1.2.1. L’approche de Lowry fondée sur la théorie de la base

L’approche de Lowry (1964) est celle qui a débouché sur le premier modèle à ambition opérationnelle qui introduisait le système de transport comme facteur structurant des formes urbaines et qui peut être considéré comme le précurseur des modèles intégrés transport-urbanisme d’aujourd’hui.

Le modèle de Lowry est fondé notamment sur la théorie de la base économique, qui cherche à expliquer les principes de croissance des agglomérations urbaines. Dans une perspective macroéconomique, elle définit la ville comme un ensemble de relations économiques.

Le point de départ de cette approche réside dans une analyse dichotomique des fonctions urbaines, en faisant la distinction entre les fonctions qui répondent à la demande externe et qui déterminent la spécialisation de la ville dans la division spatiale du travail (appelées activités de la base), et les fonctions qui répondent aux besoins locaux de la population (appelées activités dérivées). En accord avec la théorie keynésienne de la croissance économique, les activités exportatrices ont le rôle central dans la croissance urbaine. Ce sont donc les activités basiques qui deviennent le moteur de la croissance urbaine. Les revenus des personnes qui y travaillent dépendent de leur croissance, mais, en raison des multiples mécanismes d’interdépendance dans la production et la consommation, les revenus des activités qui leur sont reliées et des activités de services fournies à la population urbaine globale sont influencés par cette croissance.

La difficulté liée à la théorie de la base économique est la détermination des activités basiques. Généralement, seules les activités industrielles sont considérées comme basiques à l’échelle d’une ville, tout en considérant les activités tertiaires comme dérivées. Le problème c’est que l’on ne dispose pas d’informations quantitatives sur les exportations urbaines.

Dans le modèle de Lowry, la théorie de la base permet d’estimer deux variables liées à la base économique – la population résidente et l’emploi dans le secteur des services. Le modèle utilise aussi le principe d’interaction spatiale, sous la forme de deux modèles gravitaires à contrainte unique, utilisés pour répartir, d’une part, la population autour des lieux de travail (modèle résidentiel), et d’autre part, l’emploi du secteur des services autour des résidences et des lieux de travail (modèle de localisation des services).

Le modèle de simulation des localisations urbaines de Lowry avait comme objectif de simuler la structure des usages du sol à un moment donné sur la base des informations concernant la nature et la localisation des activités industrielles d’une ville et la matrice des distances ou des temps de transport entre les zones de cette ville. Le modèle était censé estimer la localisation de la population dans les zones de la ville, le volume de l’emploi des services rendus à la population et sa localisation dans ces zones et le schéma des déplacements domicile-travail et domicile-commerces (la demande de déplacements) de la ville.

L’hypothèse sous-jacente à la logique de localisation est que le choix résidentiel est déterminé uniquement par l’accessibilité aux lieux de travail, sans même considérer les valeurs foncières, et le choix de localisation des activités est orienté par l’accessibilité de la clientèle potentielle.

Dans la logique du modèle, le volume de la population résidente totale dépend du total des emplois de la ville. La population est répartie dans les différentes zones en fonction du nombre total d’emplois et d’une fonction de résistance aux déplacements domicile-travail. Ainsi, la population localisée dans chaque zone sera une fonction de l’accessibilité de cette zone aux opportunités d’emploi, sous une contrainte de densité résidentielle maximale.

Parmi les limites de ce modèle, on peut évoquer la faiblesse de la spécification des modèles d’interaction spatiale et son caractère statique. Les deux modèles d’interaction spatiale de Lowry sont insuffisamment spécifiés dans le sens où le modèle de localisation résidentielle ne satisfait pas la contrainte de destination, c'est-à-dire qu’il ne garantit pas que la somme de ceux qui se déplacent pour travailler en différentes zones de destination est égale au nombre de postes de travail existants dans ces zones, et le modèle de localisation des activités est pareillement limité (Masson, 2000). Le caractère statique du modèle implique qu’il ne prend pas en compte la variation dans le temps du rapport entre activités basiques et activités dérivées, sachant qu’avec la croissance de la dimension urbaine l’importance relative des activités de service augmente elle-aussi.

Cependant, ce modèle a fait l’objet de nombreuses extensions, et sa logique à inspiré plusieurs modèles d’interaction transport-urbanisme, comme ITLUP (Putman, 1973-1974), DRAM (Putman, 1983), LILT (Mackett, 1983) ou celui de Anas (1984).