2. Les principes de la complexité durable

a) Le développement durable est-il dialogique ?

L’un des piliers du développement durable est l’emboîtement des échelles (VEYRET Y., 2006). Il repose sur l’articulation entre le local et le global. Yvette Veyret (2006), dans son analyse géographique de la notion de développement durable, constate son échec à petit échelle. A partir ce constat, elle défend l’idée que le développement durable ne peut émerger qu’à une échelle locale. « Cette démarche suppose un retour au terrain et avec assez de recul pour que de vraies conclusions soient tirées […] » (VEYRET Y., 2006, p. 91). Le principe n’est pas propre à un regard géographique, ni même au développement durable. « Penser global, agir local » est une formule de René Dubos, co-rédacteur du rapport de la conférence de Stockholm, en 1972. C’est déjà un principe de l’écodéveloppement. En quoi l’emboîtement d’échelle inscrit-il le développement durable dans une logique dialogique ?

Un même phénomène peut avoir un sens différent en fonction de l’échelle à laquelle on situe l’analyse. Il peut représenter l’ordre à une échelle et le désordre à une autre. Prenons l’exemple des mesures prises pour limiter l’émission du CO2 dans les villes. Certaines municipalités ont ainsi décidé de limiter la circulation automobile. Elles étendent les voies de circulation destinées au bus et au tramway. Elles instaurent des zones de circulations à vitesse limitée, réduisent les possibilités de stationnement pour les pendulaires, tout en favorisant le stationnement résidentiel. Toutes ces mesures engendrent des difficultés de circulation se traduisant par une circulation ralentie ou des embouteillages et des difficultés de stationnement. Ces mesures sont facteurs de désordre. Elles empêchent une circulation routière fluide ce qui les rend souvent impopulaires. A petite échelle, ces mesures sont salutaires. Elles visent à réduire les impacts négatifs de l’activité humaine sur le milieu biophysique en limitant l’émission de gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. Elles sont facteur d’ordre. Ainsi un même phénomène peut être ordre à petite échelle et désordre à grande échelle. On peut réitérer la remarque non plus pour les échelles spatiales mais pour les échelles temporelles. Un même évènement peut avoir une signification sur un temps court et une autre sur le long terme. Le développement durable, par le jeu de l’emboîtement des échelles, peut associer au sein d’une même entité le désordre et l’ordre. Il répond donc à un principe dialogique qui lui permet de tolérer la contradiction en son sein.