2.2.1. La mobilité résidentielle

La connaissance des déterminants de la mobilité résidentielle est nécessaire et importante notamment pour guider les politiques d’habitat et les acteurs du marché du logement.

Nous décrivons, d’une part, les motivations de la mobilité résidentielle, c'est-à-dire, des raisons qui poussent les ménages à prendre la décision de changer de logement, et, d’autre part, des variables qui peuvent avoir un impact plus ou moins significatif sur ces décisions de déménagement et en fonction desquelles on peut segmenter les ménages, caractérisés par des niveaux de mobilité différents.

Nous abordons la question des motivations ou des raisons que les ménages invoquent au moment où ils prennent la décision de changer de logement.

La mobilité résidentielle est fortement liée à des événements familiaux, comme les naissances, les mises en union, les séparations, la retraite professionnelle ou le décès. La fonction principale de la mobilité est le processus par lequel une famille ajuste son logement à ses besoins qui sont générés par les variations de la composition familiale accompagnant le cycle de vie. Par exemple, l’apparition des enfants est un événement, qui fait que le ménage peut avoir besoin de posséder un logement avec une plus grande surface, et ensuite de chercher la proximité à une école. En effet, concernant cette articulation entre cycle de vie et mobilité résidentielle, les recherches effectuées en France tendent vers la conclusion que le comportement résidentiel correspond à un processus d’adéquation entre la taille du ménage et celle du logement.

L’ensemble de ces caractéristiques du cycle de vie constitue la base d’un système dynamique résidentiel, et l’élaboration d’une typologie des ménages selon celles-ci va permettre de mettre en évidence ses mécanismes, logiques et interactions internes, qui gouvernent les choix résidentiels des ménages.

Un changement de logement peut être aussi motivé par un changement d’emploi (et parfois l’inverse). Le comportement rationnel des ménages consiste à choisir leur lieu de résidence en fonction de la localisation de l’emploi de chacun des membres. Mais la perte ou le changement d’emploi d’un ou de plusieurs membres ne sera pas forcément accompagné par une décision de changement de logement. Des études effectuées en France indiquent que l’emploi joue de moins en moins un rôle important dans la mobilité à l’intérieur des agglomérations.

Debrand et Taffin (2005), en évaluant l’importance des différents facteurs déterminants de la mobilité résidentielle, montrent que les événements familiaux s’avèrent des facteurs plus importants que ceux liés à l’emploi; ces derniers ne jouent le rôle principal que dans le cas de la mobilité de longue distance, mais c’est la mobilité de courte distance qui reste majoritaire.Gobillon (2001) affirme aussi que les facteurs de la mobilité résidentielle de courte distance (intra-communale) ne sont pas identiques à ceux de la mobilité de longue distance (intra-départementale et intra-régionale). Il précise que sur les deux dernières décennies, la décroissance de la part de la mobilité de courte distance et la croissance de celle de longue distance suggèrent une modification des raisons de déménager, sachant que la mobilité de courte distance est déterminée notamment par des événements liés aux caractéristiques du ménage et du logement, tandis que la mobilité de longue distance est plutôt associée à la mobilité professionnelle.

Une interrogation sur le statut d’occupation du logement est également nécessaire, puisque rester locataire ou devenir propriétaire est un acte qui semble orienter les choix en matière résidentielle, si on tient compte du fait que, conjugué avec la localisation (l’environnement résidentiel), le statut d’occupation constitue une forme de représentation sociale.

Dans la littérature, on trouve des références à d’autres facteurs qui peuvent favoriser la décision de changer le logement, comme le désir de posséder un logement supérieur du point de vue qualitatif ou d’habiter dans une zone avec une meilleure qualité du voisinage (Kestens, 2004), mais ces facteurs ont un poids moins important parmi les motivations évoquées par les ménages comme des raisons de déménagement.

On va faire maintenant un passage en revue des variables qui sont liées et conditionnent le comportement des ménages en matière de mobilité résidentielle.

