Le Conseil supérieur d'hygiène contourné : quand la « verdunisation » s'invite au ministère
Circulaire de M. le Ministre de l’Hygiène, en date du 15 février 1930 à MM. les Préfets, attirant leur attention sur la Verdunisation et complétant la lacune existant dans les Instructions générales du 12 août 19292379
« Comme suite à ma circulaire en date du 12 août dernier, vous avez reçu des instructions générales, rédigées par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, et destinées à guider les municipalités pour l’application des procédés de protection et de stérilisation des eaux potables.
Dans la rédaction de ce document, la savante assemblée s’en est tenue au seul point de vue doctrinal et n’a basé ses avis que sur des considérations purement scientifiques.
Depuis l’envoi de cette circulaire, des demandes de renseignements m’ont été adressées, relatives à un procédé visé indirectement dans les instructions, mais non nommément désigné.
Il s’agit du procédé de « Verdunisation », dont font usage avec succès plusieurs villes : Aix-les-Bains, Amiens, Avesnes, Bar-le-Duc, Carcassonne, Compiègne, La Rochelle, Lyon, Montbrison, Reims, Rochefort, Sainte-Adresse, Saintes, Saint-Lô, Saint-Malo, Saumur, Semur, Vendôme, Villeurbanne, Vittel, etc., et qui est actuellement en cours d’installation à Langres, Montpellier, Nancy et Narbonne.
Pour faciliter la tâche des municipalités, vous pourrez donc leur signaler ces références, en précisant que la « Verdunisation » est d’une application facile, techniquement efficace, et que son installation et son fonctionnement ont l’avantage d’être peu coûteux. Les maires des villes indiquées ci-dessus donneraient, le cas échéant, très volontiers à leurs collègues tous les renseignements qu’ils pourraient souhaiter à ce sujet. Ils font, notamment, remarquer que la « Verdunisation » emploie des doses fixes, insensibles au goût, n’exige aucun laboratoire ni traitement secondaire et que son effet est instantané.
J’ajoute, à titre d’information complémentaire, que mon collègue, M. le Ministre des colonies a déjà, par une circulaire du 23 juillet dernier, instamment recommandé à MM. les gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies, l’emploi de la Verdunisation et que, par ailleurs, M. le gouverneur général de l’Algérie a rendu son emploi obligatoire dans les villages de colonisation.
Enfin, aux colonies (A.O.F : Dakar; Cochinchine : Saïgon), à l’étranger (Espagne : Manresa, Sallent, Séville ; Monaco : Monte-Carlo ; Portugal, Lisbonne ; Suisse : Genève), les mêmes résultats satisfaisants m’ont été signalés.
LOUCHEUR »
Les journalistes et ce qu'il faut écrire (Nancy, 1930)2380
« M. le Dr R. Zuber va un peu fort.
M. le docteur Raoul Zuber est un apôtre de la Verdunisation. C’est son droit. Nous ne voulons point rechercher les mobiles qui l’incitent à se faire le propagandiste de ce système.
Tout récemment il emmenait plusieurs de nos confrères à Messein pour leur montrer le système Buneau-Varilla. Ceux-ci firent de copieux comptes rendus.
En les lisant, le public crût que la Verdunisation était adoptée par la ville de Nancy.
La Mairie le comprit si bien, c’est que le lendemain, elle adressait à la presse, un communiqué déclarant qu’elle n’était pour rien dans la rédaction des articles parus dans certains journaux.
Ici, aux P.L., nous n’avons point voulu accepter l’invitation de M. le docteur Zuber, voulant garder toute notre indépendance.
Mais pourquoi donc, M. le docteur Zuber qui aimerait tant trouver dans la presse de nombreux défenseurs du système qu’il préconise, se montre-t-il si dur à l’égard des journalistes qui ne veulent pas suivre son sillage.
L’autre jour, à propos d’articles parus dans l’Est, où un, de nos confrères émettait l’opinion que l’eau de Moselle, avant d’être stérilisée, devait être filtrée, M. le docteur Zuber profita de la séance du Conseil municipal pour s’élever contre cette campagne de presse, anonyme et incompétente.
Que M. le docteur Zuber ne critique pas ainsi les journalistes qui, pour éclairer l’opinion publique, cherchent à se documenter. Du fait, qu’on émet un avis autre que M. le docteur Zuber, il ne s’en suit pas que l’on puisse être taxé d’incompétence.
Mais gageons que si le même confrère avait écrit un article en faveur de la Verdunisation, M. le docteur Zuber ne lui aurait point dénié…sa compétence ! »
Les critiques de la propagande politique en faveur de la verdunisation
(au moment du rapport Goujon présenté à la Chambre des députés, juillet 1933)2381
« Un de nos grands confrères a publié pendant plusieurs jours, dans ses colonnes, des nouvelles qui alarment l’opinion publique.
