1.1.1. Le débat sur les dimensions de l’interface transport-urbanisme

Comprendre la relation transport-urbanisme signifie appréhender sa complexité. La multiplicité des liens et des corrélations entre transports et urbanisme a fait l’objet de nombreuses démarches analytiques et de recherche.

On va illustrer ces aspects en faisant référence à des chercheurs représentatifs, qui appartiennent à des sphères d’étude différentes, comme l’urbanisme, les transports, l’économie ou la modélisation.

Lowry (1964), qui a construit le modèle de base de la localisation urbaine, a abordé l’interface transport-urbanisme en postulant que la structure des usages du sol, à un moment donné, est déterminée en même temps, par :

  • la nature et la localisation des activités industrielles d’une ville, et
  • les distances ou les temps de transport entre les zones de cette ville.

Pour cet auteur les dimensions clé de cette interface sont :

  • la localisation de la population dans le territoire,
  • le volume de l’emploi des services rendus à la population et sa localisation dans les territoires, et
  • la structure des déplacements domicile-travail et domicile-commerces.

Plus récemment, Bonnafous et Puel (1983) décrivent l’interaction entre transport et urbanisme par une triple relation entre sous-systèmes du système urbain (figure n° 1) :

  • Le sous-système des localisations : conditionne la formation des déplacements dans la mesure où la demande de déplacements est une demande « utilitaire » (les individus se déplacent dans le but de réaliser une activité).
  • Le sous-système de déplacements : intervient sur le système des localisations, par le biais du développement des infrastructures et l’introduction/renforcement de nouveaux modes de transport. Ainsi, l’amélioration des systèmes de transport, et donc les changements dans les niveaux d’accessibilité habitat/emploi/activités, peut potentiellement modifier la structure de la mobilité – activités.
  • Le sous-système de pratiques et relations sociales : les activités de la vie quotidienne (le travail, les achats, les loisirs, etc.) s’inscrivent dans le fonctionnement de la société, et de ce fait ce sous-système désigne le déroulement des activités des citadins, scandé notamment par l’organisation temporelle de la société urbaine.
Figure n°1 : Les interactions entre sous – systèmes au sein du système urbain
Figure n°1 : Les interactions entre sous – systèmes au sein du système urbain

Source : A partir de Bonnafous et Puel, 1983.

Cette présentation simplifiée des interfaces de base, peut être complexifiée pour insister sur les aspects dynamiques des interrelations. Wegener (2000) distingue, afin de modéliser le fonctionnement urbain, huit sous-systèmes : les réseaux, le mode d’occupation des sols, les lieux d’emploi, les lieux de résidence, l’emploi, la population, le transport de marchandises et les déplacements de personnes.

Dans ce système, les interactions transport-urbanisme forment une « boucle de rétroaction » (figure n° 2), et sont décrites ainsi :

  • La distribution des modes d’occupation des sols urbains, telles que les aires résidentielles, industrielles ou commerciales, détermine la localisation des activités humaines telles la résidence, le travail, les achats, l’éducation ou le loisir.
  • La distribution de ces activités entraîne des interactions spatiales matérialisées par des déplacements.
  • Les déplacements se réalisent dans les systèmes de transport selon une séquence de choix : posséder une automobile, décider de se déplacer ou non, choisir une destination, un mode et un itinéraire de déplacement.
  • Les décisions se traduisent par des flux sur les réseaux et éventuellement par des phénomènes de congestion et des temps, des distances et des coûts de déplacements accrus. Ceci détermine alors les conditions de l’accessibilité.
  • Les niveaux d’accessibilité associés à d’autres indicateurs d’attractivité, conditionnent les choix de localisation des investisseurs et celles des nouvelles constructions, donc les modifications du système d’urbanisation qui déterminent en retour les décisions de localisation des résidents et des activités.
Figure n°2 : « Boucle de rétroaction » transport-urbanisation
Figure n°2 : « Boucle de rétroaction » transport-urbanisation

Source : Wegener, 2000.

La nécessité de comprendre la transformation du système est aussi un enjeu. M. Wiel (1999), par exemple, représente la ville (ou les territoires) comme un système dynamique qui s’adapte en permanence aux comportements et aux interactions de ses occupants. De ce fait, ce système est dessiné par les choix que les ménages et les entreprises réalisent pour organiser leur mobilité en fonction des localisations souhaitables et possibles (habitat/emploi), de l’offre, des capacités de mobilité (motorisation, revenus…). La dynamique de la transformation de ce système par les nouvelles conditions de la mobilité urbaine suit, selon l’auteur, la logique suivante (figure n° 3) :

Figure n°3 : La dynamique du système urbain
Figure n°3 : La dynamique du système urbain

Source : Wiel, 1999.