e) La révolution humaniste de l’économie et de l’écologie

1) L’économie, du paradigme de la croissance à celui du développement

Une rupture s’opère au milieu du XXème siècle. L’accroissement des richesses n’est plus le seul facteur qui conduit à l’amélioration de la vie (MARECHAL J.P. et QUENAULD B, 2005). C’est ce que met en évidence Jacob Viner dans son ouvrage sur l e commerce international et le développement économique. L’auteur fait intervenir des facteurs humains et sociaux dans le développement : le besoin d’éducation, de santé, l’amélioration de l’administration … C’est ce qui conduit François Perroux dans L’économie du XX ème siècle, à opérer la distinction entre la croissance, augmentation des richesses mesurée par le PNB et le développement, « combinaison de changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global » (op. cit., p. 37).La croissance économique est une donnée quantitative alors que le développement est d’ordre qualitatif. « Le développement a pour but d’assurer non seulement le bien-être mental, physique et social de l’individu mais aussi la liberté des cultures, des valeurs, des institutions et des religions non oppressives. » (SHANKER R., 1996 in SAUVE L., MADELAINE H.-G., BRUNELLE R. et BOSTYN M., 2003, M.24). La distinction entre croissance et développement est d’usage dès le quatrième point du discours d’investiture de Truman à la présidence des Etats-Unis, le 20 janvier 1949.

Les deux phénomènes, bien que distincts, sont interdépendants. Le développement nécessite une croissance économique. L’accumulation matérielle n’est plus une finalité en soi. C’est la condition par laquelle le développement est possible. En effet, on considère qu’au-delà d’un seuil de croissance, les travailleurs bénéficient des gains de productivité ce qui se traduit par une amélioration de leurs conditions de vie. Ils profitent ainsi de la croissance économique. Le développement ainsi atteint, stimule à son tour la croissance économique en créant de nouveaux besoins, d’éducation, de santé par exemple. La croissance engendre le développement et inversement. C’est un cercle vertueux. Finalement, le développement constitue le cadre qualitatif général de la croissance qui n’est pas un but mais un moyen d’impulser des changements sociaux, sociétaux et culturels. « Dans cette mesure, le développement a l’être humain pour origine, pour acteur et pour finalité. En conséquence, il englobe la croissance économique, mais il présente bien d’autres dimensions et joue comme processus d’intégration de toutes les dimensions de l’activité humaine, notamment sa dimension culturelle. » (FABRIZIO C., DESJEUX D. et DUPUIS X., 1994, p. 131 in SAUVE L., MADELAINE H.-G., BRUNELLE R. et BOSTYN M., 2003, M.25) La séparation conceptuelle entre croissance et développement est aujourd’hui consommée et se retrouve de manière récurrente dans la littérature économique.

Le passage des théories de la croissance à celle sur le développement témoigne d’une translation du champ économique. L’économie ne se concentre plus sur un objet, la richesse, mais sur un sujet, l’Homme. L’homme se situe au centre d’un réseau complexe de relations : homme/milieu ; homme/homme ; homme/société… L’économie doit désormais prendre en compte ces relations dans la perspective de maximiser le bien-être ou le bonheur de l’Homme, ce qui nécessite un accroissement des richesses mais ne s’y limite pas. L’économie adopte ainsi un nouveau paradigme humaniste que les théories du développement lui ont permis d’explorer.