2.2.2.2. Le lien entre les caractéristiques de l’environnement résidentiel et les choix de localisation résidentielle des ménages

La nouvelle théorie du consommateur de Lancaster met en évidence que le logement (ou la résidence) peut être vu comme un bien multidimensionnel différencié en un ensemble d’attributs variant en quantité et en qualité. Il peut ainsi se décomposer en trois dimensions : ses caractéristiques intrinsèques, les aménités et l’accessibilité.

Lorsqu’un ménage choisit un logement, il tient compte de multiples variables structurelles, soit quantitatives, comme la superficie ou le nombre de pièces de la résidence, ou qualitatives, comme le type (individuel – maison ou collectif – appartement), l’âge de l’immeuble (neuf ou ancien) ou le niveau d’équipement. Ces caractéristiques d’un logement se reflètent, en général, dans son prix sur le marché immobilier, ce prix étant également un critère en fonction duquel les ménages font leurs choix résidentiels. L’approche hédonique du prix immobilier (ANNEXE 1) repose sur cette hypothèse que le logement est un bien complexe, dont les caractéristiques sont les facteurs déterminants de son prix.

Le choix de la localisation résidentielle effectué par les ménages est lié à la qualité de l’environnement social, économique et physique de la zone de résidence. En retour, ces choix individuels déterminent une dynamique de cet environnement.

La théorie du flight-from-blight (en français, esquive des externalités négatives) explique la structuration, dans le contexte américain, d’une aire urbaine selon le niveau de revenu, à la lumière des externalités produites par la coexistence sur un territoire donné des ménages appartenant à des classes de revenu différentes. En fait, les interactions entre les différents groupes de ménages dotés de niveaux de revenu différents, qu’elles passent par la fiscalité ou plus généralement par les relations de proximité, sont susceptibles de structurer l’aire urbaine en fonction du niveau de vie des ménages. Ainsi, la cohabitation, au centre-ville, entre les classes aisées et les classes à bas revenu, génère des externalités qui incitent les classes aisées à établir leur lieu d’habitation dans la périphérie et ce afin de se soustraire à ces externalités. Il apparaît une représentation de l’aire urbaine qui prend la forme d’une juxtaposition de communes qui sont protégées les unes des autres par l’élaboration de barrières à l’entrée. Les ménages à bas revenu se retrouvent ainsi concentrés dans les villes-centres et isolés du reste de la population. Cette isolation aggrave généralement leur situation en amoindrissant le niveau et/ou la qualité des aménités endogènes dont ils peuvent bénéficier. Ainsi, les ménages à bas revenus sont confrontés à un cercle vicieux, car leur situation de pauvreté est confortée et accentuée par les caractéristiques du quartier dans lequel ils résident.

Dans son étude, Zenou (2002) a cherché à prendre en compte l’influence des aménités afin d’expliquer la ségrégation résidentielle. Il conclut que les ménages aisés donnent une plus grande importance à la présence d’aménités que les ménages disposant d’un revenu plus faible.

Il faut également noter que les caractéristiques socio-économiques des quartiers sont en mesure d’influencer les chances que les habitants accèdent à l’emploi, le quartier de résidence, à travers les relations de voisinage, peut conditionner d’autres décisions prises par les ménages ou que les ressources du voisinage peuvent avoir une influence sur la formation du capital humain.

Le choix de la localisation des ménages dépend aussi de leurs préférences concernant laqualité de l’environnement résidentiel, traduite en termes de présence d’espaces verts et de loisir et de niveau de pollution de l’air. Des chercheurs qui ont investigué l’effet de la présence de la végétation sur la valeur des propriétés, comme, par exemple, Thériault, Kestens et Des Rosiers (2002), ont mis en évidence la relation positive qui existe entre ces variables. Des études sur la perception des gens vis-à-vis de la présence des espaces verts dans la proximité de leur résidence ont également confirmé l’existence de cette relation avec la valeur du logement.

Les choix de localisation des ménages, mais aussi la valeur des logements, dépendent également de leur proximité aux différents activités et services de la ville. La présence dans la zone de résidence d’activités économiques, d’établissements d’enseignement ou commerciaux, la proximité au centre et aux grands infrastructures de transport, le niveau de la densité de la population, sont des facteurs qui vont guider les décisions des ménages de se localiser dans une zone ou une autre, en fonction de leurs besoins et préférences.

L’hypothèse de capitalisation des avantages retirés de la localisation résidentielle, tels que les aménités de voisinage ou l’accessibilité aux différents services découlent de nombreux travaux théoriques et empiriques en économie urbaine qui convergent vers l’idée que sur un marché immobilier concurrentiel, les consommateurs enchérissent pour les localisations selon leur propension à payer pour les attributs de localisation et c’est l’enchère maximale qui l’emporte et détermine le prix du marché. La valeur d’un bien est le résultat de l’interaction entre l’offre, et la demande qui reflète les caractéristiques des consommateurs (leurs préférences, revenus). Or, ce n’est que dans un marché de concurrence pure et parfaite que le prix du marché pour un bien est identique à la valeur de ce bien. En réalité, le marché des biens immobiliers s’écarte de ces conditions idéales en raison des caractéristiques propres aux biens immobiliers – indivisibilité, hétérogénéité, information partielle. Selon Van Lierop et Rima (1982), le marché du logement comme tel n’existe pas : « Ce que nous appelons le marché du logement est un phénomène complexe d’éléments et de sous-marchés corrélés et mutuellement influençant. Parmi les facteurs, les forces et les composantes qui interagissent pour former le marché du logement, on peut inclure une multitude d’acteurs individuels et groupes avec des intérêts et des références contradictoires, une multitude de motifs individuels et attributs de comportement résidentiel, une multitude de possibilités de choix (localisations alternatives, logements alternatifs, etc.), une multitude d’effets de débordements social et spatial et externalités (comme par exemple le fait que la qualité d’une résidence est déterminée par les unités individuelles de logement dans cette aire, une multitude de processus dynamiques associés avec le développement économique et géographique d’un système spatial, une multitude de régulations publiques qui contraint un système de marché libre pour le marché du logement ».

Le tableau n° 5 synthétise, sous la forme d’une liste de variables, les principaux facteurs déterminants des choix de mobilité et de localisation résidentielle des ménages identifiés dans cette section.

Tableau n°5 : Les facteurs déterminants des choix résidentiels des ménages

Facteurs (variables) – mobilité résidentielle
âge de la PR
nombre d’enfants / taille du ménage
statut d’occupation du logement
revenu du ménage
taille du logement
cycle de vie du ménage
emploi
aménités de la zone

Facteurs (variables) – localisation résidentielle
revenu du ménage
CSP de la PR
niveau d’études de la PR
nombre d’enfants / taille du ménage
âge de la PR
nombre d’actifs du ménage
statut d’occupation du logement
nombre de VP
prix immobilier
caractéristiques du logement (superficie, nombre de pièces, type, âge, niveau d’équipement)
caractéristiques socioéconomiques de la zone (revenu, âge, taille des ménages)
caractéristiques physiques de la zone (superficie des espaces verts et de loisir, niveau de pollution de l’air)
accessibilité aux opportunités (activités économiques, commerces, établissements d’enseignement, infrastructures de transport)