3.1.1. Tentatives de modélisation de l’interface transport-urbanisme dans le cas lyonnais

Des expériences plus ou moins abouties de modélisation de l’interface transport-urbanisme ont déjà été tentées sur l’agglomération lyonnaise, telles que les applications des modèles TRANUS et MOBISIM, ou la tentative de développement d’un modèle d’interaction transport-urbanisme pour l’agglomération lyonnaise du LET (Laboratoire d’Economie des Transports). Elles ont mis en évidence quelques aspects intéressants, mais en même temps des difficultés liées à l’application pratique de ces outils.

En 1999, dans le cadre du programme européen ESTEEM (European Scenarios on Transport-Energy-Environment for Metropolitan Areas – Rapport Final), le modèle TRANUS a été appliqué sur l’agglomération lyonnaise. Le choix de ce modèle, qui fait partie de la classe des modèles spatio-économiques, a été motivé notamment par sa structure théorique très solide (il combine des éléments de la théorie de l’utilité aléatoire, la théorie de la base, la théorie économique de l’équilibre, la théorie des enchères ou l’analyse entrée-sortie). L’objectif était de tester plusieurs scénarios contrastés de politiques de transport et d’utilisation du sol. Le périmètre d’étude choisi a été le périmètre de l’enquête ménages-déplacements de 1995, qui correspond au périmètre du schéma directeur de l’agglomération lyonnaise de l’époque. L’application de ce modèle au cas lyonnais n’a pas donné entière satisfaction, à cause notamment des difficultés rencontrées dans la phase de calibration, qui nécessitait de très grosses bases de données, pas disponibles dans leur totalité.

Une autre tentative est celle de l’application à l’aire urbaine de Lyon du modèle MOBISIM ( www.mobisim.org ), qui avait pour objectif la simulation des différents scénarios concernant la mobilité urbaine à 20 ans, en se basant sur la technique de modélisation multi-agents. Cette technique permet de simuler les interactions et processus complexes entre agents individuels, comme les interactions sociales, économiques ou les processus spatiaux tels que les flux de déplacements.

Le principe directeur du modèle MOBISIM était le suivant : la localisation des habitants et des activités conditionnent la formation de la demande des déplacements ; cette demande est confrontée aux conditions de l’offre de transport, qui interfère avec la répartition modale et l’affectation sur le réseau des déplacements ; la durée des déplacements est l’expression des conditions dans lesquelles s’équilibrent l’offre et la demande de transport.

Les principaux indicateurs de mobilité urbaine utilisés dans le modèle ont été la localisation de la population et des emplois, le volume des déplacements en VP et en TC et les émissions.

5 scénarios d’évolution de la mobilité urbaine, formulés par la DRAST, ont été testés : « Homo technicus » (volontarisme et technologie), « Homo economicus » (maîtrise des coûts et vérité des prix de la mobilité), « Homo contractor » (maîtrise de la mobilité par des transactions privées), « Homo politicus » (maîtrise de la mobilité par une transaction urbaine) et « Homo civis » (innovations et stratégies locales pour une mobilité soutenable).

En termes de résultats, on peut dire que le dernier scénario correspond plus aux critères de développement durable : moins de trafic VP, moins de pollution, diminution de la vitesse d’étalement de la zone périurbaine, plus de déplacements en TC et modes légers. Ces résultats impliquent qu’un certain nombre d’actions pourraient être envisagés : répartition spatiale de la population et de l’emploi dans le sens de leur rapprochement par la réorganisation du prix du foncier et l’augmentation de l’offre de logements dans la ville-centre et la banlieue, mise en place d’un système de vignette urbaine pour contrôler l’accès à la ville-centre, diminution de la capacité du stationnement payé par les entreprises, limitation et uniformisation des vitesses maximales des voitures sur toutes les catégories de routes urbaines, développement de l’offre TC, modification du comportement de la part de la population la plus captive en l’orientant vers l’utilisation des TC.

