C/ La modernité des techniques d'hygiène urbaine face à la guerre moderne (1914-1919)

‘« Nous devons faire remarquer que des notions nouvelles ont surgi de la guerre et bouleversé les conceptions d'autrefois » 1618 .’

La problématique des villes dans la Grande Guerre a déjà fait l'objet d'études, tel un ouvrage dirigé par Jay Winter et Jean-Louis Robert sur l'histoire comparée des trois grandes capitales (Paris, Londres, Berlin), de l'entrée dans le conflit à la transition de l'après-guerre1619. La vie urbaine y est traitée sous divers aspects : relations sociales entre les citadins, affectés différemment par le conflit, mais également situation matérielle des habitants de ces capitales, problématique du ravitaillement1620, du logement, de la préservation de l'hygiène publique et de la lutte contre les épidémies1621. Catherine Rollet note que la guerre a favorisé l'accélération de la diffusion d'innovations qui rencontraient au préalable une certaine résistance (vaccination contre la typhoïde ou la variole, chloration des eaux), ce qui a permis de réduire la mortalité causée par certains fléaux, tandis que d'autres persistaient (tuberculose), ou surgissaient, inattendus (la fameuse épidémie de « grippe espagnole »). Sur le plan administratif, la situation exceptionnelle donne plus de pouvoir aux autorités militaires, conseillées par des « techniciens » de l'hygiène. Après coup, Léon Bernard déclare qu'à l'occasion de la guerre « un peu d’hygiène s’est introduite sur bien des points du territoire, et [que] jamais la santé publique, en dépit des causes multiples qui auraient pu l’altérer, n’a été mieux préservée »1622.

La question qui nous occupe ici concerne l'impact du conflit – qui mobilise des forces humaines et matérielles considérables – sur les politiques en cours en matière d'amélioration du cadre de vie des citadins : est-ce qu'à partir du 1er août 1914, tout s'arrête en matière d'assainissement urbain ? Si le fonctionnement quotidien des services de salubrité a pu souffrir, surtout en ce qui concerne l'enlèvement des déchets, l'impact des hostilités n'a pas été forcément uniquement négatif : les concentrations d'hommes sur le front, par les problèmes qu'elles posent, ont pu accélérer la mise au point d'innovations techniques, applicables ultérieurement aux agglomérations urbaines.

Notes
1618.

AM Rouen, 1I 17, extrait des délibérations du conseil municipal de Rouen, 12 septembre 1919.

1619.

Jay Winter et Jean-Louis Robert (éd.), Capital Cities at War. Paris, London, Berlin, 1914-1919, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

1620.

Thierry Bonzon, Belinda Davis, « Feeding the cities », in Jay Winter et Jean-Louis Robert (éd.), Capital Cities at War, op. cit., p. 305-341.

1621.

Catherine Rollet, « The « Other War » I : Protecting public health », in Jay Winter et Jean-Louis Robert (éd.), Capital Cities at War, op. cit., p. 421-455.

1622.

« Nécessité de la révision de la loi du 15 février 1902 relative à la santé publique », Alliance d’hygiène sociale. Congrès de Clermont-Ferrand, 30 septembre, 1 er et 2 octobre 1921, Clermont-Ferrand, Imprimerie Mont-Louis, s. d., p. 78.