1.3.2.3. Les nouvelles techniques de modélisation

Aujourd’hui, la modélisation urbaine est confrontée à de nouveaux défis en raison des problèmes de développement durable, de développement des nouvelles technologies et des politiques d’aménagement. Les modèles doivent donc être capables de prédire non seulement les impacts économiques mais également les impacts environnementaux des politiques de transport et d’aménagement urbain. Les systèmes de modélisation existant sont trop agrégés pour répondre à ces défis. Les modèles classiques distinguent seulement quelques entreprises, groupes socio-économiques et catégories de logements. De plus, la plupart d’entre eux reposent sur un système zonal dans lequel il est supposé que tous les attributs sont uniformément distribués à travers une zone. Enfin, ils ignorent que les activités socio-économiques et leurs impacts environnementaux sont continus dans l’espace.

Par conséquent, cela suggère une nouvelle organisation des modèles urbains basés sur un point de vue microscopique du changement urbain. Les modèles de micro-simulation, les automates cellulaires et les systèmes multi-agents tentent de répondre à ce nouveau défi.

Une première méthode de ce type est la micro-simulation de Monte-Carlo. De façon basique, la micro-simulation est la reproduction d’un processus macro par plusieurs processus micro. Ces modèles reproduisent les comportements humains au niveau de l’individu, c’est-à-dire comment les individus choisissent entre plusieurs options, suivant leurs perceptions, leurs préférences et leurs habitudes sous contrainte d’incertitude, de manque d’information et des limites de temps et d’argent.

Récemment, la micro-simulation a retrouvé plus d’intérêt, car sa flexibilité lui permet de modéliser des processus qui ne peuvent pas être modélisés dans les modèles agrégés. La modélisation des transports est probablement l’une des aires d’application les plus avancées dans les modèles urbains de micro-simulation. Ce type de modèles est généralement considéré comme le modèle de prévision de transport du futur.

Toutefois, en utilisant cette technique, on peut modéliser aussi des processus comme les choix individuels, les transitions (changements) d’un état à un autre ou des mesures de politique publique dans le processus de développement urbain (Wegener, 2000 ; Waddell et Ulfarsson, 2003). Le développement méthodologique sous-jacent renvoie à la théorie des choix discrets, qui permet de simuler les décisions face à plusieurs alternatives de choix, et consiste à déterminer une distribution de probabilités en donnant une vraisemblance plus élevée aux alternatives plus attractives.

Aujourd’hui, il existe des modèles de micro-simulation appliqués dans le champ des interactions entre transport et urbanisme, comme le modèle ILUTE (Integrated Land Use and Transportation Environment – Canada, 1998). Mais il faut mentionner aussi que des modèles plus « classiques », comme URBANSIM ou IRPUD, intègrent de façon partielle (dans certains modules) les éléments de cette technique.

Une autre classe est représentée parles modèles automates cellulaires, qui se sont développés à partir de 1994 avec les travaux de Batty et Clarke. Ces travaux peuvent également enrichir les modèles traditionnels, pour dépasser les limites liées à leur approche agrégée.

Dans un modèle automate cellulaire, le territoire est divisé en plusieurs morceaux, appelés cellules, chaque cellule étant caractérisée par un état particulier. Tout changement d’état d’une cellule dépend uniquement des facteurs et règles caractérisant les cellules voisines. Dans ce type de modèle on détermine la probabilité, pour chaque cellule, de passer d’un état à un autre.

Dans ce champ, les recherches sont en cours, les équipes universitaires cherchant à améliorer les performances et prolonger l’exploration de cette nouvelle technique de modélisation. En ce qui concerne son application dans la modélisation de l’interface transport-urbanisme, il faut noter que, dans la plupart des cas, ces modèles n’intègrent pas vraiment de module de transport (le flux de trafic n’est pas simulé).

Dans cette direction s’inscrivent les travaux d’Arentze et Timmermans, qui ont développé un prototype d’un système de modélisation appelé ABSOLUTE, qui relie un modèle de demande de transport à un large modèle de décisions (des personnes et des entreprises) et de changements des modes d’utilisation du sol.

La technique des automates cellulaires, comme la micro-simulation, peut également être intégrée dans des modèles « classiques ». Par exemple, le modèle URBANSIM intègre certains aspects de ces développements (dans le module de développement urbain).

Les modèles multi-agents sont issus de l’approche automates cellulaires, mais s’en différencient par le fait qu’ils prennent en compte la confrontation des règles de décision des différents agents. Ainsi, ils permettent de simuler les diverses interactions et processus complexes entre les agents individuels, comme les interactions sociales, économiques ou des processus spatiaux tels que les flux de déplacements.

Le développement en cours de cette technique, qui s’inscrit dans le cadre de l’évolution de la théorie des jeux, envisage de modéliser les interactions entre les agents sur différents marchés sous des hypothèses moins restrictives que celles de l’approche néoclassique des marchés de concurrence pure et parfaite.

Des recherches qui ont apporté des extensions de l’approche des automates cellulaires vers des modèles multi-agents sont celles de Baty et al. (1998) et O’Sullivan et Torrens (2000). Dans leurs modèles, ils considèrent les cellules comme des agents preneurs de décisions, et essaient d’étendre les interactions au-delà du voisinage.

La difficulté majeure dans la mise en œuvre de ces nouvelles techniques de modélisation vient du fait qu’elles sont fortement consommatrices de procédures lourdes et de bases de données très grandes, ce qui fait que l’intérêt pour l’utilisation pratique des modèles « classiques » agrégés reste toujours primordial.