Une tentative de développement d’un modèle d’interaction entre transport et urbanisme et d’application à l’agglomération lyonnaise a été faite par le LET (Masson, 2000).

Le modèle se propose d’évaluer les effets des politiques de transport sur le système de déplacement et, à long terme, les effets des modifications du système de déplacement sur l’organisation urbaine, en essayant de dépasser les limites des modèles traditionnels de transport.

La démarche proposée n’était pas d’appliquer une structure de modélisation existante, mais de s’appuyer et développer les principes de ces modèles. Ainsi, la composante urbanisation est fondée sur la théorie de la base économique : les activités basiques, dont le niveau et la localisation sont exogènes au modèle, conditionnent le développement de la population et des activités induites par le jeu des multiplicateurs.

Le modèle présente deux sous-modèles : un modèle de répartition des localisations des résidants et des activités induites et un modèle de déplacement. La structure du modèle a été fortement contrainte par les données disponibles - le modèle demeure incomplet et repose sur des hypothèses simplificatrices, notamment au niveau de la localisation des ménages et des activités induites (il s’agit en fait d’un modèle agrégé de répartition spatiale, dont la spécification est relativement sommaire, visant à mesurer l’impact des coûts des déplacements et des coûts immobiliers sur la répartition des résidents et des activités induites), et les prix immobiliers ne sont pas modélisés.

Le périmètre d’étude s’étend sur un rayon de 45 km autour du centre de Lyon, afin de rendre compte des migrations alternantes. L’année de référence du modèle est 1995 et l’horizon de prévision est 2020.

Le modèle a permis de simuler des scénarios contrastés en matière d’évolution économique, de politiques de transport et d’aménagement urbain. En ce qui concerne l’évolution économique, les résultats du modèle soulignent les effets potentiels pervers d’une reprise économique durable sur l’organisation des transports urbains, dans l’hypothèse que les comportements de la population ne se modifient pas. Concernant les effets des mesures de politique de transport, le scénario visant à réduire l’usage de la VP montre un développement plus prononcé des localisations dans le centre et un ralentissement en périphérie, le scénario focalisé sur le développement de l’offre de TC montre qu’une offre performante ne suscite pas automatiquement les reports modaux attendus, et le scénario de développement des capacités routières d’accès à l’agglomération associé à l’accroissement des capacités de stationnement dans la ville-centre indique un bilan environnemental dégradé et un renforcement du phénomène de périurbanisation. Quant à l’impact des mesures d’aménagement urbain, sous l’hypothèse de fortes contraintes d’expansion spatiale, ces mesures ont des effets attendus sur la répartition géographique des déplacements, c'est-à-dire une progression du nombre de déplacements dans la ville-centre, et conduisent à freiner la tendance d’étalement urbain et à densifier la ville-centre et la première couronne.

L’objectif commun de ces modèles était de tester des scénarios de politiques de transport et d’urbanisme et de rendre compte de leurs impacts sociaux, économiques et environnementaux. Par contre, les techniques de modélisation utilisées pour atteindre cet objectif sont différentes : TRANUS est un modèle LUTI existant, MOBISIM s’appuie sur la technique des systèmes multi-agents, le modèle du LET (Masson), fondé notamment sur la théorie de la base, se situe plutôt dans une autre tentative de modélisation de l’interaction entre transport et urbanisme. La difficulté majeure qui a fortement contraint le processus de modélisation et son application pratique a été l’insuffisance des données disponibles par rapport aux besoins de modélisation, ce qui a conduit à travailler à un niveau plutôt agrégé et à limiter les dimensions de l’interface transport-urbanisme. Par rapport à ces tentatives de modélisation, dans le projet SIMBAD l’un des enjeux majeurs sera de dépasser les difficultés liées à la modélisation de la localisation des ménages, en essayant d’adopter une approche désagrégée (la technique des choix discrets fondée sur la théorie de l’utilité aléatoire) pour modéliser les décisions (les choix) des ménages en matière résidentielle en fonction des facteurs explicatifs.