2.1.5. L’approche des automates cellulaires et systèmes multi-agents

Dans les dernières années, de nouvelles approches et techniques de modélisation ont émergé, et leur champ d’application s’est étendu progressivement, en touchant aussi la problématique des choix résidentiels. Les automates cellulaires et les systèmes multi-agents sont représentatifs de ces techniques nouvelles.

La mobilité résidentielle à l’intérieur d’une ville constitue un élément essentiel de son fonctionnement urbain. La logique du couple « mobilité et localisation » est au cœur de la compréhension de la dynamique urbaine.

L’apparition des techniques de modélisation dynamique issues de l’informatique (intelligence artificielle distribuée, vie artificielle) ont permis d’aborder le problème du comportement des acteurs ou celui des interactions multiples dans l’espace et le temps.

Les automates cellulaires (Couclelis (1985), Phipps et Langlois (1997)) ont un intérêt évident pour la modélisation des systèmes dynamiques complexes. Ces modèles introduisent une représentation du territoire correspondant à un ensemble de cellules de forme identique, chaque cellule étant décrite par des caractéristiques de milieu, habitat, population etc. Des fonctions d’état permettent de caractériser l’évolution de chaque cellule en fonction de son état et de celui de ses voisins.

Les systèmes multi-agents (Bura et alii (1996), Benenson (1998)) trouvent un intérêt réel dans la modélisation dynamique des problématiques sociales. Ils sont fondés sur la formalisation des interactions locales entre les agents et avec leur environnement. Les agents évoluent dans un espace prédéfini ou, au contraire, libres de contrainte, et interagissent. Le choix de cette technique se justifie lorsque le système à simuler est très complexe pour être modélisé globalement, tout en ayant des comportements locaux connus et simples à modéliser.

L’avantage des systèmes multi-agents par rapport aux automates cellulaires est la prise en compte d’un espace différencié et hiérarchisé, ainsi que des trajectoires de chaque individu ou groupe. Le comportement de l’ensemble d’entités est modélisé selon un paquet de lois ou de règles. Les systèmes multi-agents permettent l’utilisation conjointe de règles qualitatives et d’équations quantitatives, ce qui permet de modéliser tout processus ou toute structure, quelle qu’en soit la complexité.

Un modèle combinant les deux techniques pour étudier la complexité des liens entre mobilité résidentielle et territoire a été développé et appliqué à Bogota (Badariotti et Weber, 2002).

L’unité décisionnelle, c’est-à-dire la personne ou l’ensemble des personnes qui prend la décision de changer de résidence, est à considérer selon les étapes du cycle de vie familial, professionnel et le statut d’occupation du logement. Dans ce modèle, ce sont les ménages qui ont été retenus. Ils sont caractérisés par une série de variables démographiques (classe d’âge), économiques (statut professionnel) et par le statut d’occupation du logement. En matière de localisation résidentielle, l’aspect décisionnel fait intervenir non seulement le logement et ses caractéristiques, mais aussi l’adéquation entre une motivation et une localisation (zone et logement). Les zones de résidence retenues correspondent aux secteurs de recensement (pour lesquelles les données existent).

Le comportement des ménages en matière de mobilité et de localisation résidentielle, implémenté dans le modèle, est supposé comportant trois étapes : d’abord, chaque ménage évalue son bien-être (confort) actuel et attribue au lieu de résidence un niveau de préférence ; ensuite, il cherche dans le voisinage un lieu plus confortable, avec un niveau de préférence plus élevé ; il émet le souhait de déménager s’il trouve un lieu pour lequel sa préférence est plus élevée que celle de son actuelle localisation. Chaque groupe (classe) de ménages a une propension à bouger qui lui est propre : par exemple, les ménages propriétaires et de personnes âgées auront une moindre propension que les ménages locataires et jeunes. Un ménage peut également être amené à bouger, non pas parce qu’il est attiré par une autre zone, mais parce qu’il est mécontent de sa localisation actuelle.

L’automate cellulaire est basé sur les stocks de logements, et repose sur le principe de similarité des comportements des groupes sociaux. Dans la logique de ce modèle, les zones où l’état d’occupation du stock de logements est inférieur à un moment donné à son optimum agissent comme des attracteurs et, parallèlement, les groupes d’individus issus des cellules denses s’adaptent à cette situation par un mouvement vers ces zones.

Le modèle multi-agents introduit les individus caractérisés par des comportements et des critères de choix résidentiels différents. Des règles pour les préférences individuelles, les logements et les zones d’habitation sont introduites dans la simulation. Les choix se basent sur l’évaluation des caractéristiques de chaque zone et sur une confrontation avec les critères individuels.