B. Les rendez-vous manqués du développement durable face aux enjeux d’une éducation citoyenne

L’instauration difficile d’un vrai débat démocratique dans le cadre du développement durable – non que le débat ne soit pas possible mais il porte sur des questions techniques et non sur les questions de fond- rejaillit directement sur l’éducation au développement durable. L’éducation au développement durable ne permet pas plus que le développement durable d’engendrer le débat. C’est une des ambigüités relevées dans l’analyse des projets pédagogiques des enseignants en éducation à l’environnement vers un développement durable. Les débats sollicités par les enseignants ne s’inscrivent jamais dans une perspective critique explicitement formulée. L’approche critique assez rarement convoquée se limite à une analyse critique du corpus documentaire recueilli par les élèves. Dans cette perspective, les débats suscités ne questionnent pas le fonctionnement de notre société, son projet, ses valeurs… Ils ne soulèvent pas les questions essentielles, comme la participation citoyenne. Je ne peux aller plus loin dans l’analyse de l’usage du débat fait par les enseignants, car je n’ai pas suivi de débat à l’école dans le cadre de mes observations. L’analyse des projets pédagogiques me permet néanmoins d’affirmer que le débat n’est pas une stratégie pédagogique au service d’une critique sociale (SAUVE L., GODMAIRE H., PANNETON F. et BERRYMAN T, 2003). Il s’inscrit dans le normatif scolaire. Ce constat n’est pas surprenant au regard du caractère normatif de la culture et des disciplines scolaires.

Dans la lignée du développement durable, l’éducation au développement durable ne se positionne pas sur des choix sociétaux, déjà établis en amont. Elle prend en charge la mise en œuvre de ces choix. C’est ainsi que l’EDD s’inscrit dans le champ de l’écocivisme, plus que dans celui de l’écocitoyenneté. L’écocivisme renvoie à l’exercice de droits et de devoirs individuels alors que l’écocitoyenneté découle d’une réflexion sur la citoyenneté. « Alors que l’écocivisme fait référence à des comportements induits par une morale sociale, l’écocitoyenneté est de l’ordre des valeurs fondamentales : ces dernières correspondent à des choix éthiques issus d’une réflexion critique sur les réalités sociales et environnementales ; elles stimulent des conduites délibérées, qui lui donnent une signification plus riche et une ampleur éthique » (SAUVE L., 2001, in VILLEMAGNE C., 2002, p. 37 cité dans SAUVE L. et VILLEMAGNE C., 2003, M. 90). L’éducation au développement durable se coupe ainsi d’une réflexion de fond, que le développement durable ne permet pas, pour promouvoir l’adoption de comportements jugés respectueux de l’environnement.