c) … mais également parisienne

L’analyse des annuaires d’associations et de la répartition géographique de leurs membres montre au début du siècle une prédominance parisienne (STATISTIQUES), que les dirigeants cherchent à combattre dans les années 1909-1914. Les types de manifestations en vogue à l’époque (congrès et expositions) sont utilisés comme moyen de promotion de l’association et de son activité – pour recruter de nouveaux membres – et d’échange et de diffusion d’informations techniques à destination des membres provinciaux. Ainsi la Société de médecine publique et de génie sanitaire organise-t-elle du 2 au 4 novembre 1909, à l’Institut Pasteur, une première « Réunion sanitaire provinciale ». La séance inaugurale, présidée par Léon Mirman, directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques au Ministère de l’Intérieur, rassemble une centaine de personnes303. Le succès de l'événement et l’adhésion consécutive de plusieurs bureaux d’hygiène à l’association, qui passe en deux ans de 311 à 389 adhérents, puis à 454 en 1914304, encouragent le conseil d’administration à poursuivre l’expérience jusqu’en 1913. En 1912, près d'un tiers des adhérents (134 sur 422) sont provinciaux (cartographie des villes ou bureaux d'hygiène adhérents ci-après). En 1920, 31 adhérents (9%) sont des provinciaux « institutionnels » (bureaux municipaux d'hygiène, conseils départementaux d'hygiène). Après la Première Guerre mondiale, l’Association reprend sa tradition de réunions annuelles. Elles se tiennent toujours à l'automne à l’Institut Pasteur, portent désormais le nom de « congrès d'hygiène », et continuent à attirer quelques techniciens de province305.

Les villes de province dans la Société de Médecine publique (1912)
Les villes de province dans la Société de Médecine publique (1912)

La carte ci-dessus met en évidence, outre la pertinence d'une ligne « Le Havre-Marseille » à l'est de laquelle se trouvent le plus de villes et d'adhérents, deux ensembles régionaux. Le Nord, qui dispose d'un réseau de villes dense et où les problèmes d'hygiène rencontrent ceux de l'industrialisation et de la condition ouvrière. Ensuite, plus surprenant, un groupe du Centre et de l'Est du Massif Central, allant de Montluçon à Lyon, du Creusot à Saint-Étienne. D'après l'enquête dirigée par Édouard Imbeaux vers 1907-1908, cette zone se caractérise par un nombre relativement important de petites villes disposant du tout-à-l'égout (voir liste en annexes, section 6) ; il faut cependant rester prudent sur une corrélation entre adhésion ou participation aux réseaux spécialisées et précocité de l'équipement sanitaire306.

La cartographie de la participation à l'AGHTM laisserait apparaître un réseau de points plus nombreux, mais avec les mêmes zones peu denses au sud-ouest de l'Hexagone. En 1916, voici les statistiques : « Paris est en tête avec 137 membres » (sur 328) ; suivent Nancy avec 21 adhérents, Lyon 11, Bordeaux 9, Lille 6. 26 villes contiennent 2 membres et 79 un seul. « En résumé, l'Association compte des membres dans 118 villes de France. On est frappé de l'absence de membres dans toute la région du Centre et du Sud-Ouest entre la Loire et la Gironde. »307 Cartographier les membres des associations d'hygiénistes revient ainsi à retrouver une France urbaine organisée par la ligne Le Havre-Marseille, avec trois foyers : une grande région lyonnaise ; un axe Paris-Le Havre le long de la Seine ; le Nord et le Pas-de-Calais. Le Midi participe plus épisodiquement dans le temps et plus ponctuellement sur le plan spatial.

Notes
303.

Compte rendu de la Réunion, des discussions et des communications dans la RHPS de décembre 1909. Les années suivantes, les comptes rendus sont encore publiés dans les numéros de novembre et décembre de la revue.

304.

RHPS, février 1912, p. 192 et février 1914, p. 197.

305.

Marie Latil, directrice du Bureau d’hygiène de Villeurbanne, fait une communication au Congrès de 1928 sur les dangers des lotissements « au point de vue de l’hygiène et de la sécurité publiques » et assiste à celui de 1937 (AM Villeurbanne, 5J 1, programme du XVe Congrès d’hygiène, Institut Pasteur, 16, 17, 18 octobre 1928, lettre de Marie Latil au Maire de Villeurbanne, 5 octobre 1937 et réponse de celui-ci, 21 octobre).

306.

En effet, la présence du tout-à-l'égout est très loin de signifier celle d'une épuration des eaux usées, comme à Saint-Étienne où le collecteur principal n'est autre que le ruisseau du Furan. Elle implique certes une réduction des nuisances causées par les fosses d'aisances dans les habitations, mais elle n' pas forcément des répercussions positives sur le plan environnemental.

307.

TSM, août 1916, p. 201.