II/ Les associations de maires

Le Congrès des Maires de Haute-Savoie à Saint-Julien-en-Genevois (1934)
Le Congrès des Maires de Haute-Savoie à Saint-Julien-en-Genevois (1934)

Extrait de La Vie Communale et Départementale , février 1926, p. 67-68.

‘« Dans notre numéro d’octobre 1925, nous avons annoncé la création d’une Fédération des Municipalités socialistes. Nous enregistrons aujourd’hui la naissance d’une Fédération Républicaine des maires et conseillers municipaux de France. […]
Son but, le manifeste public le définit exactement : aider les Maires dans leur tâche administrative, les renseigner sur les lois nouvelles intéressant l’administration communale, leur permettre de satisfaire aux obligations imposées aux communes, les délivrer de la tutelle que le pouvoir central fait peser sur eux.
Un Bulletin de renseignements législatifs et juridiques, un Comité de Contentieux au service des adhérents, des élus intervenant, en cas de nécessité, auprès des pouvoirs publics et à la tribune du Parlement, tel doit être, dans ses grandes lignes, l’organisme d’études, d’action et de défense créé par M. Louis Marin.
Oui, on nous l’a bien dit, la guerre a mis en lumière l’importance du groupe local, les difficultés de l’après-guerre réveillent l’esprit d’autonomie locale ; les Maires ne peuvent pas s’endormir dans l’inertie d’un train-train administratif ; tout se heurte, tout est désaxé, tout est problème nouveau.
Il faut donc se grouper, collectiviser l’expérience, faire un profit commun des réussites heureuses, signaliser pour tous chaque route entreprise. C’est une conclusion qui s’impose. M. Paul Faure, M. Henri Sellier, M. Louis Marin l’ont bien vu. Ils l’ont vu et ils agissent. Alors il faut applaudir ? Pourquoi cacherions-nous que quelque inquiétude nous point ?
Ainsi donc, voilà les municipalités françaises qui se fédèrent. En municipalités de grandes villes, villes moyennes, villes industrielles, ports commerçants, bourgs et communes rurales ? Non pas ! Ce serait copier servilement des pays à forte organisation municipale. Mais en municipalités de gauche, de droite, du centre. A chaque groupe, sa jurisprudence, sa manœuvre, ses profits. M. Henri Sellier l’a dit sans ambages. L’organisation d’études municipales de la Fédération socialiste sera un excellent moyen de propagande politique. Et M. Louis Marin lui répond du tac au tac.
Or, nous avons vu que, lorsqu’il s’agit du « Municipal Business », de ses besoins, de ses conditions matérielles et morales d’exercice, l’accord s’est fait souvent au sein d’assemblées municipales, de droite à gauche. Le point d’équilibre entre les pouvoirs de l’État et ceux des Municipalités, n’est pas établi. L’accord de toutes les municipalités ne serait-il pas nécessaire, d’abord, pour l’obtention d’un statut normal ? Les groupes politiquement ennemis s’entendront-ils pour une pression commune contre le Moloch central ? Celui-ci n’aura-t-il pas beau jeu et ne perpétuera-t-il pas son règne par la division ? On est que trop enclin à le supposer et à craindre que les Fédérations de municipalités françaises, en portant leur action sur le terrain politique, ne prennent en naissant, comme on dit, la maladie de la mort. Et c’est dommage.
Le jour même où nous découpions dans « Le Temps » la note relative à la formation de la Fédération des Municipalités républicaines, nous recevions de l’Association des communes italiennes, fondée il y a 25 ans, reconnue en 1923 comme organisme doté de personnalité civile, l’avis de sa fusion avec la Confédération nationale des personnes morales autonomes. Chez la sœur latine, une association en pleine prospérité, comptant 25 ans d’existence, ayant acquis une large réputation en Italie et à l’étranger, que les manifestations de Vercelli et le récent Congrès international des Villes n’avaient fait qu’accroître, n’a pas hésité "pour éviter une dispersion des énergies" à fusionner dans une association qui englobait non seulement les communes, mais encore les administrations provinciales, et tous les établissements publics autonomes.
L’affaire a peut-être des dessous que nous ignorons et, d’autre part, nous comprenons fort bien qu’à des organismes particuliers peuvent correspondre des groupements particuliers. Mais nous affirmons qu’il ne convient pas, si l’on songe au « risorgimento » municipal, de commencer par imposer aux villes et communes de France, les divisions en honneur au Parlement. Que les Conseils municipaux qui ont une couleur politique très nette, se reconnaissent et s’entraident, soit. Qu’ils fassent ainsi de l’action électorale et politique, soit. Mais qu’ils ne prétendent pas alors faire avancer d’un pas l’éclosion d’un statut municipal où prendraient corps et forces, des institutions locales capables de donner une base sérieuse à une organisation locale, tenant l’équilibre entre une centralisation anémiante de la vie communale et une fédéralisation exagérée où s’épuiserait le sentiment national.
Les Conseils municipaux sont des collèges électoraux et des Conseils d’administration. En qualité de collèges électoraux, ils sont naturellement portés à constituer des cartels politiques plus ou moins étendus. Et nous ne saurions nous étonner que l’effet dérivât de la cause. Mais il nous paraît illogique et, la logique ne perdant jamais ses droits, dangereux, que, constitués en cartels électoraux, ils songent alors à jouer leur rôle de Conseils d’administration. Les cartels de Conseils d’Administration ne se constituent que sur le plan des intérêts matériels. Il s’agit ici des affaires publiques, qui, chacun le sait, sont toujours vues sous un angle spécial à travers le prisme des intérêts électoraux. On nous dira qu’un Maire, gérant des intérêts d’une commune, et homme politique appartenant à un parti, est bien qualifié pour gérer les affaires de sa commune, suivant les idées directrices de son parti. Sans doute. Mais remarquons, sans plus car cela nous mènerait trop loin, qu’il est un point dans l’exécution des affaires où la réalisation dans ses détails matériels est indépendante de l’idée directrice. Et c’est à ce point que la réalisation devient purement affaire d’administration dans le sens complexe et positif de ce mot. Peut-être aurons-nous l’occasion de revenir sur cette question, dont l’éclaircissement pourrait définir le sens et l’action de groupements locaux, régionaux ; et d’une Fédération nationale de Maires sur une base exclusive de toute préoccupation politique ». ’