Les procédés chimiques

Testés dès les années 1890, souvent dérivés d'expérimentations pour épurer l'eau d'industries nécessitant de l'eau propre2291, ils sont régulièrement renouvelés jusqu'au début des années 1910. Mais ils ne sont guère aimés des ingénieurs municipaux et des hygiénistes français jusqu'à ce que le docteur Roux, directeur de l'Institut Pasteur, prenne leur défense dans un contexte de grave sécheresse à Paris en 1911. En 1894, aucun procédé chimique ne sort vainqueur du concours organisé par la préfecture de la Seine ; en 1908, c'est l'ozone, procédé physico-chimique, qui se place en première ligne au concours de Paris. On évoquera ici deux des principaux procédés, celui au ferrochlore du britannique Howatson et du belge Bergé, et celui au sulfate d'alumine et chlorure de chaux du belge Duyk.

Le ferrochlore et Howatson

Le procédé au ferrochlore est mis au point dès la fin du XIXe siècle, testé dans de petites villes belges. Sans que l'on sache pourquoi, la ville de Lectoure, dans le Gers, décide de faire confiance à Andrew Howatson. Après expériences et expertise par des membres du Comité consultatif d'hygiène publique, le procédé est adopté. Plus tard, en 1903, Howatson fait tester son procédé à l'observatoire municipal de la ville de Paris, à Montsouris.

Duyk et les filtres américains

Ce procédé est présenté au concours pour l'épuration des eaux d'alimentation de la ville de Marseille en 1910. La commission le décrit comme suit : « Le procédé Duyk consiste à ajouter à l'eau brute du sulfate d'alumine, mélangé d'un peu de sulfate ferrique, et du chlorure de chaux en très petite quantité »2292. Après un certain temps de contact de l'eau avec ces réactifs dans un appareil décanteur, on la filtre sur du silex. Le sulfate d'alumine donne avec l'eau brute un précipité floconneux d'alumine qui emprisonne plus ou moins complètement les particules inertes et les bactéries en suspension et qu'on évacue de temps en temps en ouvrant la vanne de purge de la cuve cylindrique en béton armé servant de décanteur. Grâce à ce produit, on obtient une vitesse de filtration bien plus importante que dans les filtres à sable classiques, d'où l'opposition entre des filtres « lents » et des filtres « rapides » dits aussi « américains ».

L'usage du sulfate d'alumine pour faire coaguler et précipiter les particules est alors déjà bien répandu dans les villes nord-américaines2293, et une firme d'Outre-Atlantique, la Jewell Export Filter Cy, s'implante peu à peu en Europe et dans ses périphéries (Trieste, Alexandrie). Mais à part Annecy, les villes françaises – et leurs conseillers – restent réticents à une méthode qui ajoute un réactif chimique, alors que la filtration lente fait la fierté des ingénieurs de l'Hexagone.

Le système Duyk expérimenté à Marseille en 1910
Le système Duyk expérimenté à Marseille en 1910 TSM, avril 1912, p. 86.

Duyk tente d'appliquer divers systèmes toujours basés sur l'épuration chimique par des composés chlorés ; en 1912, sa principale référence est l'usine de purification des eaux d'Hasselt, chef-lieu de la province du Limbourg en Belgique flamande (17 000 habitants, 300 m3 par jour), et il se félicite du premier pas des services techniques parisiens durant l'été 1911, même si le chlore reste pour ces derniers encore un « moyen de fortune ». Son argument en faveur des « hypochlorites » est celui-ci : « Ces produits, dont l'effet est, sans conteste, le même que celui de l'ozone, voire des rayons ultra-violets […] possèdent sur ceux-ci l'énorme avantage de la simplicité dans l'application industrielle et d'un prix de revient extrêmement bas »2295. On retrouvera cet argument sous la plume de Bunau-Varilla, dans les années 1920, mais pour des doses dix fois inférieures d'hypochlorite, à tel point qu'il baptise d'abord sa méthode « autojavellisation imperceptible » avant de trouver le terme de « verdunisation ».

Notes
2291.

Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapports du jury international. Groupe VI. Outillage et procédés des industries mécaniques (3 e partie). Classe 52, Paris, imprimerie nationale, 1893, p. 140.

2292.

TSM, avril 1912, p. 85.

2293.

Au 1er janvier 1903, 196 villes étaient en possession d’installations de filtres du type dit « américain » (Jules Courmont, Revue pratique d'hygiène municipale, octobre 1905, p. 448).

2294.

TSM, avril 1912, p. 86.

2295.

TSM, septembre 1912, p. 223.