Quand un concurrent s'avise de « violer » le programme du concours (Avignon 1913)

(Concours d'assainissement de la ville d'Avignon. Préambule du rapport présenté par M. Lotz, architecte hygiéniste à Nancy)2378

« L'assainissement de la Ville d'Avignon et de sa banlieue ne peut, à notre avis, que faire l'objet d'un concours d'idées à soumettre à un Jury appelé à se prononcer sur des questions d'applications techniques et financières et non d'un concours d'exécution suivie susceptible d'entraîner la ville ou ses intermédiaires à des aléas financiers résultant de la détermination d'une dépense trop élevée et sujette à varier pour être fixée à l'aide des faibles moyens mis à la disposition des concurrents.

En effet, le paragraphe 3, article 4 du programme dispose que « les concurrents sont tenus, sous leur responsabilité, de faire toutes vérifications qui pourraient être utiles à l'élaboration de leur projet, lesquels seront considérés au moyen d'opérations et de levers préalablement faits sur le terrain par eux-mêmes ». Or, pour tous renseignements, il a été remis à chacun des concurrents, en consignation d'une somme de cent francs, un plan présentant quelques rares cotes de niveau, une dénomination incomplète des rues et un tracé plutôt stérile en notions indicatives sur les nature, profondeurs, sections et état d'entretien des canalisations de drainage actuel.

L'élaboration d'un projet aussi complet que celui imposé au programme et l'établissement d'un devis établissant d'une façon fixe et positive le montant des travaux, avec détails et sous détails, doivent forcément amener l'auteur à pratiquer sur le terrain le nivellement et le développement métrique de toutes les rues. De plus, une inspection attentive de tous les canaux actuels mérite de retenir son attention, tant en vue des modifications, transformations et additions désirables que pour fixer le montant des dépenses, très variables, à valoir sur ce chapitre.

De semblables opérations préliminaires ne peuvent s'accomplir qu'en entretenant sur les lieux pendant plus d'un mois un géomètre, ses aides et un technicien spécialement occupé à l'examen des ouvrages existants. S'il faut tenir compte, en outre, que trois mois de mise au point en cabinets d'études, sont nécessaires à deux employés pour établir le dossier complet comprenant notamment le profil de chaque tronçon d'égouts avec calcul des pentes, vitesses et débits et pour fournir un devis exact basé sur la série de prix locale, on se rend immédiatement compte qu'une étude de cette ampleur entraîne à des frais que ne compensent pas les primes offertes, non sans restrictions d'ailleurs.

L'article 9 stipule, en effet, « si le Jury estime qu'aucun des projets présentés n'offre un ensemble de garanties et d'études suffisantes, tant au point de vue technique que financier, il pourra ne pas faire de classement, voire même n'accorder aucune prime.

Désireux, en conséquence, de n'induire personne en erreur, comme aussi de ne pas consacrer en pure perte notre temps, nous nous permettons de violer l'esprit du programme dont la rigidité n'échappera pas à MM. Les membres du jury, pour nous borner à présenter un travail qui n'est qu'une étude du premier degré avec estimation aussi rapprochée que possible de la sincérité. Si le principe exposé semble devoir être pris en considération, nous nous engagerons à le reprendre, avec tout le déploiement de personnel nécessaire et à le poursuivre pour être en mesure de déposer le dossier complet entre les mains de la commission des travaux dans un délai de six mois. »

Notes
2378.

AM Avignon, 1O 91. Nous respectons la typographie du document en mettant en gras ce qui était en rouge.