Nous croyons qu’une telle campagne pro domo, par les arguments emprunts et les exemples fournis, n’aboutira qu’à desservir le but qu’elle poursuit en vue d’une cause qui semble bien compromise : La Verdunisation officielle obligatoire.
Cinq villes : Nice, Brest, Lorient, Saint-Brieuc et Avignon, citées par un député verdunisateur, seraient coupables d’avoir opté pour l’Ozonisation, d’abord donné, après de longues études, la préférence à un système moderne et scientifique qui dote leurs habitants d’une eau saine et agréable.
Nous rappellerons, à ce propos, à M. le député Goujon que, deux de ces villes, et non des moindres, Nice et Brest, dont les eaux sont stérilisées par l’ozonisation, ont été relevées par le Conseil supérieur d’hygiène de France de l’obligation imposée à toutes les autres villes du pays de soumettre leurs eaux d’alimentation au contrôle périodique de cet organisme.
LES CINQ VILLES DE FRANCE CITEES PLUS HAUT, S’ELEVERONT CONTRE UNE PROPAGANDE QUI NE TEND RIEN MOINS QU’A LES CLASSER COMME VILLES MALSAINES, AVEC COMME COROLLAIRE ? LES SUITES DESASTREUSES QUE CETTE PROPAGANDE NE PEUT MANQUER DE SUSCITER : FUITE DES TOURISTES, INQUIETUDE DES HABITANTS ;
Après la maladresse, le ridicule : notre grand confrère nous fait assister à la visite du préventorium de Flavigny-sur-Moselle, par deux cent cinquante hommes de l’art : les médecins accueillis par le président du conseil d’administration, entendent un vif éloge de la verdunisation, fait par un membre de la commission d’hygiène de la société des Nations, cicerone parfait, qui fait admirer aux congressistes la belle organisation des divers services de l’établissement2382.
La visite se termine par un hymne chanté à la gloire de Philippe Bunau-Varilla.
Il ne pouvait en être autrement !
Dès le lendemain de cette visite, un conseiller municipal de Nancy, le docteur R.Z. cloue sa ville au pilori ; il fait savoir par téléphone au grand quotidien : « Que l’eau pure fait partie intégrante des éléments nécessaires à une bonne santé ». O Molière, que dis-tu de cela ?
Mais, ce qui est plus grave et qui demanderait des éclaircissements : le brave conseiller municipal, docteur R.Z., après avoir chanté lui aussi les louanges de Philippe Bunau-Varilla ajoute : on ne s’explique pas encore que la ville de Nancy n’ait pas réussi, jusqu’à présent à s’inspirer de l’exemple donné par le préventorium de Flavigny-sur-Moselle pour doter sa population d’une eau limpide et saine.
Ah ! j’allais oublier le précieux renseignements que nous donne le bon docteur R.Z. : pour stériliser l’eau du préventorium, LES DOSES DE CHLORE VARIENT suivant l’aspect physique de l’eau de rivière employée.
O ! docteur disciple verdunisateur ! vous condamnez ici-même la verdunisation, puisque vous pouvez être contraint à employer des doses supérieures à celles préconisées2383.
Pauvre ville de Nancy, inviolée par l’Allemand, que seuls ses obus au chlore purent atteindre, pourras-tu résister maintenant à l’assaut du chlore des fanatiques disciples de Philippe Buneu-Varilla. »
Communication politique sur des tuyaux2384...)
L'invitation du maire de Villeurbanne à ses collègues de la grande région lyonnaise2385
Discours de M. Alexandre Postel-Vinay, président du Conseil d'administration de la C.E.O
« Messieurs,
On me dit qu'il est absolument nécessaire que je vous adresse quelques paroles; j'obéirai à cette fatalité des banquets. Mais, si j'ai la prétention d'aider votre Municipalité à répandre dans la ville des Sables-d'Olonne des flots d'eau pure, soyez sans crainte, mon intention n'est pas de vous submerger sous ceux de mon éloquence.
Je me contenterai de remercier sincèrement M. le député Chailly, M. le sous-préfet des Sables, M. le Maire des Sables d'Olonne, ainsi que tous les convives réunis à cette table, d'avoir bien voulu honorer cette fête de leur présence et témoigner ainsi de l'intérêt qu'ils portent à l'œuvre accomplie, de la confiance qu'ils montrent dans le succès final.
