Une vision ironique du démarchage des industriels de l'épuration de l'eau potable

‘« On trompe indignement le public en lui faisant croire qu’il boit de l’eau stérile. Il faut contraindre les stérilisateurs à la stérilisation intégrale. Quant aux eaux de source dont des municipalités tardigrades abreuvent encore leurs électeurs, quelle abominable purée de microbes ! »’

[L'interlocuteur prétend utiliser les rayons « infra-roses » et munir les installations de batteries de « multiplicateurs bactériogéniques »), système du Dr Vibrion, « brevets demandés dans tous les pays civilisés »]

« De deux choses l’une :

Ou l’eau sera rigoureusement stérile (ce qui ne sera jamais le cas au premier passage), et alors, on la livrera à la consommation ;

Ou elle contiendra quelques germes qui, transformés en colonies nombreuses par les multiplicateurs, ne pourront échapper à l’observation ; en ce cas, on la restérilisera par un procédé toujours différent du ou des précédents et on la repassera aux multiplicateurs bactériogéniques. Je suis convaincu qu’une dizaine de traitements successifs suffiront à la stérilisation intégrale.

Nous aurons alors de superbes usines de stérilisation avec : dégrossisseur, préfiltration, filtration, refiltration, ozionisation, ultra-violettisation, ferrochloration, javellisation, manganatation, alunation, etc. etc. et entre chacune de ces phases, une batterie de « multiplicateurs bactériogéniques ».

  • Admirable, en effet, mais cela va coûter cher, éminent ami !
  • Eh ! qu’importe le prix de l’eau pourvu qu’elle soit pure et que la science triomphe… ! Sans compter que ce sera une bonne affaire et si vous voulez quelques actions de la société des Multiplicateurs bactériogéniques pour la reconnaissance des microbes par pullulation intensive (en voie de formation), je puis vous en réserver quelques-unes. »

« Propos d’un banlieusard : La grande découverte du Dr Vibrion », L'eau, 15 janvier 1913, p. 9-10.