a) La Chambre syndicale de l’assainissement 

Bernard Bezault, déjà fondateur et directeur de la Société générale d’épuration et d’assainissement vers 1900, est à l’origine de la création d’une Chambre syndicale de l’assainissement (1924) pour regrouper « toutes les industries qui sont en contact permanent avec les Administrations publiques et qu’aucune collectivité, grande ou petite, ne peut ignorer aujourd’hui : […] travaux d’adduction, de distribution, de filtrage et de stérilisation de l’eau potable, de la construction des égouts, de la destruction des ordures ménagères, etc. »784. Elle remplace la Chambre Syndicale des Entrepreneurs de Couverture, Plomberie, Eau, Gaz, Assainissement et Hygiène, et se donne pour premier bureau :

‘Président : Bernard Bezault, administrateur délégué de la Société générale d’épuration.
Vice-présidents : M. Chidaine, directeur de la Société Eau et Assainissement ;
M. Auroy, directeur de la Compagnie d’assainissement et d’épuration des eaux résiduaires.
Trésorier : M. Martin, directeur de la maison Philippe Monduit. 785
Secrétaire : M. Humery, directeur de la SEPIA. 786

Ce groupe d'intérêtnoue des liens avec divers acteurs787 : le monde de l’enseignement technique, d’une part (la Chambre patronne l’Institut de Technique Sanitaire créé fin 1923 au CNAM). D'autre part, « les savants et administrateurs qui sont les promoteurs des grandes opérations d’hygiène », invités lors de banquets annuels à retrouver « les industriels qui réalisent leurs conceptions »788. Ainsi, le 8 juin 1925, Bezault réunit des personnalités du monde politique, administratif, savant et industriel comme le Dr Pottevin, sénateur, président de l’Office international d’hygiène publique, le Dr Louis Martin, sous-directeur de l’Institut Pasteur, Jules Renaut, conseiller sanitaire du gouvernement, Georges Risler, président de l’Association d’hygiène sociale, Édouard Imbeaux, ancien directeur des services techniques de Nancy et fondateur de l’AGHTM, ou encore Léon Eyrolles, fondateur de l’École spéciale de travaux publics. Cultiver de bonnes relations avec les administrateurs est important, quand on veut tenter d'obtenir une meilleure application de lois ou de mesures sur la santé publique, ou les orienter dans le sens voulu par les constructeurs789. Le compte rendu du banquet de 1925 nous rapporte un discours qui, à l’instar des vœux pris dans les assemblées d’associations spécialisées ou de congrès, interpelle les pouvoirs publics. Bezault y a

‘« fait ressortir l’insuffisance actuelle des mesures d’hygiène acceptées en France et a affirmé, au nom de ses confrères, que tous, praticiens, exécutants, fabricants d’appareils, étaient prêts à suivre les directives qui leur seront données par les organismes d’hygiène, pourvu que ces organismes leur donnent des directives pratiques.
A cet égard, M. Bezault a esquissé, non sans raison semble-t-il, une critique de la composition et du fonctionnement du Conseil supérieur d’hygiène publique. Cet important rouage de l’Administration ne dispose pas encore d’une bibliothèque où les maires, les préfets et les techniciens puissent consulter des documents, et son laboratoire, d’ailleurs parfaitement outillé, n’a pas assez souvent l’occasion de travailler pour les communes de France. »790

Trente-huit ans plus tard, le regard rétrospectif posé par l’organisme sur lui-même est cohérent avec ce qui ressort des sources : « la Chambre Syndicale s’est posée en promotrice des questions d’Hygiène, recherchant à devenir la collaboratrice des organismes officiels afin que la France soit à la tête du progrès. Dans ce but, elle prit contact avec les Ministères, le Conseil Supérieur de l’hygiène Publique, l’Institut de Technique Sanitaire, les Préfets, les Maires et les Collectivités »791. En 1929, la Chambre se structure en sections, avant de se renommer « Chambre Syndicale de l’Assainissement et des Industries de l’Hygiène » l’année suivante. En 1931, Bezault passe la main à Paul Chidaine, ingénieur des Ponts et Chaussées en congé, directeur de la société « Eau et Assainissement », qui continue la tradition de banquets annuels où se côtoient hauts fonctionnaires, élus et élites économiques du génie civil et sanitaire792. Au milieu des années 1930, elle compte un peu plus de 130 membres répartis dans 5 sections : eau potable et appareils sanitaires ; traitement des eaux résiduaires ; ordures ménagères, désinfection, nettoyage et divers ; fumivorité, dépoussiérage et purification des gaz ; abattoirs et sous-produits d'abattoirs793. Durant la guerre, la Chambre adhère à la Fédération Nationale des Travaux publics fondée le 20 décembre 1940, et devient « seule habilitée à représenter les entreprises et industries de l’hygiène auprès des pouvoirs publics, grands services d’État, comités et organismes syndicaux. » Grâce à son statut de partenaire, elle peut désormais peser sur les décisions administratives : ainsi en 1958, un devis-programme type pour la mise au concours des stations d’épuration des eaux usées est élaboré par les pouvoirs publics avec sa collaboration794.

Notes
784.

« Banquet de la Chambre syndicale de l’assainissement », VCD, juillet 1925, p. 294.

785.

S.A. spécialisée dans la plomberie, couverture, l'alimentation hydraulique.

786.

TSM, novembre 1924, p. 260.

787.

Sur cette notion, voir Michel Offerlé, Sociologie des groupes d'intérêt, Paris, Montchrestien, 1994.

788.

« Banquet de la Chambre syndicale de l’assainissement », VCD, juillet 1925, p. 294.

789.

Le phénomène est visible en ce qui concerne les fosses septiques, dans les années 1920. Bernard Bezault, « Réglementation des fosses septiques d’après la circulaire ministérielle du 23 juin 1925 », TSM, mai 1927, p. 110-114.

790.

« Banquet de la Chambre syndicale de l’assainissement », op. cit.

791.

BnF, 8-JO-17051, Chambre Syndicale Nationale des Entreprises et Industries de l’Hygiène publique, Annuaire 1963. Historique de la C.S.N.H.P. depuis sa fondation.

792.

VCD, juillet 1931, p. 337.

793.

AM Belfort, 1M 14/3, brochure-annuaire Chambre Syndicale de l'Assainissement et des Industries de l'Hygiène. Les meilleures maisons françaises, s. d.. [1935 ou 1936].

794.

Ibid.