L'expertise associative : la commission des pentes d'égout de l'AGHTM

Composition2371 :

Président : M. Lemoine, inspecteur général des Pc, Ministère des régions libérées ;

Secrétaire : M. Nave, ingénieur civil des Mines, ingénieur hygiéniste

Membres effectifs :

MM. Baratte, inspecteur général des PC, Service technique des eaux et de l’assainissement de Paris

Bechmann, ingénieur en chef des PC, ancien ingénieur en chef du Service technique des eaux et de l’assainissement de Paris

Chalumeau, ingénieur en chef de Lyon

Imbeaux, ingénieur en chef des PC, ingénieur en chef de Nancy

Malette, ingénieur des Travaux Publics de l’Etat

Membres correspondants :

MM. Antoni, directeur du service de l’assainissement de Toulon

Dalechamps, ingénieur en chef de Clermont

Lheureux, directeur des services techniques de Besançon

Saturnino Rodrigues de Brito, ingénieur-conseil au Brésil

Cette commission est créée suite à une demande de Félix Nave, en vue d'étudier les meilleures pentes à donner aux égouts2372. Elle fonctionne dès le printemps 1923, demande un crédit de 100 francs à l'association pour acheter des livres étrangers et faire imprimer des circulaires et notes nécessaires à son étude2373. Nave rédige un projet de questionnaire à adresser aux municipalités. Des courriers sont échangés avec divers maires ou directeurs de travaux, dont ceux de Toulon et de Besançon, que l'on désigne « membres correspondants » de la commission2374. Les réponses les plus intéressantes sont publiées dans la revue de l'association en mars 1924. Quelques mois plus tard, on projette d'envoyer une notice sur les conclusions de la commission à toutes les villes de plus de 5000 habitants, et le rapport est remis au docteur Roux, président du Conseil supérieur d'hygiène publique. En décembre 1924, le travail de la Commission est même exposé au Ministre du Travail et de l'Hygiène, Justin Godart, lors d'une visite d'une délégation de l'AGHTM2375.

Pourquoi Félix Nave s'est-il autant investi dans cette commission, aux côtés de vétérans apportant le prestige de leur nom, tels Imbeaux et Bechmann ? Il semble qu'il ait été poussé autant par le souci d'aider à la vulgarisation des principes d'un bon assainissement que par l'intérêt de faire reconnaître de façon officielle l'utilité du système « Shone » de relèvement des eaux d'égout, dont il est le concessionnaire. Ainsi, dans la Technique Sanitaire et Municipale de mars 1926, il critique un rapport présenté au CSHP par Max Le Couppey de la Forest sur le projet d'assainissement d'Avion (Pas-de-Calais), rapport qui se satisfaisait d'une vitesse d'écoulement de 0m40 par seconde et écartait explicitement l'hypothèse d'une vitesse de 0m75 par seconde, demandée par la commission des pentes d'égout. « Cette décision est très grave et ses conséquences dépassent de beaucoup le cadre d'un simple projet d'égouts. C'est la doctrine surannée des faibles pentes qui est ainsi mise en opposition par notre haute Assemblée sanitaire avec le principe des fortes pentes et de l'autocurage préconisé, après enquête, par notre Association, à la suite des conclusions de sa Commission des pentes des canalisations pour égouts. » Quelques mois plus tard, Bernard Bezault, auteur du projet d'assainissement en question, contre-attaque et met en doute l'objectivité des conclusions de la commission, en expliquant que les spécialistes comme Bechmann et Imbeaux n'avaient pas participé aux travaux de la commission, alors qu'ils préconisaient eux-mêmes une vitesse inférieure à 0m75 par seconde, et que comme par hasard, la plupart des ingénieurs britanniques consultés étaient « de chauds partisans du système de relèvement par éjecteurs Shone, fabriqués par Hugues et Lancaster, et du système d’épuration dit « Hydrolytic Tank » […] Quant à prétendre ici qu’il est meilleur marché d’employer des éjecteurs à air comprimé plutôt que des chasses d’eau, cela nous paraît plus que discutable »2376. Nave s'est trouvé en décalage avec la pratique des ingénieurs sanitaires français et, avec le recul, en 1936, il doit reconnaître l'inefficacité des recommandations de la commission : « je ne sache pas que des modifications ou des adjonctions aient été apportées aux précédentes instructions générales concernant la construction des égouts ». Selon lui, les villes françaises subissent les « effets désastreux de l’absence de toute directive et de toute réglementation conforme aux résultats de l’expérience »2377.

Notes
2371.

TSM, mars 1924, p. 66.

2372.

TSM, mars 1923, p. 50.

2373.

TSM, juin 1923, p. 122.

2374.

TSM, octobre 1923, p. 218.

2375.

TSM, février 1925, p. 63.

2376.

TSM, mars 1927, p. 53-54.

2377.

TSM, janvier 1936, p. 7-8.