2. L’impensable développement durable

La géographie est aujourd’hui déchirée par les deux pôles de la modernité : le milieu biophysique et le binôme homme/société. A l’origine, la géographie moderne parvient à prendre en charge et à combiner ses deux pôles. En effet, la discipline s’est constituée en France, à la fin du XIXème siècle, sur le paradigme vidalien (SCHEIBLING J., 1994). Pour Vidal de la Blache, la géographie consiste à savoir comment les lois physiques et biologiques se combinent sur les différentes parties de la terre. L’objectif est de dégager des types de milieux naturels obéissant aux mêmes lois. La notion de milieu est centrale : c’est un complexe dans lequel interviennent le relief, le climat, le sol et la végétation qui génère des possibilités que les hommes peuvent utiliser. Vidal de la Blache reprend la notion de genre de vie, héritée de la distinction de Ratzel entre les « Natürvölker » et les « Kulturvölker ». Se met ainsi en place, une géographie générale qui étudie des étendues limitées représentant des entités naturelles. Le milieu et le genre de vie permettent de penser conjointement les aspects humains et naturels pris en compte par la géographie (CLAVAL P., 1998 ; 2001 ; ROBIC M.-C., 1992 ; LEFORT I., 1992 ; MARCONIS R. 2000).

Le paradigme vidalien entre en crise dans les années 1960 (SCHEIBLING J., 1994). Violemment critiqué et remis en cause, on lui reproche entre autre d’être une forme de déterminisme naturaliste. La géographie connait depuis une forte crise identitaire. Je n’ entrerai pas dans le détail de l’ensemble des courants qui ont, depuis lors, traversé la géographie. En revanche, il est important de noter qu’au moment où surgit la problématique du développement durable, la géographie ne dispose pas d’un paradigme unificateur qui permettrait à la discipline de le prendre en charge. Deux visions du développement durable se juxtaposent, chacune reliée à un des pôles de la modernité.