Chapitre 7 Le développement durable, les apories du système expert.

Le développement durable est par nature un hybride (LATOUR B., 1991) qui unit ce que la constitution moderne s’évertue à séparer, à savoir la science d’un côté et la politique de l’autre. Dans cette optique, le dialogue sur lequel devrait reposer le développement durable ne peut être seulement interdisciplinaire, réservé aux seuls scientifiques. Il convoque le politique et les politiques et appelle à faire des choix qui, ne relevant plus uniquement de la science, s’opèrent sur des valeurs qui participent à un projet sociétal. Le développement durable nécessite ainsi la mise en place d’un dialogue d’un nouveau type conjointement scientifique et politique, cognitif et éthique.

C’est sous la forme de la démocratie participative que ce nouveau dialogue semble s’incarner. Mais la démocratie participative n’est qu’un aménagement de la démocratie représentative (FELLI R., 2006). Le débat qui en résulte, ne se situe pas sur un plan éthique mais sur un plan technique dont le développement durable est un préalable, un donné.

Pourtant derrière la notion se cachent deux visions diamétralement opposées. Il y a d’un côté, la durabilité forte et de l’autre la durabilité faible. Dans la première acception, il s’agit de sauvegarder les écosystèmes. Dans la seconde, c’est la croissance qui est durable et à préserver. Ce sont deux projets de société antagoniques. Dans le cadre de la modernité dans laquelle s’inscrit le développement durable, c’est la seconde acception qui domine. Le projet du développement durable est alors celui d’une société capitaliste, industrielle et individualiste. Le débat initialement inscrit dans la constitution de la notion, se retrouve à la marge. Sa fonction est alors limitée à la mise en œuvre de choix pris préalablement. Le dialogue s’ouvre ainsi sur des détails techniques, non signifiants du point de vue du projet de société.

Dans ce cadre, l’éducation au développement durable ne peut plus relever les défis sociétaux et environnementaux en jeu. Elle est condamnée à être une éducation technique centrée sur des gestes pratiques et simples à mettre en œuvre. Ces gestes ancrent le développement durable à l’échelle des individus et non à celle d’un collectif. Ce sont plus précisément les enfants d’aujourd’hui qui sont ciblés, faisant de leur génération celle des héros de notre environnement.