1.2.4. La théorie de l’information et la maximisation de l’entropie

Wilson (1970) a introduit dans le champ de l’analyse du comportement spatial le concept d’entropie, emprunté à la thermodynamique. L’entropie est utilisée en thermodynamique pour mesurer le degré de désordre atteint par un système physique. En fait, ce concept décrit le parcours d’un système soumis à une influence externe, qui va de l’ordre au désordre, c'est-à-dire d’une situation de faible probabilité à une situation de forte probabilité. Le principe de l’entropie a été repris dans la théorie de l’information, où il permet, dans une situation d’information imparfaite, de déterminer la tendance la plus probable du système qui correspond à sa condition d’équilibre (ou d’entropie maximale).

Wilson applique le principe de l’entropie à un système spatial, représenté par une matrice de déplacements (interactions) entre une série de zones d’origine et de zones de destination. L’information de base est limitée au macro-état du système, c'est-à-dire au nombre de résidents dans chaque zone d’origine et au nombre d’emplois dans chaque zone de destination. Le micro-état du système, c'est-à-dire la localisation de chaque résidence et de chaque emploi, est inconnu, mais on peut considérer que ce n’est pas important. L’inconnue importante est le nombre d’habitants de chaque zone d’origine qui se rend tous les jours au travail dans chaque zone de destination. En introduisant l’entropie du système, Wilson détermine la probabilité qu’une personne effectue un déplacement de la zone d’origine i vers la zone de destination j. Mais, comme le souligne Fustier (1988), il ne faut pas interpréter ces probabilités comme une tentative de formalisation des comportements individuels. Wilson ne s’intéresse pas à l’individu, mais au comportement global du groupe. Le degré de désordre maximal atteint par le système spatial correspond à une répartition uniforme des activités de chaque unité spatiale, distribution qui est la plus fréquente. Le degré d’ordre (ou de désordre) d’un système spatial dépend du nombre de contraintes imposées. Dans une situation avec un maximum de contraintes (par exemple, quand un planificateur territorial décide de minimiser la consommation du sol et de maximiser les économies d’échelle dans la construction et le transport), l’habitat résidentiel et les lieux d’emploi seront concentrés dans une seule zone. Au contraire, en absence de contraintes, le principe de l’entropie pousse le système vers le désordre et la probabilité maximale, c'est-à-dire, vers une situation de répartition spatiale homogène des deux activités. Dans la réalité, la distribution qui a le plus de chance d’être observée n’est pas la distribution homogène, car le degré de désordre est limité par l’introduction de contraintes.

L’approche par l’entropie conduit, en fonction des choix des contraintes, à différentes formulations. L’une des plus utilisées de ces formulations correspond à la spécification gravitaire (issue de la théorie de la gravitation universelle de Newton). En fait, on peut considérer que l’approche par l’entropie est une justification théorique des modèles gravitaires.