1.3.1. Le concept de modèle

L’emploi scientifique de la notion de modèle a eu lieu d’abord dans la cybernétique, et il s’est répandu rapidement dans les diverses sciences, y compris les sciences humaines.

Un modèle est, par définition, une représentation simplifiée, relativement abstraite, d’un système ou d’un processus complexe, en vue de le décrire, de l’expliquer ou de prévoir ses impacts ou dynamiques (Bonnel, 2004).

Du point de vue économétrique, un modèle est une représentation mathématique des relations très complexes qui existent dans une réalité, exprimées sous forme d’équations. Ces équations permettent d’expliquer comment une variable peut changer à la suite des modifications d’autres variables qui l’influencent.

La simplification (représentation simplifiée d’une réalité complexe, multidimensionnelle), impliquée par le processus de modélisation, vise en fait deux aspects : d’une part, la construction théorique, et d’autre part, la formalisation mathématique du modèle.

La construction théorique détermine une simplification de l’objet étudié dans le sens où elle suppose de faire un choix des variables explicatives (et donc d’éliminer l’influence des autres variables potentiellement explicatives), et d’opérer une simplification de la relation existant entre ces variables et les variables à expliquer.

La formalisation mathématique, qui suppose de choisir la forme des relations entre les variables du modèle, est également une source de simplification, pour plusieurs raisons : les fonctions mathématiques doivent utiliser des variables qui puissent être mesurées, et ces variables ne sont pas toujours facilement mesurables, les fonctions mathématiques utilisent généralement des variables continues, et les données dont on a besoin ne sont pas toujours disponibles dans ce format, la fonction mathématique choisie ne correspond pas exactement à la distribution réelle des variables (Bonnel, 2004).

L’outil « modèle » est utilisé dans les différents domaines scientifiques et d’activité, tant par les chercheurs que les décideurs, pour ses apports à la compréhension, l’évaluation et l’anticipation de l’évolution des réalités complexes. La réalité urbaine ne fait pas exception, les modèles transport-urbanisme sont ainsi utilisés notamment pour simuler les effets des mesures de politiques publiques et alimenter soit des décisions soit des débats.

La démarche de modélisation s’avère souhaitable dans nombre de cas, parce qu’elle permet de rendre compte des aspects cachés, indétectables souvent par l’analyse de processus simples.

Dans cette démarche de modélisation, le rôle du modélisateur est de simplifier, c’est-à-dire de retenir certaines dimensions en fonction de l’objectif poursuivi, mais aussi en fonction de la possibilité que l’on a de mesurer et de quantifier ces dimensions.

L’utilité de la modélisation se trouve aussi dans la recherche des relations de causalité logique dans le fonctionnement du système modélisé. De ce point de vue, l’enjeu de la modélisation, dans n’importe quel domaine, est d’établir l’existence et la forme de ces relations, dans le but de faciliter la compréhension du fonctionnement du phénomène.

En dehors des enjeux de simplification et de compréhension, un modèle peut également servir à d’autres fins, comme la simulation de l’évolution future de la réalité étudiée sous certaines hypothèses d’évolution du contexte ou la comparaison entre différentes scénarios. Pour les décideurs, ces modèles, même s’ils ne sont pas parfaits, constituent un outil d’aide, dans la mesure où ils permettent de simuler les répercussions de certains changements (politiques) sur la réalité étudiée.

Pour qu’un modèle puisse être appliqué à la réalité, il doit être « opérationnel ». Bonnafous (1989) a évoqué trois conditions pour qu’un modèle satisfasse la condition d’opérationnalité :

  • la cohérence : le modèle doit remplir non seulement une condition triviale de cohérence interne (non contradiction), mais aussi une condition de cohérence avec son objectif, c'est-à-dire une compatibilité parfaite entre sa structure logico-mathématique et ses ambitions théoriques.
  • la pertinence : le modèle doit être conforme à la réalité, quant à la forme des équations et aux relations de causalité. Si cette condition n’est assurée, les résultats du modèle seront vides de sens.
  • la mesurabilité : le modèle doit utiliser des variables et des paramètres qui puissent être estimés à partir des données statistiques disponibles.

Ces trois conditions nécessaires et suffisantes pour l’opérationnalité d’un modèle sont cependant contradictoires, et déterminent la problématique du modèle. Ainsi, pour assurer la pertinence, il faut introduire des variables ou des mécanismes qui parfois soulèvent des difficultés logico-mathématiques et de mesure ; pour satisfaire la mesurabilité, on réduit le modèle aux variables statistiques disponibles, en éliminant certaines variables explicatives et en affectant négativement sa cohérence et sa pertinence.