b) La démocratie participative, adjointe au développement durable

La démocratie participative repose sur l’information, la consultation et la participation des citoyens aux projets politiques.

1) La participation, un principe du développement durable

La consultation et la participation des citoyens sont des principes anciens du droit national, pris en compte régulièrement dans les lois françaises et européennes depuis une trentaine d’années (ANNEXE 27). Ils sont inscrits au cœur des principes du développement durable depuis le rapport Brundtland (1987) dans lequel ils figurent dès l’introduction.

‘« Choisir en connaissance de cause
Pour faire les difficiles choix entre les voies qui peuvent conduire à un développement durable, il faut pouvoir s’appuyer sur un public bien informé et sur la participation des ONG, de la communauté scientifique et de l’industrie. Il faudrait donc élargir les droits, les rôles et la place de ces divers partenaires dans le processus de planification, dans la prise de décisions et dans la réalisation des projets de développement ». (Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Madame Harlem Brundtland, d’après la version française originale, Avril 1987, Introduction III) point 4.4)’

Il s’agit d’informer les citoyens mais également de redéfinir leur place dans le processus démocratique. Les citoyens deviennent des partenaires associés au processus de prise de décision. C’est la démocratie participative. Sur la question, le programme Agenda 21 se situe dans la même lignée que le rapport Bruntland.

‘« L'objectif d'ensemble est de restructurer le processus décisionnel afin d'intégrer pleinement les considérations socio-économiques et les questions d'environnement et d'obtenir une plus large participation du public. Etant entendu que les pays définiront leurs priorités en fonction des conditions et des besoins qui leur sont propres et conformément à leurs plans, politiques et programmes nationaux, il est proposé de : […]
Mettre en place des mécanismes, ou renforcer ceux qui existent, pour faciliter la participation des particuliers, groupes et organismes intéressés au processus décisionnel à tous les niveaux; » (Rapport de la conférence des nations unies sur l'environnement et le Développement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992, Chapitre 8.3)’

La démocratie participative est constitutive du développement durable tel qu’il est définie dans les textes internationaux. « Impliquer les citoyens dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques est l’une des ambitions du développement durable. » (Agenda 21 de Saint-Etienne Métropole). C’est un principe antérieur à la notion de développement durable.

Il a émergé dans les années 1960 dans la philosophie politique en réaction aux deux critiques le plus souvent formulées à l’encontre de la démocratie, à savoir la professionnalisation du personnel politique et le recours aux experts.

La première critique est ancienne. Alfredo Pareto l’avait déjà formalisée dans sa loi d’airain des partis politiques. Selon Pareto, après l’élection, les élus se détournent de leurs engagements pour se concentrer sur la défense de leurs propres intérêts en vue de leur réélection. Les élus deviennent ainsi des professionnels. Pour être réélu, ils doivent contrôler leur image et s’appuyer sur un tissu relationnel solide. C’est ainsi que se constitue une caste de politiques professionnels qui recrute au sein de l’élite sociale (KOEBEL M., 2006). « L’analyse détaillée des caractéristiques des élus locaux montre que l’accès au pouvoir est profondément inégalitaire […].Les diverses catégories socioprofessionnelles partent sur un pied d’inégalité à la conquête du pouvoir » (KOEBEL M., 2006). La professionnalisation des élus s’accompagne d’une inégalité d’accès aux fonctions représentatives, ce qui contredit le principe de justice sociale sur lequel repose l’idéal démocratique depuis Tocqueville et De la démocratie en Amérique. Dans une société démocratique, contrairement à une société aristocratique, le devenir de chacun ne doit pas être déterminé par son appartenance à un milieu. Chacun est libre de devenir ce qu’il souhaite. La professionnalisation des élus engendre la création d’une caste de politiques professionnels dans laquelle seuls quelques uns peuvent accéder aux fonctions représentatives.

La seconde critique adressée à l’encontre de la démocratie, le recours aux experts, questionne l’articulation entre la science et la technique d’une part, et la politique d’autre part. Le travail d’Habermas (2003 ; 2008) a contribué à faire émerger cette réflexion. L’auteur en s’appuyant sur le travail d’Herbert Marcuse, critique les deux modèles déjà existants pour appréhender cette articulation :

  • Le modèle technocratique qui instrumentalise la technique et la science au service de la politique alors condamnée à n’être qu’un mode d’expression des capacités techniques et scientifiques.
  • Le modèle décisionniste de Weber (1919) qui fait de la science et de la politique, deux sphères étanches. Habermas montre que la science n’est pas extérieure au monde mais dans le monde et défend par conséquent des intérêts particuliers. La science n’a pas la neutralité que son cadre méthodologie tendrait à faire croire.

Face à ces deux modèles qui ne le satisfont pas, l’auteur (1969) propose alors une troisième voie qui s’appuie sur l’ « intersubjectivité communicationnelle de la discussion démocratique ». Il s’agit d’ouvrir un espace de débat dans lequel la parole devient émancipatrice parce qu’elle est libérée des aliénations extérieures. La discussion doit aboutir à une médiation entre la science, la technique et la politique. C’est ce vers quoi tend en principe la démocratie participative.