1. Les géographes sont-ils fâchés avec le développement durable ?

a) De rares publications

La géographie semble être passée à côté du développement durable. « Les géographes ne sont pas réellement présents dans le champ ouvert par le développement durable » (LEFORT I., dans GAUCHON P. et TELLENNE C., 2005, p. 62). L’état des publications sur la question constitue le premier argument sur lequel s’appuie cette thèse. Yvette Veyret, Alain Miossec et Paul Arnould (2004) ont comptabilisé un article sur le développement durable dans les Annales de Géographie depuis 2000 et aucun dans l’Espace Géographique. Leur constat est encore valide aujourd’hui. En actualisant leur travail, il n’y a qu’un article supplémentaire entre 2004 et 2008 dans les Annales de Géographie et aucun dans l’Espace Géographique 114.

Le second argument s’appuie sur le traitement du concept de développement durable dans les dictionnaires de géographie. Le dictionnaire Les mots de la Géographie n’a pas d’entrée pour le développement durable. La notion n’est pas non plus traitée dans la rubrique développement. En revanche le dictionnaire d’Yves Lacoste De la géopolitique aux paysages et celui de Jacques Lévy et Michel Lussault Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés font référence au développement durable. Seul le second donne une définition du terme. Le premier liste les différents problèmes et thématiques que le concept recouvre sans pour autant les mettre en cohérence et proposer une grille de lecture.

Les géographes sont-ils hors débat pour autant ? Pour aller plus loin dans le constat, j’ai analysé la place qui est accordée au développement durable, dans les laboratoires de recherche qui travaillent sur la thématique. J’ai recensé, par le biais de l’annuaire des laboratoires du CNRS, l’ensemble des travaux de recherche qui contiennent le terme de développement durable, soit dans leur intitulé soit dans leur descriptif. Le bilan est plus favorable que prévu pour les géographes. Sur les 26 recherches recensées, 9 d’entre elles impliquent la géographie, des géographes ou sont reliées à un laboratoire de géographie. C’est plus d’un tiers. On ne peut donc pas mettre la géographie hors débat. La question est ensuite de savoir comment la discipline investit le champ du développement durable.

A la lecture des descriptifs de ces recherches, plusieurs thématiques de recherche émergent comme relevant de la géographie :

  • La première est celle des ressources dites naturelles. Trois des neuf115 recherches portent sur l’amélioration de la gestion des ressources du milieu biophysique. L’approche ressourciste se double dans un cas par une approche conservationniste qui porte sur « la gestion intégrée des espaces naturels ».
  • La seconde thématique est celle des risques, présente dans deux recherches.
  • Le troisième axe de ces travaux de recherche est plus complexe à définir. Il porte sur le couple développement durable / territoire. Emerge alors la question de la territorialisation du développement durable, c'est-à-dire l’appropriation de la notion par un territoire et ses acteurs, et la question de la gestion territoriale durable, c’est-à-dire les politiques publiques mises en place dans le cadre d’une démarche de développement durable. Cet axe constitue la principale thématique des recherches menées. Il est présent dans six des neufs recherches recensées. Ce constat n’est pas étonnant au regard de l’importante exploitation qu’a connu le concept de développement durable dans le champ de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Il semble en effet que l’entrée première de la géographie dans le développement durable est l’urbanisme.

Notes
114.

Ont été comptabilisés comme portant sur le développement durable ceux dont la notion apparaissait dans le titre ou/et les mots clés.

115.

Une même recherche peut mobiliser plusieurs thématiques.