2.2.2.1. La relation entre le profil socio-démo-économique des ménages et la localisation résidentielle

Concernant le premier groupe de facteurs, qui visent les caractéristiques subjectives, spécifiques aux différents ménages, on va analyser les relations qui existent entre les comportements de localisation des ménages et les variables les caractérisant, comme la catégorie socioprofessionnelle (CSP), le revenu, le niveau d’études, la taille du ménage ou le nombre d’enfants, l’âge (comme indicateur du cycle de vie), le statut d’occupation du logement, le nombre de voitures particulières et le nombre d’actifs. Ce sont des variables qui pourraient être utilisées pour stratifier les ménages en vue de l’estimation de leurs préférences de localisation.

Une idée généralement admise est que la mixité sociale comme objectif de l’action publique va à l’encontre de la préférence des individus pour « l’entre soi », l’option la plus courante étant de se rapprocher autant que possible de son groupe de référence. Dans cette logique, les choix résidentiels des ménages seraient donc des facteurs de ségrégation. De nombreuses études ont montré que le comportement des ménages en matière de localisation varie significativement avec la catégorie socioprofessionnelle des individus qui les composent. La typologie par catégories socioprofessionnelles traduit souvent le statut socioéconomique, synthétisé par deux variables corrélées : le revenu et le niveau d’études. La variable clé, qui est le revenu, est certainement une variable explicative de la décision de localisation résidentielle, que ce soit par le jeu du marché du logement, ou bien par l’influence des interactions sociales. Si on classe les ménages en fonction du revenu, de la catégorie socioprofessionnelle ou du niveau d’études de leurs membres, la concentration territoriale est évidente aux deux extrémités de l’échelle sociale, mais à une extrémité elle est choisie, à l’autre subie. La question qui se pose est si la composition sociale des territoires est un critère ou une conséquence indirecte des choix de localisation résidentielle. A cette question, la recherche n’apporte que des réponses nuancées et partielles.

Certains économistes considèrent que le niveau de vie, reflété par le profil socio-économique des ménages, est déterminant dans leurs choix en matière de localisation résidentielle. On peut évoquer dans ce sens les apports d’Alonso (1964), Mills (1967) et Muth (1969), qui soutiennent l’idée que l’offre et la demande sur le marché du logement expliquent la localisation des ménages aisés et des ménages pauvres dans des lieux différents, ou ceux de Tiebout (1956), selon lequel le jeu d’attraction et de répulsion entre différentes catégories de ménages structure l’espace résidentiel selon le niveau de vie.

Par contre, d’autres auteurs considèrent que ce n’est pas le niveau de vie qui influence le choix du lieu de résidence, mais plutôt l’inverse. Ces auteurs accordent une très grande importance aux caractéristiques socio-économiques du quartier, ces dernières influençant, selon eux, plus le revenu des agents que toute considération relative à l’accessibilité aux zones d’emploi.

On peut remarquer qu’en France, comme aux Etats-Unis, l’homogénéité des ménages au sein des quartiers est très visible dans le paysage urbain. Ainsi, il est possible de réaliser une typologie des quartiers, séparant les zones dans des classes selon le profil des ménages qui y habitent.

Les extensions apportées au modèle standard de l’économie urbaine permettent d’introduire une différenciation dans les caractéristiques des agents économiques, en tenant compte de la composition du ménage (taille ou nombre d’enfants du ménage). Les premiers modèles de localisation, comme celui d’Alonso, Muth et Mills, ne tenaient pas compte de la structure démographique du ménage. Or, un ménage composé d’un nombre important de membres, par exemple, est plus susceptible de choisir une résidence en périphérie, afin de bénéficier d’une plus grande superficie à moindre coût qu’un ménage composé d’un nombre plus réduit de personnes. Hochman et Ofek (1977) vont dans ce sens, en soulignant l’existence d’une corrélation positive entre la taille du ménage et la distance entre le lieu de résidence et le centre.

Les événements du cycle de vie des ménages motivent la décision de déménager, mais l’étape du cycle de vie a également une influence sur le choix de la localisation ou du type de bien (logement) acheté, en fonction des impératifs comme la naissance des enfants ou la retraite. Par le biais de ces étapes, l’âge des membres ou de la personne de référence du ménage apparaît comme une variable qui peut varier avec sa localisation dans le territoire.

D’autres recherches suggèrent qu’il existe une asymétrie importante entre les locataires et les propriétairesen termes de décisions de localisation résidentielle, ce qui semble logique dans la mesure où le statut d’occupation du logement est corrélé avec des variables comme le revenu du ménage ou l’âge de la personne de référence.

Un lien existe certainement entre la localisation d’un ménage et son degré de motorisation, représenté par le nombre de véhicules possédés. A priori, il existe une relation positive entre le degré de motorisation des ménages et la distance par rapport au centre de leur résidence : plus on s’éloigne du centre, qui est le pôle principal des activités de la ville, plus le besoin d’avoir au moins une voiture augmente. Le principal mode de transport utilisé par les membres de ces ménages pour se déplacer vers les différentes destinations, notamment le lieu de travail, est nécessairement la voiture, tandis que pour les ménages habitant dans les zones plus centrales, l’alternative des modes de transport collectif reste viable.

Dans un contexte où la mobilité liée au travail est un aspect important, dans la mesure où, par le biais des localisations de l’emploi et de la résidence, ce type de déplacement structure fortement l’ensemble de la mobilité, la présence et le nombre d’actifs ou plutôt d’actifs occupés dans un ménage est à prendre en compte dans une analyse de la répartition spatiale de l’habitat.

L’augmentation de la mobilité domicile-travail se produit dans un contexte caractérisé par un dynamisme économique et démographique marqué. De plus, le marché de l’emploi connaît des transformations structurelles importantes, comme la féminisation ou la tertiarisation.Ces évolutions urbaines induisent des changements importants dans le système de localisation d’une agglomération, et cette redistribution spatiale des emplois et des logements influe sur les comportements des ménages, en modifiant l’univers des choix de ceux-ci en matière de localisation.