C/ L’implication de la société urbaine dans l’équipement édilitaire

‘« Parmi les problèmes soulevés ainsi, il n'en est peut-être pas qui passionne davantage que celui des eaux potables. Et ce ne sont pas les seuls spécialistes qui s'occupent avec ardeur des solutions qu'on lui cherche: l'opinion publique elle-même, grâce aux puissants moyens de vulgarisation dont dispose la science de notre temps, par la presse, n'ignore rien des dangers que présente pour la santé la consommation d'une eau défectueuse. […] A tout moment, on rencontre dans les journaux quotidiens des renseignements précis, des discussions et des polémiques sur ces épidémies massives, d'origine hydrique, qui déciment la population d'un collège, d'une caserne, d'une ville ou d'un quartier. » ⁸⁰⁹ ’

Villes, État, entreprises : l’histoire des innovations et des équipements édilitaires ne peut se résumer à cette trilogie simplificatrice. Bien que ces trois acteurs soient essentiels et contrôlent chacun une étape importante du processus d’implantation (la prise de décision; l’autorisation de financement et – le cas échéant – l’octroi de subventions et la réalisation; enfin, les travaux eux-mêmes), de nombreux autres protagonistes interviennent. Le degré de leur engagement varie bien entendu d'une ville à l'autre, et selon les transformations souhaitées. Sans entrer dans la juxtaposition de monographies, nous avons souhaité présenter les grands types d’acteurs de la « société civile » : les habitants (propriétaires, riverains, etc.) ; les « experts » (étudiés plus loin, chapitre V) ; les journaux, relais et creuset de l’opinion publique. Tout au long de l'étude longitudinale des projets municipaux, nous serons conscients de la complexité du monde urbain. Chaque projet s'inscrit dans une temporalité plurielle, car la temporalité varie selon les acteurs considérés, et fait l'objet de négociations entre municipalités et habitants, entre ingénieurs et commissions d'experts, révélant ainsi la diversité des modes d'appréhension de la modernité⁸¹⁰.