b) A l'Est, le « génie du propre » ?

D’autres villes jouent un rôle d'innovateur, à l’Est, où des procédés plus originaux que dans le reste de la France (parce qu'importés du monde germanique) sont assez souvent adoptés : tambour Kuka pour la compression des ordures ménagères à Strasbourg, système concurrent « Faun » à Colmar, etc.1940 Les sociétés qui obtiennent les marchés des villes alsaciennes utilisent l'argument de leur supériorité hygiénique pour tenter de convaincre les municipalités du reste de l'Hexagone, notamment les cités méridionales :

‘« Les villes de l’Est sont remarquables de propreté.
Toutes les ménagères ont leur poubelle. Il leur serait aussi difficile de s’en passer que de tout autre objet nécessaire au ménager.
Lyon, Nancy, Strasbourg, Mulhouse, etc. sont pourvues depuis longtemps.
Cette question est à l’ordre du jour. Les villes de Calais, Moulins, – et d’autres sans doute, – viennent de prendre la détermination de distribuer des poubelles à leurs habitants. » 1941
Extrait d'une brochure de la société « Forges de Strasbourg »
Extrait d'une brochure de la société « Forges de Strasbourg » AM Biarritz, 1M 40, prospectus de la société « Forges de Strasbourg » envoyé à la municipalité par Émile Rosier, agent commercial à Pau.

La carte des villes pionnières peut donc s'expliquer par différentes logiques, selon que l'on s'attache à étudier les innovations relatives à l’eau potable, celles concernant l’épuration des eaux usées ou le traitement des ordures ménagères. Imitation régionale et configuration géographique locale dans le premier cas, profil de petite ville dans le deuxième, villes de loisir et grandes villes dans le troisième. Bien que quelques profils de villes très innovatrices (réunissant deux des trois procédés avant 1914) apparaissent1943, ces différences peuvent expliquer que les cartes ne se recoupent pas.

Reste à interroger un dernier critère : plutôt que l'émulation, la logique de coopération a-t-elle pu favoriser l'adoption des innovations ? Autrement dit, c'est la question de la mise en commun des moyens entre des localités affrontant les mêmes problèmes environnementaux qui doit être posée.

Notes
1940.

AM Biarritz, 1M 40, lettre de la société « Office d'Études Techniques » au maire de Biarritz, 7 octobre 1932, correspondance avec le maire de Colmar et la société STRIUR (1932).

1941.

Ibid., lettre de Louis Blanchard au maire de Biarritz, Montauban, 11 novembre 1923.

1942.

AM Biarritz, 1M 40, prospectus de la société « Forges de Strasbourg » envoyé à la municipalité par Émile Rosier, agent commercial à Pau.

1943.

On notera les principales : Nancy et Toulon. D'autres auraient pu en adopter deux, comme Rouen et Le Havre (projets d'assainissement et d'épuration de l'eau non menés à bien en 1914). Enfin, certaines jouent la carte de la documentation et de l'expérience sur plusieurs tableaux sans adopter aucun projet, telles Lyon et Lille.