Annexe 28 Les PCB à travers la presse

Article de Libération.fr, rubrique Économie , publié le 29/05/2008 à 03h39*

« L'Etat admet être incapable de nettoyer le Rhône des PCB »

BERTRAND Olivier

En sortant de la réunion hier, le préfet du Rhône résumait ainsi l'impuissance des acteurs : «Le véritable enjeu, c'est la dépollution du Rhône et de ses affluents. Mais personne ne sait comment faire. Il n'existe aucun procédé au monde pour traiter de telles quantités.» Le représentant de l'Etat sortait du comité de suivi et d'information sur les PCB (polychlorobiphényles, produit extrêmement polluant), qui souillent les sédiments du Rhône. «Les seules solutions connues, ajoutait le préfet, Jacques Gérault, sont l'incinération et la mise sous béton.» Deux options vite abandonnées.

Imprégnation. Aussi, un programme de recherche sur les techniques de dépollution devrait être labellisé par le pôle de compétitivité Axelera (chimie-environnement), qui se trouve en Rhône-Alpes. Il tentera notamment de développer des outils de traitement des sédiments pollués. Le projet serait piloté par Suez Environnement, et associerait des laboratoires, une quarantaine de chercheurs, des industriels, des PME (etc.), pour une durée initiale de quarante mois et un coût évalué à 12,65 millions d'euros. L'Etat en prendrait 50 % à sa charge, l'autre moitié restant aux frais des industriels.

Une enquête d'imprégnation va par ailleurs être lancée par l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire. «C'est la première enquête de cette ampleur concernant ce type de pollution. Cela ressemble à ce qui avait été mis en oeuvre pour l'amiante», se réjouit Alain Chabrolle, vice-président de la Fédération régionale de la protection de la nature (Frapna). Elle sera menée d'octobre 2008 à mai 2009, sur des consommateurs volontaires, et ses premiers résultats attendus en 2010. «Cette enquête sera menée nationalement, précise le préfet du Rhône. Son protocole est en cours d'élaboration mais elle portera sur les milliers de personnes, et non sur une cinquantaine.» Une allusion transparente à l'enquête présentée aujourd'hui par le WWF, pour alerter sur l'ampleur de la contamination aux PCB (lire ci-dessous). Une autre enquête va être lancée auprès des salariés qui travaillent au contact de PCB. Notamment les ouvriers des usines Tredi à Saint-Vulbas (Ain) et Arkema à Saint-Auban (Alpes-Maritimes). Des établissements où l'on retraite les appareils contenant du Pyralène (une des marques sous lesquelles ont été commercialisés les PCB).

Oiseaux. Parallèlement, un protocole est en cours d'élaboration pour tous les travaux de dragage sur le Rhône et ses affluents, afin d'éviter que les couches de sédiments souillés ne se dispersent en étant remuées. Enfin, le cas des pêcheurs du Rhône serait en voie de règlement, 10 d'entre eux (sur 12) ayant reçu des propositions d'indemnisation allant jusqu'à 30 000 euros. Les enquêtes se poursuivent pour délimiter plus précisément les zones polluées, ainsi que les espèces touchées, et le comité étudie «l'opportunité scientifique d'étendre les analyses aux oiseaux». La prochaine réunion du comité de suivi est prévue début 2009.

Article de LEMONDE.FR, publié le 10/10/07

« Pollution du Rhône au PCB : les pouvoirs publics savaient depuis vingt ans »

Matthieu Auzanneau

L'Agence de l'eau du Rhône et de la Méditerranée était au courant au moins depuis vingt ans de la présence anormalement élevée de pyralène (ou PCB) dans les eaux du Rhône, selon une analyse de cet établissement public datée d'avril 1986, publiée par le site du Nouvel observateur mercredi 10 octobre.

Pour Alain Chabrolle, qui suit le dossier PCB au sein de l'association France Nature Environnement, cet état de fait est tout sauf une surprise. "Voilà vingt ans que nous tentons d'alerter sur ce dossier, donc nous savons très bien que plusieurs administrations ont réalisé depuis longtemps des mesures de la pollution aux PCB dans le Rhône" , lance-t-il. Il cite par exemple un courrier transmis par la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) à l'agence de l'eau en décembre 1986, réclamant une analyse des concentrations sur la totalité du bassin du Rhône. Ou encore un texte du Centre international de lutte contre le cancer, installé à Lyon, qui demandait aux pouvoirs publics de faire en sorte de réduire "au minimum" ces concentrations constatées.
 