Messieurs, cette confiance ne sera pas trompée, je vous en donne l'assurance. Il ne s'agit plus aujourd'hui d'expériences; il y a beau temps que les qualités de l'Ozone sont connues, en particulier grâce aux beaux travaux de M. Otto, dont je regrette bien vivement ici l'absence, et dont la thèse de doctorat ès-sciences physiques avait précisément pour sujet l'Ozone et ses propriétés bactéricides.
Contrairement au sort commun de beaucoup d'inventions, celle-là sortit rapidement du laboratoire et devint presque aussitôt l'objet d'applications industrielles.
Une des premières en date fut faite par la ville de Nice, et puisque l'occasion s'en présente, vous me permettrez de rendre, à ce sujet, hommage à M. le Sénateur Sauvan pour son heureuse initiative. […]
Eh bien ! Messieurs, je m'en tiendrai à ce fait et je ne vous citerai pas les capitales, les autres villes importantes qui ont suivi cet exemple, telles que Paris, Saint-Pétersbourg, Madrid et beaucoup d'autres; mais je tiens en deux mots à vous dire les résultats obtenus à Nice. Je puis le faire en toute sécurité car ils sont aujourd'hui consignés dans un rapport officiel signé par M. le docteur Balestre, chef du bureau d'hygiène, et M. le Dr Grinda, premier adjoint, directeur du service hospitalier : de 40 décès pour 1000 habitants, la mortalité est tombée à 15 pour 1000 ! Du coup, la ville de Nice est passée au point de vue sanitaire au premier rang parmi les villes de France ! La diminution qui s'est accentuée à l'inauguration de chaque nouvelle usine d'ozonation porte surtout sur la mortalité infantile et les cas de fièvre typhoïde; plusieurs semaines se passent maintenant sans qu'un seul typhique se présente aux hôpitaux.
C'est donc, sur 1000 habitants, 25 décès économisés. Et comme la ville contient plus de 100 000 habitants permanents, c'est au moins 2500 existences que l'eau pure conserve chaque année.
Proportionnellement il en sera de même aux Sables d'Olonne, et vous aurez bientôt, Messieurs, la joie que j'ai eue moi-même à Nice, de pouvoir vous dire, en vous promenant à travers la ville, que telle des accortes Sablaises que vous rencontrerez et dont l'affiche a popularisé l'image, tel de ces pêcheurs qui vont chercher sur vos sables les grands poissons plats, tels de ces gamins qui courent sur les quais – que celle-là ou celui-ci doit la vie aux sages et habiles mesures que vous avez ordonnées.
Et vous serez satisfaits de votre œuvre et je me réjouirai d'avoir pu y contribuer.
Messieurs, il me reste à accomplir le geste traditionnel des banquets. Je prends donc cette coupe, mais j'apporte au rite une dérogation: ce n'est pas du champagne que j'y verserai, mais simplement un peu d'eau pure; en la portant à mes lèvres je pourrai dire en toute vérité que je bois à votre santé, à la santé de vos concitoyens et aussi à celle des nombreux et intéressants touristes qui sauront désormais qu'en venant ici, ils trouveront, grâce à vous, une eau saine en même temps que l'air vivifiant de votre beau rivage.
En terminant, Messieurs, permettez-moi d'adresser mes remerciements sincères et bien personnels à tous les collaborateurs, ingénieurs, entrepreneurs et ouvriers qui ont puissamment aidé la Compagnie générale de l'Ozone dans l'accomplissement de la tâche que vous lui avez fait l'honneur de lui confier. »
Reproduite dans Philippe Bunau-Varilla, Guide pratique et théorique de la verdunisation, Paris, J-B. Baillière et fils, 1930, p.70-71.
AM Nancy, 17W 6, article des Potins lorrains, 5 octobre 1930.
AM Nancy, 17W 6, « Verdunisation obligatoire », Le Financier français, 25 juillet 1933.
Il s'agit du docteur Jacques Parisot. Celui-ci faisait déjà la promotion de la verdunisation au Préventorium en 1930, lors de la visite du ministre de la Santé publique Désiré Ferry (AM Nancy, 17W 7, extraits de L'Est Républicain, 2 septembre 1930, et du Matin, 2 septembre 1930).
Rappelons que la « Verdunisation » repose sur des doses de 0,1 décimilligramme de chlore, et que Bunau-Variilla insiste beaucoup pour que l'on ne dépasse pas cette dose, puisque la « javellisation » qui donne à l'eau un mauvais goût utilise une dose dix fois supérieure.
AM Marseille, ouvrage L'œuvre municipale 1929-1935.
AM Grenoble, 1O 580, lettre du maire de Villeurbanne, 16 avril 1929.
D'après L'eau pure, n°2, septembre 1911 (AM Clermont-Ferrand, 2O 3/35).