2.1.4. Cycle (parcours) de vie et trajectoire résidentielle des ménages

Le cycle de vie des ménages constitue un objet d’étude en soi, mais il est largement utilisé en tant que cadre d’analyse d’autres phénomènes. Au cours des dernières décennies, plusieurs auteurs ont mis en évidence la relation entre le cycle de vie des ménages et les mouvements résidentiels et ont abordé la question de la mobilité résidentielle dans le contexte plus large du cycle ou de la trajectoire de vie des ménages.

Glick (1947) est l’un des premiers chercheurs qui ont lié explicitement le cycle de vie, les changements dans la composition et la taille des familles avec la mobilité résidentielle. Il définit sept étapes dans le cycle de vie d’une famille (cas américain) : mariage, naissance du premier enfant, naissance du dernier enfant, mariage (et départ) du premier enfant, mariage (et départ) du dernier enfant, décès de l’un des conjoints et décès du conjoint survivant, étapes qui peuvent conduire le ménage à changer de résidence.

Lansing et Kish (1957) apprécient que les étapes les plus importantes pour expliquer les comportements des individus et ménages, y compris en matière résidentielle, sont les changements qui affectent le statut familial, comme le mariage ou la naissance du premier enfant. Le cycle de vie familial possède, selon eux, un pouvoir explicatif plus important que celui de la seule variable âge.

Face à la diversité des situations familiales et personnelles, le concept de cycle de vie, qui met en avant le ménage, est progressivement délaissé, à partir des années soixante-dix, au profit de celui de parcours de vie, centré sur l’individu. Le parcours de vie est défini comme une succession d’étapes, de transitions, d’événements qui rythment l’existence d’un individu de sa naissance à sa mort (Rérat, 2005). Du point de vue des migrations résidentielles, les événements les plus importants sont la décohabitation, le mariage (la mise en union), le divorce (la séparation), la naissance des enfants et la retraite.

Rogers (1988), qui a étudié la relation entre la mobilité résidentielle et le parcours de vie, a trouvé, malgré la diversité des parcours de vie, des régularités évidentes concernant les taux de migration. Son analyse repose sur l’observation empirique de la courbe par âge des migrants et a été validée par de nombreuses études de cas. Les similarités identifiées dans le profil par âge s’expliquent par la relation de l’âge avec d’autres caractéristiques individuelles et d’autres aspects liés au cycle de vie familial et au parcours professionnel, qui engendrent des besoins et attentes distinctes en termes de résidence (taille du logement, localisation, etc.).

En dehors de la partie résiduelle qui n’est pas expliquée par l’âge, la propension à migrer connaît quatre pics. Le premier correspond aux enfants et renvoie à la trajectoire résidentielle de leurs parents. Le deuxième correspond à la transition de l’adolescence à l’âge adulte, qui est associée à la décohabitation, motivée par la nécessité de bouger pour suivre une formation supérieure, pour la recherche d’un emploi ou la formation d’une union. Le troisième pic survient à l’âge de la retraite, motivé par la présence d’aménités ou par le retour dans la région d’origine. Le dernier pic arrive en fin de vie, avec des déménagements motivés notamment par le rapprochement du reste de la famille.

Mais l’âge et le parcours de vie n’influencent pas que la propension à migrer, mais aussi la décision de localisation résidentielle. Pumain et Saint-Julien (1995), qui ont étudié les caractéristiques dans la répartition des catégories sociales dans les villes françaises, ont trouvé que la première composante concernait le cycle de vie : recherche du centre au début de la vie conjugale, ensuite migration des familles vers la périphérie, avec l’arrivée des enfants. Da Cunha et Both (2004), dans leur étude sur les agglomération suisses, trouvent aussi que l’âge apparaît comme un critère dans le choix de la direction de la migration : « l’âge des enfants, autant que leur nombre, semble être un facteur décisif du choix résidentiel. Les familles avec enfants en bas âge ou scolarisés s’installent de manière préférentielle dans les communes périurbaines et suburbaines où elles semblent trouver une offre immobilière mieux adaptée à leurs besoins en surface, à leurs aspirations en termes de cadre de vie et compatible avec leurs ressources économiques ».

L’étude des parcours de vie se base sur des méthodes qualitatives, comme les histoires de vie ou les récits biographiques, ou quantitatives, comme les analyses longitudinales, basées sur des enquêtes par lesquelles on suit les membres d’une cohorte au fil du temps, afin d’observer les transformations qu’ils connaissent.

La modélisation de la trajectoire de vie, avec ses composantes familiale, résidentielle et professionnelle, qui sont en interdépendance, suppose la localisation dans le temps et dans l’espace des événements survenus dans la vie des personnes/ménages enquêtés, le développement de structures logiques capables de traiter ce type de données et l’application des méthodes statistiques pour modéliser les facteurs de transition d’état et déterminer la probabilité d’une telle transition (régression logistique intégrant la temporalité, régression de Cox) (Thériault, 2002). Un tel modèle de trajectoire de vie permet d’inclure des facteurs spatiaux, calculés dans le SIG, qui ont une influence sur les choix résidentiels (distance résidence-travail, proximité de l’école, etc.).