Les concours préalables à la réalisation d’équipements sanitaires municipaux ne sont pas uniformes. Un critère s’impose parfois d’emblée : l’ouverture de la compétition à des entrepreneurs français ou étrangers (Toulouse, 1907), ou sa restriction à des entrepreneurs nationaux (Lyon, 1909), ce qui est généralement le cas durant l’entre-deux-guerres1236. Différentes formules coexistent : les concours les plus ouverts sont les simples appels à projets, avec comme appât l’obtention possible d’un contrat avec la municipalité, tandis que d’autres sont plus formalisés, avec des exigences et modalités bien précises (telles la présentation d'une liste de références, l’anonymat des projets soumis à expertise, un jury nommé par arrêté municipal, des prix en argent destinés à dédommager partiellement les concurrents du temps passé à préparer le dossier). Il arrive assez fréquemment que le délai imparti par la municipalité soit reporté de quelques semaines ou quelques mois, à la demande des entrepreneurs : on peut y voir le signe d’un décalage entre une administration pressée de mettre un projet à exécution, et la réalité d’entreprises de petite taille soucieuses de pouvoir élaborer les projets les plus adéquats possibles1237. Enfin, il existe également un mode de concours à deux degrés pour désigner dans un premier temps les maisons admises à soumissionner d’après leurs références puis, au deuxième degré, l’adjudicataire. Il apparaît dans les affaires d’usines de traitement des ordures, à Montluçon dans les années 19301238 et un peu plus tard à Brive et à Limoges qui choisissent un concours « restreint, c'est-à-dire que seuls seront admis à présenter des soumissions les candidats préalablement retenus au vu des références qu’ils auront été invités à présenter »1239. Cette méthode permet d’éliminer les participants jugés les moins fiables et donc d’économiser du temps pour se consacrer aux projets sérieux, même si là encore, les municipalités doivent gérer des conflits avec ceux qui n’ont pas été retenus.
A l’opposé, le concours d’accès libre suscite l’intérêt de beaucoup d’entrepreneurs potentiels, surtout au début de la période étudiée, lorsque la spécialisation technique n’est pas encore très développée. Le record paraît atteint à Paris en 1894, où 142 inventeurs postulent pour subir les épreuves du concours pour l’épuration des eaux de rivière : cet effectif pléthorique « montre bien la vitalité de la science sanitaire française » selon le Génie sanitaire 1240. Position qui n'est pas forcément partagée par les techniciens du département de la Seine, car parmi les concurrents, certains proposent des projets plus ou moins fantaisistes et ne sont pas des professionnels de la science ou de la technique sanitaire1241. « Un examen sommaire a permis d’écarter tout d’abord un certain nombre de dossiers trop clairement insuffisants. On y trouve quelquefois le produit d’imaginations à peu près incohérentes, souvent la reproduction de lectures mal digérées, souvent aussi l’exposé banal d’indications connues de tout le monde »1242. Des 148 projets présentés (quelques concurrents ayant présenté plusieurs projets), seuls 42 dossiers sont sélectionnés au terme d’une première phase.
AM Toulouse, ING 406, programme du concours.
Exemple, en 1907-1908, à Toulouse pour le concours d’assainissement de la ville (AM Toulouse, ING 406) et à Lyon, en 1908, pour le concours pour le traitement des immondices (TSM, janvier 1908).
AM Montluçon, 5I 18/13, procès-verbal de la réunion du 10 août 1938 de la commission du concours pour la construction d'une usine d'incinération.
AM Limoges, 3D 112 (1954). AD Corrèze, 1609W, procès-verbal des délibérations du jury, 1er août 1963.
Le Génie sanitaire, octobre 1894, p. 157.
L’attrait des concours d’hygiène publique auprès de non-spécialistes n’est pas nouveau. Il est visible dans les concours pour l’adduction de nouvelles eaux potables à Lyon dans les années 1880 : AM Lyon, 743 WP 55, lettre de Joseph Berlioz, clerc de notaire à Rumilly au maire de Lyon, 10 juillet 1885 ; AM Lyon, 743 WP 63, dossier sur le projet de M. Villard, ex-publiciste et ancien notaire (1880-1881).
Le Génie sanitaire, septembre 1896, p. 153-154.