2. Comment appréhender les associations ?

Deux actions de recherche ont été menées en direction des associations. La première correspond aux entretiens menés auprès de ces structures. Nous ne reviendrons pas sur la méthodologie que nous avons par ailleurs largement détaillée. Au cours de ces entretiens, les associations ont en outre été systématiquement démarchées pour pouvoir assister à une ou plusieurs de leurs animations sur le thème de l’eau. L’observation d’animations est donc le second volet de cette méthodologie.

J’ai observé, entre 2004 et 2007, 17 animations réalisées par 10 structures dont 9 associations95 (liste nominative en ANNEXE 25), rencontrées lors des entretiens, phase préliminaire nécessaire. La durée de la période d’observation s’explique par la saisonnalité des animations, essentiellement réalisée en début d’année scolaire et au printemps. Il n’était pas matériellement possible d’observer toutes les animations réalisées sur le thème de l’eau dans l’Académie de Lyon. Un choix a donc été réalisé. Il est évident que l’accord des associations était un préalable indispensable, ainsi que la possibilité temporelle et spatiale de pouvoir les suivre. Plusieurs critères sont intervenus dans les choix réalisés. Le premier est la représentativité de ces animations et de ces structures. Nous avons privilégié :

  • Les associations réalisant un volume significatif d’animations sur le thème de l’eau par rapport au volume total des animations réalisées sur cette thématique.
  • Les associations ayant investi particulièrement cette thématique ou très implantées localement sur cette thématique
  • Les animations dont l’observation dépasse le simple cadre de l’association suivie. Par exemple, les trois FRAPNA* fonctionnent ensemble pour créer leur animation. Par conséquence, une animation observée dans le Rhône diffèrera peu dans les approches et le contenu du message véhiculé de celle observée dans la Loire ou dans l’Ain, même si l’animation s’adapte au contexte local et éducatif. De la même manière, une animation d’une fédération de pêche est proche de celle d’une autre fédération de pêche du département.
  • La diversité des acteurs. Nous avons déjà souligné la diversité des organisations intervenant en ERE. Nous avons essayé de conserver cette diversité en choisissant des organisations différentes comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Tableau 21 : Associations observées en animations
Nom de la structure Activités de l’association
NATURAMA Association d’éducation à l’environnement
FRAPNA* LOIRE Association de défense et de protection de la nature et de l’environnement
FRAPNA* RHONE Association de défense et de protection de la nature et de l’environnement
CILDEA Association de développement local
MNLE Association de défense et de protection de la nature et de l’environnement
FEDERATION DE PECHE DU RHÔNE Fédération sportive
APIEU MILLEFEUILLES Association d’éducation à l’environnement
CPIE* DU PILAT Association au service des territoires en matière d’Ingénierie de l'environnement, d’activités de loisirs et de découvertes, d’éducation à l’environnement
SEGAPAL Société d’économie mixte en charge du Grand Parc de Miribel
MAISON DU FLEUVE RHONE Association promouvant la culture rhodanienne

Le second critère est le territoire d’intervention de l’association. Il était nécessaire que le territoire d’observation soit le plus vaste possible dans un souci de représentativité. La carte ci-dessous localise les animations observées.

Les animations observées ne se répartissent pas de manière homogène sur le territoire. Aucune animation n’a été observée sur le territoire de l’Ain. Cela s’explique par le faible nombre d’acteurs sur le département mais également par le refus de la FRAPNA* Ain d’être suivie en animation. Cela n’est pas gênant en soi dans la mesure où d’autres animations FRAPNA* ont été suivies sur d’autres territoires. L’AGEK avait accepté que nous suivions une animation mais cela n’a pas pu être matériellement possible. Les animations observées se situent sur les territoires identifiés précédemment comme étant dynamiques en matière d’ERE : la région lyonnaise, le bassin stéphanois et le nord de la Loire. Il n’est pas statistiquement incohérent que l’Ain ne soit pas représenté.

CARTE 9 : Animations observées sur le thème de l’eau
CARTE 9 : Animations observées sur le thème de l’eau
Figure 52 : Lieu d’observations des animations
Figure 52 : Lieu d’observations des animations

Les animations observées couvrent les territoires les plus actifs en matière d’ERE sur le thème de l’eau. Elles se répartissent également sur différents types. J’ai observé des animations dans différents types de lieux : à proximité d’un cours d’eau, en classe, dans des structures d’EEDD, des parcs urbains et à proximité des écoles. J’ai cherché à prendre en compte la diversité des lieux d’animations. Les types de lieux d’animations les plus courants ont été couverts.

Figure 53 : Photographies prises lors des animations (novembre 2004 au SMIRIL et à l’Isle de la Table ronde (Grigny ; Irigny) –Auteur CLF
Figure 53 : Photographies prises lors des animations (novembre 2004 au SMIRIL et à l’Isle de la Table ronde (Grigny ; Irigny) –Auteur CLF

En revanche, il n’est pas possible d’étudier la représentativité statistique des lieux où j’ai observé des animations. En effet, les données recueillies sur les animations réalisées (sur le thème de l’eau) dans l’Académie sont trop lacunaires sur la question. Dans la même perspective, les animations ont été observées dans différentes classes comme le montre la figure ci-dessous. 68% des observations ont été réalisées dans le primaire et 32% restant concernant le collège. L’absence d’observations en maternelle et au lycée est le reflet de la faible intervention des éducateurs à l’environnement et/ou au développement durable dans ces classes.

