b) Le voyage continental : prédominance du monde germanique

Ainsi, vers 1898, plusieurs conseillers lyonnais se rendent en Allemagne (voyage que nous n'avons pas inclus dans notre base de données, n'ayant pas retrouvé la liste exacte des villes). A l’occasion de l’étude de la réforme du système de collecte des ordures, l’un d’entre eux, Emeric, écrit au directeur de la voirie :

‘« Presque toutes les villes que nous avons visitées lors de notre dernier voyage possèdent, pour l’enlèvement des immondices, des véhicules recouverts de [illisible] (mobiles ou non je l’ignore).
Si mes souvenirs sont exacts, je crois que vous pouvez vous adresser aux municipalités de Mainz, Köln, Frankfurt-am-Main, Leipzig, Nürnberg, München, pour avoir des détails concernant la construction de ces voitures.
Ayez donc la bonté de m’y faire songer jeudi, nous pourrons en causer avec mon collègue M. Firmery. Ses souvenirs personnels seront peut-être plus précis que les miens à ce sujet. »1054

En matière d’hygiène urbaine, les villes de culture allemande sont un modèle reconnu ; le cas particulier de Strasbourg, interface entre deux pays, le montre bien.En 1870, elle est « la ville la plus malpropre d’Allemagne », tandis qu’en 1918, redevenue française, elle est la ville « la plus propre de France »1055. Hambourg, suite au choléra de 1892 qui vient sanctionner la réticence des conseils locaux à la dépense1056, est la première ville du continent à adopter l’incinération des ordures, alors que des expériences échouent à Berlin. Le procédé de collecte des ordures et de tri sélectif à Charlottenbourg fait parler de lui dans les rapports d’hygiénistes français1057. Enfin, Zurich est une ville visitée par plusieurs délégations françaises ou genevoises, pour son usine d’incinération (Paris, Lyon) ou son système de filtration des eaux (Pau), et citée régulièrement dans des articles pour ses tombereaux à ordures « hygiéniques », inventés par le suisse J. Ochsner puis exportés dans diverses petites villes françaises après 1907 (voir infra, chapitre IX). Il y a donc un tropisme germanique, qui ne se limite pas à l’hygiène de la voie publique, comme en témoignent les voyages organisés par Édouard Herriot afin d’étudier les hôpitaux (Berlin), les abattoirs, ou la foire-exposition de Düsseldorf (1912) – ville dont les services municipaux avaient déjà fait l’objet d’une étude admirative de la part du maire de Limoges1058. Signalons également la visite faite par une commission sénatoriale à Berlin en 1888, avant de se prononcer sur la loi sur l’assainissement de Paris et l’utilisation agricole de ses eaux d’égout. Les sénateurs, emmenés par le docteur Cornil, passent trois jours dans la capitale allemande, rencontrant des conseillers municipaux berlinois et les principaux acteurs de l’hygiène locale, l’ingénieur Hobrecht et les scientifiques Virchow et Robert Koch1059. Deux décennies plus tard, ce sont des universitaires conseillers municipaux de Rennes qui s'y rendent et publient un rapport détaillé1060.

Notes
1054.

AM Lyon, 923 WP 236, lettre de M. Emeric, cabinet des adjoints à l’ingénieur, s. d.

1055.

Viviane Claude, « Le travail de la différence. Expériences comparatives dans le champ municipal à Strasbourg (1900-1930) », Genèses, 37, décembre 1999, p. 115.

1056.

Richard Evans, Death in Hamburg. Society and Politics in the Cholera Years, 1830-1910, Oxford, Clarendon Press, 1987.

1057.

Dr E. Arnould, « Hygiène urbaine. Collecte et enlèvement des ordures ménagères », TSM, janvier 1912, p. 21.

1058.

RM, 19 septembre 1903, p. 593-594.

1059.

Arch. Paris, VO3 173, Utilisation agricole des eaux d’égout à Berlin. Note par M. le docteur Cornil, Paris, imprimerie C. Pariset, 1888.

1060.

L’épuration des eaux d’égout, compte rendu d’un voyage d’études en France, en Belgique et en Allemagne, par MM. Ch. Laurent, adjoint au maire de Rennes, professeur à l’Ecole de Médecine et de pharmacie, et Carle Bahon, conseiller municipal de Rennes, maître de conférences à la faculté des lettres, Rennes, imprimerie nouvelle, 1911, 104 p (ouvrage mentionné dans la rubrique bibliographique de la RHPS, septembre 1912). N'ayant pas consulté l'ouvrage, nous n'avons pu prendre en compte les villes étrangères visitées lors de ce voyge.