-L., SAINSAULIEU R., 1997, p.16). Le projet est la pierre angulaire de la forme associative. Les associations émergent parce qu’un ensemble de personnes a souhaité se regrouper pour agir conjointement dans la perspective de résoudre un problème. De là, « deux buts s’interpénètrent dans l’idée associative : celui de coopérer volontairement, celui de créer une solution à un problème précis. » (LAVILLE J.-L., SAINSAULIEU R., 1997, p.16) Le premier renvoie à la sphère sociale et le second à celle du politique, ce qui montre bien que l’association n’est pas qu’un agent économique.

La coopération associative repose sur les liens interpersonnels que tissent les membres entre eux. Ils se connaissent personnellement et se reconnaissent comme des pairs car ils partagent des convictions, des valeurs et un engagement commun concrétisé dans le projet associatif. D’où l’existence parfois de procédures de cooptation pour rentrer dans une association comme au GRAINE Rhône-Alpes où l’adhésion de toutes nouvelles associations est soumise au vote du conseil d’administration. « La légitimation des personnes se joue par leur intégration dans la culture de l’association. » (LAVILLE J.-L., SAINSAULIEU R., 1997, p.19) Il existe ainsi une culture commune propre à chaque association.

Il n’est pas question pour nous de déterminer la culture de chaque association rencontrée au cours de ce travail de recherche. D’une part, ce ne serait matériellement pas possible, le nombre d’associations étant trop élevé. D’autre part, la finalité recherchée est ici de montrer la spécificité de la culture associative en général, au regard de la culture scolaire. Une accumulation de monographies associatives n’a donc que peu d’intérêt. Il est néanmoins essentiel de souligner ici l’existence, et la spécificité, de la culture associative qui se distingue de la culture institutionnelle à laquelle elle est confrontée, notamment dans le cadre scolaire. L’association est un réseau relationnel qui repose sur un projet commun et sur une interconnaissance mutuelle. Ce réseau s’étend au-delà des membres de l’association, aux relations externes entretenues avec les usagers ou avec les bénéficiaires de l’action associative. C’est donc complexe et pluridimensionnel. Jean-Louis Laville (1997) parle d’encastrement social en référence à l’encastrement politique mis en évidence par S. Swedberg.

La poursuite d’une finalité, ou la volonté de résoudre un problème implique pour l’association, d’investir la sphère politique pour défendre sa cause. « Les associations touchent aux deux dimensions du politique : d’une part le politique non institutionnel, axé sur le potentiel d’action des citoyens et supposant qu’ils se saisissent pratiquement de la liberté positive 93 dont ils disposent formellement, d’autre part le politique institutionnel, centré sur l’exercice du pouvoir. » (LAVILLE J.-L., 2002, p.47). L’association défend un engagement militant qui correspond à un engagement citoyen pour une cause. Elle entretient également des relations avec les pouvoirs publics qui lui concèdent souvent un rôle dans la vie sociétale lorsque l’action associative est reconnue d’intérêts publics94. Les associations reçoivent alors des financements de la part de l’Etat, d’organismes publics ou des collectivités territoriales, pour mener à bien leur projet. C’est cette double relation association/pouvoir public qui mène S. Swedberg à parler d’encastrement politique. Il désigne par là l’influence réciproque des pouvoirs publics et des associations. Les pouvoirs publics orientent et influencent l’action associative par le biais des financements accordés. Inversement les associations influencent les pouvoirs publics par le biais des actions militantes menées auprès de l’opinion publique pour faire avancer leurs causes.

L’association se situe donc à l’intersection de l’économique, du social et du politique. La création de lien social reposant sur l’interconnaissance individuelle, l’association s’ancre en partie dans la sphère privée. Par ailleurs, sa dimension politique l’inscrit aussi dans la sphère publique. « L’association délimite un espace opérant le passage de la sphère privée à la sphère publique par une rencontre interpersonnelle. » (LAVILLE J.-L., 2002, p.44). L’association est donc à la fois un acteur politique, autant que social et économique.

Pour aborder ce nouveau cas de figure, les stratégies méthodologiques mises en place pour les collectivités territoriales ou l’Ecole ont été adaptées.

Notes
93.

La liberté positive correspond à celle dont on peut se saisir pour réaliser quelque chose. Par opposition à la liberté négative qui impose que l’on peut tout ce qui est possible de faire sans porter atteinte à la liberté des autres.

94.

Il ne s’agit pas ici de la reconnaissance étatique officielle « d’utilité publique » mais d’une reconnaissance formelle du travail des associations par les acteurs et organisations publiques.