1/ « Les travaux allaient commencer quand la guerre éclata »: un élan stoppé

[« Les travaux allaient commencer quand la guerre éclata »1623: un élan stoppé]

Au mois d'août 1914, les villes se vident de leurs hommes, tout comme les manifestations en cours (Exposition internationale urbaine de Lyon). Élus et ingénieurs ne partent pas forcément au front, surtout ceux des grandes villes ; mais ils doivent gérer, avec des effectifs considérablement réduits, le fonctionnement de leur agglomération. Les entreprises de services urbains connaissent les mêmes difficultés. Les projets d'assainissement, coûteux en temps de travail et en investissement financier, se retrouvent brutalement à l'arrêt, alors même que la diffusion paraissait s'accélérer. Nous avons observé dans les archives ce phénomène1624, confirmé par les expertises de projets d'hygiène urbaine effectuées par le Conseil supérieur d'hygiène dans les années 19201625. Bien des localités repartent quasiment de zéro, alors qu'elles avaient presque achevé la longue procédure de mise au point et d'expertise en 1914 : Biarritz, Belfort, Montluçon, etc. A Givors, le conseil municipal reçoit notification de l’octroi d’une subvention à son projet le 10 juillet 1914, mais le déclenchement de la guerre remet en cause les engagements financiers de l’État et ajourne la réalisation du projet1626. Certaines structures de l'État continuent cependant à fonctionner : le Conseil supérieur d'hygiène se réunit durant le conflit. S'il traite essentiellement d'hygiène militaire, c'est bien sûr en raison de l'actualité, mais aussi parce que les bureaux des services municipaux et des entreprises de génie sanitaire se sont vidés et qu'il n'y a quasiment plus d'affaires d'assainissement à expertiser. Quelques projets d'alimentation en eau potable en cours en 1913-1914 figurent cependant encore au programme des séances, preuve de l'intérêt qu'attachent les élus locaux et les hygiénistes à leur exécution1627. Traduction de cette situation contrastée, l'entrée « assainissement » disparaît des tables des matières de la Revue municipale en 1915 et 1916, mais pas les entrées « eaux » ou « ordures ménagères »1628. En effet, la guerre provoque une attention accrue à la surveillance des approvisionnements urbains en eau et engendre des situations problématiques pour certaines tâches hygiéniques devant être accomplies au quotidien, telle la collecte des ordures ménagères.

Du côté des réseaux d'échange de l'information, la Revue pratique d'hygiène municipale est mise entre parenthèses pendant toute la durée des hostilités ; après six mois sans nouvelles du directeur de leur revue, Victor Van Lint (directeur des travaux de Bruxelles), les membres parisiens de l'AGHTM choisissent de relancer La Technique Sanitaire grâce à un imprimeur mâconnais1629. Les numéros sont bimestriels en 1915 et reprennent une périodicité mensuelle l'année suivante ; la revue s'enrichit même de rubriques de Jurisprudence et de Documents officiels, qui étaient jusqu'en 1914 l'apanage de la Revue pratique. La section parisienne de l'association reprend ses réunions (l'assistance y atteint parfois la trentaine de personnes, soit plus que l'affluence moyenne durant la décennie suivante!) ; grâce à l'activité de ses membres (appuyés par un nouvel entrant, Donat-Alfred Agache), elle organise une Exposition d'urbanisme au printemps 19161630.

Notes
1623.

AM Biarritz, 1O 269, rapport programme du plan d'extension et d'aménagement, dactylographié, s. d. [1923 ou 1924].

1624.

AM Avignon, 3N 13. Le projet de captage des eaux de la Signone élaboré en 1914, reçoit l'avis favorable du CSHP qui estime même qu'il éviterait de devoir recourir à l'ozonisation des eaux. Il est repris seulement en 1934.

1625.

Parmi les projets d'assainissement repris dans les années 1920 : Pau (CSHP 1922, p. 785) ; St-Germain-en-Laye (CSHP 1926, p. 138) ; Gérardmer (7577 habitants ; CSHP 1929, p. 328).

1626.

Sylvain Petitet, « De l’eau du Rhône à l’eau de la ville : la mise en place d’un service de distribution d’eau potable à Givors (1899-1935) », Recherches contemporaines, n°5, 1998, p. 122-123.

1627.

Recueil des actes officiels et documents intéressant l’hygiène publique. Travaux du conseil supérieur d’hygiène publique de France, tomes 46 e à 51 e , (années 1916-1921), Melun, imprimerie administrative, 1928. Exemples de Cusset (Allier) ou de Brest (stérilisation des eaux par l'ozone).

1628.

La municipalité lyonnaise, qui reprend l'étude de son projet de tout-à-l'égout dès 1918, fait figure d'exception au sein du corpus de villes étudiées.

1629.

TSM, 1er n° hors série, décembre 1914.

1630.

TSM, 1916.