Figure 54 : Classe observées en animation
Figure 54 : Classe observées en animation

La finalité de cette action de recherche est de déterminer le lien que les éducateurs à l’environnement entretiennent avec la culture scolaire dans le cadre des animations scolaires. Deux hypothèses sont possibles : soit ils se conforment à la culture scolaire, soit ils conservent leurs propres cultures. Dans tous les cas, il est nécessaire de mettre en évidence les paradoxes, les incohérences et les compromis que leurs postures engendrent. Pour ce faire, nous avons cherché à identifier pour chaque animation :

  • Le positionnement de l’animation, à savoir l’environnement et/ou le développement durable
  • Les approches et stratégies pédagogiques retenues avec la même méthode et les mêmes critères que ceux retenus pour les projets pédagogiques déposés par les enseignants.
  • La place de l’éducateur dans le projet dans lequel il s’inscrit, la nature du partenariat mis en place avec l’école.

C’est une analyse de pratiques pédagogiques qui est réalisée. Il était indispensable d’aller voir les animations pour en cerner le contenu et faire des liens avec l’analyse des projets pédagogiques déposés en EEDD auprès du Rectorat. Certes les deux corpus ne sont pas de même nature. Le premier relève de la pratique alors que le second est de type déclaratif. Nous avons déjà expliqué par ailleurs les raisons de ce décalage et mis en évidence les précautions méthodologiques que cela implique (Chapitre 6 B.).

Les observations d’animations ont été réalisées en partenariat avec les structures suivies. J’ai été identifiée, reconnue et acceptée par l’éducateur et par le groupe en activité, en tant qu’observatrice. Il aurait été difficile d’entreprendre ces observations à leur insu. C’est ce qui justifie le choix de l’observation non participante à découvert. La présence d’un observateur peut troubler le jeu et le discours des acteurs en œuvre. « Il est illusoire de croire que, lorsqu’on observe, tout se passe « comme si on n’était pas là. » (ARBORIO A-M., FOURNIER P., 1999, p. 86).

Les structures peuvent manifester de la méfiance au premier abord, retenir des informations ou essayer d’adapter leurs discours aux attentes supposées du chercheur. Inscrire cette étude dans le cadre d’un partenariat est un moyen de contourner ce biais. Les structures enquêtées attendent en échange un retour sur leurs pratiques pour pouvoir les remettre en cause. La méfiance initialement ressentie à l’égard de l’observateur tend à s’effacer avec le temps. « Le partage d’activités communes contribue à réduire la distance, à instaurer une relation de « confiance » [...] qui rend l’enquête possible. » (ARBORIO A-M., FOURNIER P., 1999, p. 86).

Le temps fait également oublier la présence de l’observateur. La présence d’une commande émergeante d’un enseignant permet également de limiter l’adaptation du discours aux attentes supposées de l’observateur. Pour répondre aux éventuelles objections qui pourraient être formulées à l’égard de cette méthode très répandue en sociologie, moins en géographie, nous nous appuierons sur la remarque de Jean Peneff dans son article sur la « mesure et le contrôle des observations dans le travail de terrain. L’exemple des professions de service » (PENEFF J., 1995, p.136) : « [L’observation directe] fait appel, tout autant que d’autres techniques, à la rigueur et à la précision. » Pour répondre à cette exigence de rigueur, il a été nécessaire de créer des cadres en définissant les règles de l’observation.

Pour saisir les éléments recherchés, les animations ont été enregistrées pour compléter les notes prises à la volée. En revanche, l’intégralité du discours de l’animateur et des interactions avec les enfants n’a pas été retranscrite. Il ne s’agit pas ici d’une analyse de discours à proprement parler. Une retranscription intégrale et fidèle du discours tenu n’était donc pas utile. Les supports mobilisés sont pris en compte dans l’analyse de l’animation. L’observation de la séance est complétée par un entretien non formel et rapide, avec l’animateur et avec le responsable du groupe. Ces entretiens visent à déterminer de manière concise les objectifs de la séance et le contexte dans lequel l’animation s’inscrit. Il s’agit aussi d’éclairer la place accordée au partenaire au sein du projet pédagogique : le nombre d’interventions réalisées, l’implication dans la définition du projet … Les animations ont ensuite été analysées avec la même méthodologie que les projets pédagogiques déposés par les enseignants en matière d’EEDD.

L’analyse de ces animations apporte un autre regard sur l’éducation relative à l’environnement. Ce ne sont plus les pratiques des enseignants au sein du système scolaire mais celles des partenaires qui sont observées. Ces partenaires, essentiellement des associations, interviennent dans le cadre et le temps scolaire mais ils ont une culture propre. L’analyse d’animation ouvre une perspective sur le rapport l’Ecole à ses partenaires et l’inscription de ces derniers dans le système scolaire.

Notes
95.

Toutes les structures intervenant en ERE ne sont pas des associations. La SEGAPAL est une société d’économie mixte. C’est ce qui a justifié l’emploi du terme d’organisation à vocation éducative dans la cartographie des acteurs plutôt que celui d’associations mais si la majorité de ces organisations sont des associations. Pour la cohérence de la rédaction, nous conserverons ici le terme d’associations.