a) La responsabilité individuelle en image

La première affiche vise à promouvoir la semaine du développement durable. C’est un appel à projets du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, et de l’Ademe, l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie. Cette opération est destinée à favoriser l’émergence d’initiatives multiples et variées sur le développement durable. C’était la 7ème édition en 2009 et elle portait sur le thème de la consommation. Le thème en soi est révélateur du projet sociétal (ou paradigme socio-culturel (VALOIS P. et BERTRAND Y., 1999) du « développement durable », à savoir un aménagement de la société capitaliste. L’affiche procède par les symboles, chacun renvoyant à un ou plusieurs éco-gestes. C’est ce que montre le tableau ci-dessous.

Tableau 22 :  Décryptage de l’affiche de la semaine du développement durable 2009
Symboles Ecogestes associés
Le Robinet qui goutte Ne pas laisser couler l’eau inutilement.
Faire vérifier ses canalisations
L’ampoule basse consommation Limiter la consommation d’énergie
Utiliser des appareils peu énergivores
Le vélo Favoriser l’emploi de mode de déplacement peu producteur de carbone.
La pomme et le yaourt Manger sainement des fruits et des légumes
Favoriser des produits locaux (produits du terroir)
Manger bio
La poubelle Trier ses déchets
Réduire la quantité des déchets produits
La maison Favoriser des habitations écologiques
Figure 66  : Affiche du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (2009) Disponible sur http://www.eau-artois-picardie.fr/article.php3?id_article=2565 , consulté le 15 septembre 2009

Cette affiche est institutionnelle, mais on retrouve le même type de procédé dans la campagne mise en place par le conseil communal de la Jeunesse de la ville de Cabestany, petite ville du Languedoc Roussillon. Le conseil communal de la Jeunesse ou les conseils municipaux d’enfants sont des instances consultatives mises en place par certains maires dans leur commune. L’âge des enfants et les modalités de recrutement sont variables. Il s’agit le plus souvent de mettre les enfants ou les jeunes en projet sur leurs communes.

Figure 67 : Campagne d’information du conseil Communal de la Jeunesse de Cabestany
Figure 67 : Campagne d’information du conseil Communal de la Jeunesse de Cabestany Disponible à http://www.ville-cabestany.fr/Images/4-enf-jeun/4-jeu/expoCCJ-m.jpg , consulté le 15 septembre 2009

Cette seconde affiche se construit de la même manière que la précédente. On retrouve les mêmes gestes écocitoyens que dans l’affiche précédente : limiter sa consommation d’eau, d’énergie et de papiers et trier ses déchets. Ils sont exprimés de manière explicite contrairement à la précédente affiche où ils étaient suggérés. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où la première affiche est un appel à projet. Elle ne doit pas encadrer les projets à venir alors que la seconde affiche a un caractère normatif voire impératif. Ce sont enfants qui ont travaillé sur l’environnement et qui retranscrivent le message dont ils été dépositaires. L’affiche du Conseil communal de la jeunesse de Cabestany est représentative des productions que j’ai observées dans l’enseignement secondaire en tant qu’enseignante, surtout la mise en place des établissements en démarche de développement durable. C’est ce qui a motivé le choix de la seconde affiche.

Mon dernier exemple est un message publicitaire destiné à promouvoir le tri des déchets. Contrairement aux deux autres exemples, le financement de cette campagne lancée en novembre 2008, n’est pas seulement institutionnel (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer). Il est aussi d’origine privé. Eco-folio, dont le signe est identifiable en bas à droite, est une société privée au service de l’intérêt général. Sa mission est de favoriser, soutenir et promouvoir le recyclage du papier.

Figure 68 : Campagne pour le tri des déchets
Figure 68 : Campagne pour le tri des déchets Disponible sur http://www.planete-echo.net/DeveloppementDurable/DeveloppementDurable2.html , consulté le 15 septembre 2009-09-30

L’affiche cible ici un seul geste éco-citoyen, le tri des déchets. C’est une publicité, du moins l’affiche est construite comme tel avec :

  • Un logo : celui d’Ecofolio
  • Un slogan : « Plus de papiers triés, plus de papier recyclé »
  • Une image qui frappe : un oiseau qui s’envole ce qui symbolise la liberté. C’est aussi le départ pour une seconde vie.

Ces trois affiches, issues de contextes différents, sont semblables et représentatives du discours et des pratiques actuelles en matière d’éducation au développement durable dans son ensemble. Elles reposent sur une logique commune selon laquelle la somme de gestes individuelles engendrera un mouvement de masse qui participera à un changement global et général des comportements envers l’environnement. C’est la logique de l’agir local, penser global. Dans l’ensemble, l’EDD insiste sur l’adoption de gestes écocitoyens. Plus des deux tiers des projets pédagogiques des enseignants analysés, déclinent des objectifs en termes de comportement ou de gestes à adopter, ce qui n’est pas le cas des animations. Seuls deux animateurs suivis en animation adoptent cette perspective. En revanche, dans le contenu de l’animation, il est régulièrement rappelé les gestes à faire ou non pour respecter l’environnement. Je peux citer à titre d’exemple, cette éducatrice qui saisit l’occasion du goûter pour évoquer la question des déchets jetés dans la nature, celle du suremballage et des dégâts causés par ces derniers sur le fonctionnement des écosystèmes. L’animation portait sur l’eau mais l’éducatrice a saisi une occasion de placer les enfants dans la perspective éco-citoyenne. L’omniprésence des gestes écocitoyens a été rappelée au cours de la conférence débat.

Moi, ça me fait rebondir sur quelque chose. C’est que quand on parle d’EEDD, on a tendance à se limiter à des gestes : qu’est-ce qu’on pourrait faire ? Et on va vers l’éducation un peu comportementaliste. Et je trouve ça vraiment très mauvais. D’autant plus qu’on va s’éloigner de l’entrée systémique, et critique entre guillemets. Moi ça me fait un peu peur que, juste parce qu’on va faire des gestes, on va apprendre à faire les bons gestes entre guillemets aux enfants, on va tous avoir bonne conscience et on aura plus rien compris au problème.
Conférence débat- atelier 2 – intervention n° 134

Cette logique est individualiste, ce qui est cohérente avec le projet sociétal (ou le paradigme socio-culturel) dans lequel s’inscrit le développement durable. L’individualisme est en effet, un des piliers de la société moderne que la notion de développement durable défend (BERTRAND Y. et VALOIS P., 1999). En privilégiant l’adoption des gestes écocitoyens ou d’écogestes, l’éducation au développement durable est centrée sur l’individu et promeut de facto une responsabilité individuelle.

Notes
120.

Disponible sur http://www.eau-artois-picardie.fr/article.php3?id_article=2565 , consulté le 15 septembre 2009

121.

Disponible à http://www.ville-cabestany.fr/Images/4-enf-jeun/4-jeu/expoCCJ-m.jpg , consulté le 15 septembre 2009

122.

Disponible sur http://www.planete-echo.net/DeveloppementDurable/DeveloppementDurable2.html , consulté le 15 septembre 2009-09-30