2.3.1. Utilité aléatoire et choix discrets

S’agissant de modéliser des choix, que ce soit de mobilité ou de localisation résidentielle, qui ont à la fois une composante déterministe et une composante stochastique (aléatoire), l’approche qui constitue le fondement de la modélisation dans ces cas est la théorie de l’utilité aléatoire, avec ses modèles de choix discrets.

Les modèles de type déterministe basés sur la théorie économique de l’utilité présentent certains inconvénients, liés à leurs hypothèses (la rationalité du consommateur, l’équivalence entre tous les individus, l’information supposée parfaite) et au fait que les facteurs psychologiques ne sont pas pris en compte. Ces inconvénients sont contournés si on adopte l’approche alternative, celle de l’utilité aléatoire.

Selon la nature du caractère aléatoire du choix, on fait la distinction entre deux classes de modèles : ceux qui supposent que les règles de décision sont aléatoires et les utilités déterministes, et ceux qui, à l’inverse, font l’hypothèse que les règles de décision sont déterministes et les utilités aléatoires. C’est la deuxième classe qui s’inscrit dans la tradition de la théorie néoclassique des choix.

En économie, c’est l’approche de McFadden (1978) qui s’est imposée.

Dans la logique de cette approche, on considère une population d’individus confrontés au même ensemble A d’actions et on cherche à déterminer le nombre d’individus qui choisissent une certaine action. La population est partitionnée en différents segments en fonction des divers facteurs socio-économiques (revenu, âge, profession, etc.). Chaque segment est supposé être constitué d’individus statistiquement identiques. Dans un segment donné, chaque individu est supposé avoir une fonction d’utilité déterministe U définie sur A. Toutefois, le modélisateur n’est en général pas en situation d’observer toutes les caractéristiques des actions influençant le comportement de choix de l’individu. De plus, il y a des éléments de subjectivité de chaque décideur et des erreurs d’évaluation dues à une manque d’information ou à la rationalité limitée dans laquelle il effectue le choix. En outre, il n’a qu’une connaissance imparfaite de la fonction U. On décompose alors U en deux parties : d’une part, une fonction V représentant la partie connue de l’utilité et qui est définie sur les caractéristiques observables des actions et, d’autre part, une fonction e qui représente la différence entre U et V. Dès lors, pour i=1,...,n, on a :

Ui= Vi+ ei

Même si l’individu a un comportement déterministe, le modélisateur est incapable de le prévoir avec certitude puisque, par hypothèse, il ne connaît pas la fonction e. De plus, on suppose que la population considérée est telle que ses membres diffèrent les uns des autres par rapport aux seules caractéristiques et facteurs socio-économiques non observables. En conséquence, le modélisateur peut, au mieux, prédire le comportement d’un individu à une fonction de probabilité près. De ce fait, e i est représenté par une variable aléatoire continue de moyenne nulle. Dans cette expression, V i reflète les préférences communes de la population tandis que e i exprime les variations de goûts à l’intérieur de cette même population, relativement à l’action i.

Dans cette approche, l’hypothèse de base est celle de maximisation de l’utilité du consommateur, selon laquelle il prend la décision en choisissant l’alternative qui lui procure la plus forte utilité. Dans cette logique, et si P(e i =e j )=0 pour tout ji, alors la probabilité qu’un individu pris au hasard choisisse i est donnée par :

PA (i) = P(Ui = maxUj), pour j =1,...,n.

Ainsi, les probabilités de choix sont construites à partir de la maximisation d’utilités stochastiques. Pour calculer P A (i), il suffit de connaître les fonctions de distribution des variables e i .

Dans la théorie de l’utilité aléatoire, on fait l’hypothèse (qui est une simplification pour des raisons de commodité analytique) que l’utilité d’une alternative pour un consommateur peut être spécifiée comme une fonction linéaire des caractéristiques du consommateur et des attributs de l’alternative, plus un terme d’erreur.

En faisant l’hypothèse de validité du principe de maximisation de l’utilité, la probabilité de choix d’une alternative représente la probabilité que l’utilité de cette alternative soit plus élevée que l’utilité de toutes les autres alternatives.