DEMANDE D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE

Alain Chabrolle poursuit : "La DASS, la direction régionale de l'environnement, le service de la navigation, tout le monde détenait un bout de la vérité. Le problème, c'est que jamais personne n'a pris ce dossier à bras-le-corps. Il faut maintenant tirer toutes les conséquences de cet aveuglement."

Deux députés socialistes, Jean-Jack Queyranne (Rhône) et Michel Vauzelle (Bouches-du-Rhône), ont annoncé mardi qu'ils demandaient la constitution d'une enquête parlementaire sur les causes et les conséquences de la pollution du Rhône par les PCB. Plusieurs plaintes contre X ont par ailleurs été déposées au cours des dernières semaines. Depuis le mois d'août, il est interdit de consommer les poissons pêchés dans le Rhône, mais pas dans la Seine ou dans d'autres rivières polluées.

Essentiellement présents autrefois dans les transformateurs, condensateurs, certaines encres ou adhésifs, les PCB ne sont plus produits depuis 1979 et les appareils qui en contiennent sont interdits à la vente depuis 1987. Cependant subsiste une pollution d'origine "historique" , qui s'accumule en priorité dans les sédiments et la chair des poissons gras.

Article de LE PROGRES.fr publié le 23.06.2009 04h00

« Le Rhône : le poisson revient dans les assiettes »

Olivier Saison

Un panneau à considérer « partiellement » : les gardons, sandres, perches et ablettes ne sont plus concernés / Joël Philippon

Il est de nouveau permis de consommer des poissons du Rhône. La pollution aux PCB du fleuve les rendait potentiellement dangereux pour la santé

C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les pêcheurs du département.

La bonne, c'est qu'ils vont pouvoir recommencer à consommer en toute légalité certains poissons qu'ils devaient rejeter à l'eau depuis avril 2006 (voire depuis septembre 2005 pour ceux qui pêchaient dans le canal de Jonage et au Grand Large, dans l'Est lyonnais) en raison de leur forte contamination aux PCB.

Une levée d'interdiction partielle mais conséquente puisqu'elle concerne tout le linéraire du Rhône depuis le barrage de Sault-Brennaz dans l'Ain jusqu'à sa confluence avec l'Isère. Et celui de la Saône, du barrage de Couzon jusqu'à cette même jonction.

Sur recommandation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), le préfet du département du Rhône a restreint hier par un nouvel arrêté cette interdiction de consommation aux espèces dites « benthiques » qui, se nourrissant des sédiments pollués présents au fond de l'eau, sont les plus exposées aux PolyChloroBiphényles.

Anguilles, barbeaux, brèmes, carpes ou silures sont donc toujours frappés par cette interdiction, de même que les « brochets de plus de 2,5 kg »... En outre, toutes les espèces pêchées entre Saint-Vulbas et Loyettes restent proscrites. Mais la vraie mauvaise nouvelle ne vient pas de ces exceptions.

Aux yeux de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (Frapna), ces levées partielles ne sont pas le résultat d'une vraie réflexion sanitaire, mais essentiellement du lobbying des fédérations de pêche. « L'Etat devait compenser les pertes que représente la baisse des achats de cartes de pêche(due aux précédents arrêtés) », rappelle Alan Chabrolle, de la Frapna. Ce qu'il n'a toujours pas fait. Ces réouvertures sont-elles donc une façon de gagner du temps ? Toujours est-il « qu'elles sont scientifiquement incohérentes » estime ce dernier.

Non seulement parce qu'un poisson pêché dans une zone autorisée peut très bien descendre ou remonter d'une zone interdite. Ou parce que le taux de PCB dans sa chair n'a nul besoin d'être supérieur à la norme de l'OMS pour jouer son rôle de perturbateur endocrinien (effets sur la croissance de l'enfant, son développement).

Mais « parce que ces poissons comportent d'autres polluants comme les pesticides et les métaux lourds » que certains laboratoires publics sont pourtant en train d'analyser. Et de conclure, « très en colère » : « C'est un décision hâtive ! ». Certes. Mais populaire.