Les études effectuées sur la mobilité résidentielle et son évolution en France nous offrent une liste de ces variables, parmi lesquelles on retrouve notamment les caractéristiques sociales, démographiques et économiques des ménages, comme l’âge de la personne de référence, la taille ou le nombre d’enfants du ménage, le statut d’occupation du logement ou le revenu du ménage. Nous allons voir quels sont les enseignements que l’on peut tirer de ces études concernant les relations qui existent entre ces variables et la mobilité résidentielle des ménages.

Une étude de Laferrere (2006) montre que l’ancienneté d’occupation du logement, qui est utilisée comme indicateur de mobilité résidentielle des ménages, a augmenté de 1984 à 1996, et s’est maintenue relativement stable entre 1996 et 2002, mais cette stabilité résulte de deux tendances opposées : une augmentation de l’ancienneté chez les personnes plus âgées et une diminution surtout chez les plus jeunes. Cette augmentation de l’ancienneté (diminution de la mobilité résidentielle) avec l’âge se fait de plus en plus avec le temps. En même temps, l’augmentation de la mobilité des moins de 65 ans est évidente pour les locataires et moins pour les propriétaires, tandis que pour les plus de 65 ans la baisse de la mobilité s’observe surtout pour les propriétaires et les locataires du secteur social.

Driant, Drosso et Vignal (2005) s’intéressent sur la mesure dans laquelle les retraités participent aux mouvements résidentiels, dans le contexte du phénomène actuel de vieillissement de la population. Selon eux, le seuil de 60 ans, couramment utilisé pour qualifier les personnes âgées et le phénomène démographique de vieillissement de la population, cache une grande diversité de situations en lien avec les choix résidentiels. L’analyse globale qui décrit les seniors comme des propriétaires des maisons individuelles et peu mobiles est insuffisante. Par exemple, il est intéressant d’observer que la majorité des personnes âgées vivent en maison individuelle, mais cette caractéristique baisse au fur et à mesure du vieillissement, et est accompagnée par un recul de la propriété et, en termes de localisation, d’un retour à la ville.

L’étude de Debrand et Taffin (2005) sur la période 1979-2002 confirme l’existence d’une relation évidente entre l’âge de la personne de référence du ménage et le statut d’occupation du logement, d’une part, et la probabilité de changer la résidence, de l’autre.

Les études de Henley (1998) et Gobillon (2001) mettent en évidence la relation qui existe entre la composition du ménage et la mobilité résidentielle : plus le nombre d’enfants ou la taille du ménage est grande, moins il est mobile.

Dans les conditions actuelles, les bouleversements de la famille ont comme effet que le nombre des ménages s’accroit plus que la population, conduisant à la réduction de la taille des ménages et la diversification des types de ménages. Ces aspects sont importants à étudier, parce qu’ils se traduisent par une pression de plus en plus forte sur le marché immobilier. En effet, l’accroissement du nombre de ménages d’une personne a des effets sur le logement, dans le sens où il accroît la pression sur le marché du logement et les personnes vivant seules privilégient les localisations centrales et donc le collectif et la location. De plus, si on met en relation la taille des ménages et la taille des logements, on constate que, dans le temps, il y a une relation inverse entre les deux indicateurs.

Si on s’interroge sur l’effet du revenud’un ménage sur ses chances de déménager, on s’attend a priori à ce que davantage de revenu augmente la mobilité résidentielle, donc à une liaison négative entre le revenu et l’ancienneté d’occupation du logement. Mais on pourrait aussi faire l’hypothèse contraire si on considère que davantage de revenu à un âge donné permettra de bouger moins souvent au cours de sa vie si on est plus aisé, par exemple parce qu’on est propriétaire plus tôt.

Un certain nombre d’études qui analysent l’importance du chômage régional dans l’explication de la mobilité, montrent que les ménages partent des régions où les revenus sont faibles et les taux de chômage élevés vers des régions avec des caractéristiques opposées.

La mobilité résidentielle est aussi influencée par la conjoncture économique. La mobilité de courte distance (qui est la plus fréquente) dépend étroitement de l’offre qui existe sur le marché local de l’habitat. Les phases de croissance économique, qui supposent une hausse des revenus des ménages, favorisent donc la mobilité.